THE HAPPY PRINCE est le premier film très réussi de Rupert Everett, qui retrace brillamment les dernières années de la vie de Oscar Wilde : attention, coup de cœur!
Rupert Everett, acteur britannique qui fait partie intégrante de notre culture cinématographique et pour lequel on a de l’affection, réalise son premier long métrage THE HAPPY PRINCE, en s’attaquant à la fin de la vie de Oscar Wilde. On peut dire qu’il a pris un risque, car il n’est pas le premier à raconter la vie du brillant écrivain dramaturge. Ce sont les trois dernières années de sa vie qui intéressent le réalisateur, qui dit avoir été « fasciné par la chute qui a suivi son état de grâce ». Il sait que beaucoup de films ont été tournés sur l’écrivain, mais qu’ils se terminent là où le sien commence.
On n’oublie pas que Oscar Wilde a été condamné à deux ans de travaux forcés pour grave immoralité, soit son homosexualité. C’est un homme qui a clairement connu l’humiliation publique, que montre parfaitement le réalisateur, tout en mettant en avant « la façon dont il s’est débrouillé avec tout ça, sans se comporter comme une victime, mais comme un homme délicieux plein d’humour et d’ironie ». C’est un homme qui n’a plus rien à perdre, puisqu’il a déjà tout perdu et qu’il passe son temps non pas à vivre, mais à survivre. THE HAPPY PRINCE reflète une grande admiration du réalisateur pour l’écrivain, véritable « figure christique, dont la mort a permis de parler de l’homosexualité ».
Et le film est à la hauteur de nos espérances : brillant, inventif et magnifiquement interprété par Rupert Everett lui-même avec beaucoup de vérité, de talent et de poésie. L’acteur a réussi la prouesse de disparaitre derrière son personnage d’homme au corps lourd, au visage rongé par l’alcool et la prison, qui se fâche autant qu’il livre ses sentiments de façon touchante et pleure facilement, obsédé par la mort. La narration du film n’est pas linéaire et donc plus dynamique, alternant les différents moments de sa vie entre sa sortie de prison et sa mort. Très entouré par des amis sûrs et fidèles, il a l’interdiction absolue d’entrer en contact avec ses deux fils, qu’il ne reverra jamais, source de grande tristesse. THE HAPPY PRINCE est d’ailleurs le héros d’un conte qu’il leur racontait pour les endormir. Il racontera ce même conte à des petits parisiens qu’il a pris sous sa coupe, et au moins l’un d’entre eux dans son lit.
THE HAPPY PRINCE est un film émouvant d’une grande finesse et d’une grande beauté, à l’image de celui dont il évoque les derniers moments. Vrai coup de cœur !
Car le film ne cache rien des mœurs assez dissolues de l’écrivain, même si les étreintes des corps, qu’il appelle « les moments pourpres », ne sont pudiquement pas montrées, mais monnayées. Car il est beaucoup question d’argent dans cette fin de vie, cet argent qu’il ne compte pas ou qu’il n’a plus, même pour se payer l’absinthe. Rien ne nous est épargné de la déchéance de cet homme d’esprit, depuis son changement de nom en Sébastien Melmoth pour échapper un temps à l’opprobre publique, aux retrouvailles avec son grand amour Bosie- celui par qui le scandale est pourtant arrivé-.
Une grande partie des dialogues est en français puisque c’est en France qu’il a passé ces trois dernières années, et l’ambiance d’époque des rues dieppoises et parisiennes est très bien retranscrite. On croise d’ailleurs Béatrice Dalle en tenancière d’une auberge dans laquelle Oscar chante. La musique de Gabriel Yared se veut discrète et heureusement non grandiloquente, comme un écrin à l’intimité du personnage. On remercie Rupert Everett d’avoir persévéré pour monter son projet, d’en avoir fait « une question de vie ou de mort » et de nous avoir offert THE HAPPY PRINCE , film émouvant d’une grande finesse et d’une grande beauté, à l’image de celui dont il évoque les derniers moments. Vrai coup de cœur !
Sylvie-Noëlle
Le film a été critiqué lors du Festival de Sundance en janvier 2018.
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• Réalisation : Rupert Everett
• Scénario : Rupert Everett
• Acteurs principaux : Colin Firth, Emily Watson, Rupert Everett
• Date de sortie : 19 décembre 2018
• Durée : 1h45 min