PREMIERS CRUS

PREMIERS CRUS, où produire le vin en famille a du sens – Critique

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Le réalisateur Jérôme Le Maire a présenté son film PREMIERS CRUS en Avant-Première à Bordeaux en présence de son acteur phare Gérard Lanvin.

PREMIERS CRUS traite du retour à la terre de Bourgogne du fils prodigue Charlie Maréchal / Jalil Lespert qui avait refusé de prendre la suite de son père viticulteur  François / Gérard Lanvin. Il est pourtant resté dans le domaine du vin mais de l’autre côté, en tant que critique publiant le fameux Guide Maréchal reconnu par les professionnels de la profession. Mais bien sûr pas par son père qui s’est retrouvé sans relève pour la première fois depuis de nombreuses  générations malgré l’aide de son gendre Marco / Lannick Gautry le mari de sa fille Marie/Laura Smet Chef dans son restaurant.

Pour sauver le domaine de la faillite et éviter à son père de le vendre à sa concurrente directe Edith Maubuisson / Frédérique Tirmont, il est nommé administrateur judiciaire. Il entreprend d’écouler le stock et de rentrer une belle vendange avec les techniques d’antan, presque médiévales (foulage des raisins aux pieds, cuves en pierre, amphores à la romaine…). Le film n’est heureusement pas destiné aux seuls initiés de la vinification, le réalisateur ayant voulu éviter des termes trop techniques; du coup, on comprend tout!

Ce sauvetage va se dérouler sous le regard dubitatif et exigeant de François, encourageant de Marie et de Marco et enamouré de Blanche / Alice Taglioni, la fille d’Edith, pourtant jeune mariée à Christopher américain, lui aussi œnologue.

SND Groupe M6
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Car de famille il est question dans ce film : la famille Maréchal et la relation d’un père avec son fils, véritable colonne vertébrale du film, dixit le réalisateur. Tout est bien qui finira bien, les deux parviendront à se parler et exprimer leurs regrets et frustrations, à se respecter, à reconnaître à l’un le courage d’être parti et à l’autre de lui manquer.  La relation parallèle que vit Blanche avec sa propre mère traite d’ailleurs du même sujet: cette exigence professionnelle du parent vis à vis de son enfant qui reprend sa suite, son orgueil à ne pas lui demander de l’aide, sa difficulté à passer le relais, à faire confiance et à lui reconnaître du talent.

L’autre famille, les Maubuisson, est en guerre historique contre les Maréchal -on comprendra bien sûr pourquoi- et leurs propres enfants reprendront chacun le flambeau du domaine. Un peu shakespearien mais sans le sang.

Le réalisateur a su rendre les personnages plutôt attachants , même s’ils manquent de nuances, sauf  Jalil Lespert. Extrêmement naturel, il incarne un Charlie émouvant  par son parcours de vie, ses renoncements et ses prises de risques, ainsi que dans sa capacité à se comporter en leader légitime sans abus de pouvoir. Gérard Lanvin joue juste, fidèle à lui-même, bougon mais plus dans la retenue qu’à son habitude. Il disait lors de l’Interview aimer le monde de la paysannerie, avoir été touché par ce rôle désenchanté très fatigué d’un père qui attend son fils et avoir pris plaisir à participer à la composition de son personnage un peu voûté et taiseux.

SND Groupe M6
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Quant à aux femmes, dont le réalisateur a voulu montrer la force dans ce milieu d’hommes,  autant Frédérique Tirmont (comédienne de théâtre qui jouait déjà dans le premier film du réalisateur l’énigmatique Requiem pour une tueuse avec Mélanie Laurent) et Laura Smet sont crédiblesautant la fragilité du personnage interprété par une Alice Taglioni un peu trop souriante, manque de profondeur.

Nous n’avons jamais été submergés par les émotions, sans doute parce qu’il n’y a pas de véritables surprises dans le film, et qu’à aucun moment nous n’avons douté que Charlie réussirait malgré de nombreux obstacles en travers de son chemin. Peut-être aussi parce que le procédé du réalisateur et de ses deux co-scénaristes Rémi Bezançon et Vanessa Portal (qui travaillent ensemble sur les films de ce dernier , tels Nos Futurs) consistant à parsemer tout au long du film des phrases empreintes de sagesse un peu faciles en lien avec l’amour de la vigne et du vin,  est à la longue un peu lassant. On n’échappera donc pas à  » les emmerdes ça vient toujours en grappe, comme le raisin », « tes vignes, tu ne les mérites plus », « faire du vin est un sacerdoce, on ne le fait pas à mi-temps », « les vignes seront peut-être à toi un jour si tu as le courage », « il y a deux choses sacrées en Bourgogne : honorer sa terre et la transmission »!

PREMIERS CRUS, qui revendique son côté feel good movie, est une ode sans véritables surprises au métier de viticulteur.

Peut-être enfin parce qu’on aurait bien aimé que ne soient pas seulement effleurés les thèmes collatéraux, tels les collusions, compromissions  et arrangements possibles entre critiques et vignerons. L’intrigue aurait pu nous amener vers une réflexion sur l’éthique de cette profession, mais le film reste volontairement dans le politiquement correct et s’avère être une véritable ode au métier,  qui comblera de joie les viticulteurs.

Les images sont certes belles et bien filmées : la tempête et les bâches qui s’envolent, les pieds de vigne à perte de vue, le mariage de Blanche au ralenti et les regards entre les personnages:  le réalisateur nous a dit à ce sujet que pour lui « un regard réussi est toujours plus fort qu’une réplique et vaut mille mots ».  La musique qui accompagne l’humeur de chaque scène est pertinemment choisie et apporte une touche de modernité au film (celle de music-hall, lors de l’entrée en scène de Charlie).

Bien sûr, comment ne pas penser à Tu seras mon fils de Gilles Legrand -dont on a récemment vu L’Odeur de la Mandarine– qui traitait du même sujet : la transmission d’un domaine et d’un savoir-faire à Saint-Emilion et  les relations difficiles entre un père et son fils ? Jérôme Le Maire a reconnu ne pas avoir voulu voir ce film dramatique à sa sortie pour ne pas être influencé, mais que ses co-scénaristes lui ont évité certains écueils après son visionnage.

Nul doute que PREMIERS CRUS dont le réalisateur revendique le côté feel good movie sans pour autant être une comédie, trouvera son public, car il porte des valeurs et certains questionnements générationnels dans lesquels chacun se reconnaîtra.

Sylvie-Noëlle

3.5

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