HACKER
© Universal Pictures International France

HACKER, un Michael Mann moyen – Critique

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L’impressionnante régularité qualitative de l’œuvre de Michael Mann force le respect. Voilà pourquoi il a été compliqué de concevoir que son nouveau film, le onzième, soit une déception. Pourtant, on avait de quoi trembler lorsqu’on a vu émerger sur le net des critiques mitigées – pour ne pas dire catastrophiques, à son encontre, en provenance des Etats-Unis. 6 ans après l’éblouissant Public Enemies, Michael Mann revient au monde contemporain avec un thriller sophistiqué à base de cyber-terrorisme.

Nicholas Hathaway (Chris Hemsworth) est libéré de prison par les autorités américaines, en collaboration avec la Chine, afin d’aider à déjouer les plans d’un hacker ayant attaqué une centrale nucléaire. Avouons d’entrée que le scénario ne brille ni par son originalité ni par son écriture. Il fait office de point noir majeur à cause d’enchaînements parfois trop maladroits lui donnant des allures de série B lambda. C’est mal connaître Michael Mann de réduire HACKER à du simple divertissement inoffensif.

Des hommes à la Hathaway, le cinéma de Michael Mann en est parsemé. Des experts en leur domaine, face à un défi nécessitant leurs connaissances pour en venir à bout. C’est dans l’aboutissement de ce défi que se trouve la voie de l’épanouissement. On se souvient de Frank dans l’inaugural Le Solitaire, Neil dans Heat ou Lowell dans Révélations. Des hommes dont l’accomplissement se fait en marge d’un monde qui ne les comprend pas et au détriment d’une vie affective réussie. La relation entre Nicholas et Lien est le cœur d’un film qui met du temps à réellement se dévoiler. La première partie a du mal à décoller et risque d’en laisser sur le carreau de par son rythme, surtout s’ils s’attendaient à un film d’action décomplexé. Le complot terroriste s’efface peu à peu derrière ce couple et c’est dès lors que Mann peut déployer sa mise en scène sensitive dont il a le secret. Le film a la première bonne idée de représenter d’entrée le mal comme immatériel. On suit un virus se propager dans les entrailles d’un ordinateur jusqu’à aboutir à l’allumage d’une diode. S’ensuit l’explosion de la centrale. Le mal rôde, sans que l’on sache le visage qu’il revêtit. Il faudra d’ailleurs attendre 1h30 pour voir le vrai méchant se dévoiler.

L’une des plus belles scènes du film témoigne de ce mal omniprésent, capable de surgir à tous les instants : Nicholas réconforte Lien au beau milieu d’une avenue et tout d’un coup ils sont attaqués par une bande de sbires. L’arrivée est brutale, inattendue. La scène est belle parce qu’elle opère le basculement du film, les faisant passer de traqueurs à traqués. En une scène d’action, il reconfigure la position de tous les protagonistes. Signe que ce monde change vite. Mais pas que, le style Mann se met en place avec habileté pour transcender la scène, l’élevant vers un lyrisme bouleversant. Dilatation du temps à base de ralentis, conjugaison du drame intimiste avec le drame mondial et mise en scène en alerte. C’est pour des moments comme ceux-là que le cinéma de Mann se doit d’exister. Plus tôt dans le film on était témoin de la fougue qui l’habitait encore, malgré ses 72 ans, lors d’une prenante scène de traque. « Pas le temps pour le chagrin, il faut penser à survivre » dit Nicholas à Lien dans la continuité de l’attaque nocturne. Cette réplique est une belle illustration de l’état dans lequel sont placés les deux personnages. « Survivre » serait le mot clé figuratif des héros du cinéma de Michael Mann. Jusqu’à présent, l’enjeu de leur relation tenait sur la potentielle résolution de l’intrigue policière car si Nicholas échouait, il retournait en prison sans possibilité de continuer avec Lien.

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Tout mute vers la nécessité de rester ensemble car l’un devient le seul point d’attache de l’autre au sein de ce monde, devenu sans perspectives. La dernière scène s’impose en constat guère réjouissant pour eux. Ils marchent, dans un aéroport, vers leur nouvelle destination – leur nouvelle fuite. En s’avançant, ils lancent de nombreux regards aux alentours, habités par la peur d’être rattrapés. Il est déjà loin le temps du désir de la première partie, que la mise en scène retranscrivait à la perfection dans une pré-scène d’amour tout en sensualité ou quand Nicholas observait Lien discrètement dans ses faits et gestes. Magnifique image de les retrouver au milieu d’une zone aride, livrés désormais à eux-même. On se souvient d’un plan similaire dans le monumental Révélations où Lowell, dans un plan d’ensemble, était seul, les pieds dans la mer à la suite d’une conversation téléphonique avec Jeffrey. L’étendue monochrome, oppressante, réduit l’homme à une condition d’impuissance frappante. Mann sait avec habileté épouser le vague à l’âme de ses personnages et le mettre en image. La mélancolie est belle parce qu’elle est brève, souvent emportée par le poids des événements. Chaque baisse de tension est une opportunité pour laisser ressurgir leur spleen. Comme lorsque Nicholas, attendant un appel, voit Lien regarder des photos de son frère. Puis les choses reprennent leur cours et les états d’âme, se noient dans l’enchaînement des péripéties.

Il y a ce sentiment, à la sortie de la salle, d’avoir vu un film que personne d’autre ne sait faire. Et ça fait du bien, bordel !

L’élan numérique entreprit depuis Collatéral se poursuit. Michael Mann filme les villes, de nuit et de jour comme personne. Sa caméra, mobile, épouse le mouvement des corps en perdition tout en tendant vers l’abstraction. Ses expérimentations visuelles sont toujours des propositions délicieuses. La HD prend tout son sens sous l’oeil du réalisateur américain. Ce duel final au beau milieu d’une foule composée de mouvantes masses floues, il n’y a que chez un homme comme Michael Mann qu’on peut espérer être spectateur d’un tel moment. Ces multiples éclats nous font oublier que HACKER a des airs de redite dans sa filmographie, rejouant Le Solitaire ou la belle partition amoureuse de Miami Vice. Chris Hemsworth (qu’on a plutôt l’habitude de voir en Thor) fait office de bonne surprise avec son apparente vulnérabilité derrière son jeu tout en puissance physique. On est obligé d’être emballé par ce nouvel essai, marqué profondément, visuellement comme thématiquement, par le style Mann. C’est certain qu’au sein d’une filmographie si belle, HACKER aura du mal à soutenir la comparaison avec plusieurs de ses précédents films. On peut comprendre une partie de la déception de la presse puisque l’attente est toujours démultipliée avec un réalisateur si talentueux. HACKER n’a rien d’un naufrage. Il y a ce sentiment, à la sortie de la salle, d’avoir vu un film que personne d’autre ne sait faire. Et ça fait du bien, bordel !

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