[évènement] Master Class avec Michel Blanc

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Le Blog du Cinéma a été invité par LG à la Master Class de Michel Blanc au Forum des Images. La soirée fut animée par Pascal Mérigeau et s’est intéressée à toutes les casquettes qu’a endossé Michel Blanc : acteur, scénariste et metteur-en-scène. L’homme de cinéma n’était pas avare en anecdotes et explications.

Nous vous proposons la retranscription d’une grande partie de la soirée.

Pascal Mérigeau : Il y a quelques années, quand vous étiez allé au japon présenter Grosse fatigue (1994) les gens étaient très surpris. Ils disaient : « Ah bon ? Vous vous mettez à la comédie ? ».

Michel Blanc : Effectivement le seul film qui était sorti au Japon à cette époque là, dans lequel j’avais un rôle important, c’était Monsieur Hire (1989). Alors quand ils ont vu Grosse fatigue ils pensaient que je passais à la comédie. Mais ça m’a fait plaisir parce qu’on a envie d’être neuf dans un pays neuf. Pour eux j’étais un acteur du « no » qui passait au « kabuki ».

P.M. : Est-ce que la comédie est une image qui vous encombrait un peu?

M.B. : Non j’en ai refait depuis. Je n’ai pas ce genre de névrose. Il y a certainement des films dont je suis plus fier que d’autres. Je n’ai pas envie de regretter quoique ce soit, c’est du temps perdu : on l’a fait, on l’a fait. En tout cas, je n’ai pas le complexe du clown triste qui voudrait systématiquement faire pleurer.

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P.M. : Comment ça se passe quand on est sur un film et qu’on se rend compte que ce n’est pas aussi bien que ce que l’on espérait ?

M.B. : Ca devient du boulot ! Ce qui est terrible, c’est quand on a l’impression qu’on ne peut rien faire. Si on s’en aperçu durant les premiers jours de tournage, il est toujours possible de parler avec le metteur-en-scène en disant : « Ecoute, ça ne ressemble pas du tout à ce que j’avais en tête, c’est peut-être moi qui ai tort mais voilà ce que je ressens ». On peut encore corriger des choses.

Mais on ne peut pas changer le scénario. Si on a lu un scénario qu’on trouvait bon alors qu’effectivement il n’avait pas la potentialité d’être un bon film, alors là, c’est très difficile. Par contre, l’inverseexiste. Si on voit un bon scénario massacré jour après jour, il est toujours possible de voir le metteur-en-scène et de lui dire : « Ecoute, j’ai l’impression que ce que l’on tourne est en dessous de ce que tu as écris. »

Ce qui est formidable sur un plateau c’est qu’on est porté par un mouvement, une création qui se fait. On ne sait pas si ca plaira au gens ou pas, et il ne faut pas se poser ce problème là. [S’adressant au public] Je suis désolé de vous le dire, ne le prenez pas mal ! Mais on est extrêmement content quand ça vous plait à l’arrivée. Mais si on met la charrue avant les bœufs, qu’on se demande ce qui pourrait bien leur plaire, on est plus un artiste, on est un fabriquant de glace qui fait une étude pour savoir s’il faut faire un parfum abricot ou pistache. Ce n’est pas le même métier.

[pullquote]il fallait prouver que son idée était bonne, ce qui prouvait que les autres ne cooptaient pas immédiatement.[/pullquote]

P.M. : Quand on voit vos premiers rôles, Le Locataire (1976) par exemple ou La meilleure façon de marcher (1976) de Claude Miller, il y a un personnage de victime qui s’installe. Vous vous voyez comme ca ?

M.B. : C’est ce que je représentais. Je faisais 51kg… avec la même taille, je n’ai pas grandi. Donc je dégageais quelque chose de très étrange et en même temps je n’avais pas l’air d’un jeune. Ca c’est assez général, mis à part Thierry Lhermitte, tous mes camarades du Splendid et moi avons toujours eu l’air vieux. Ce qui nous a fait gagner un temps fou et qui nous a fait jouer des rôles de vieux cons très tôt. Les Bronzés c’est ça : une bande de vieux cons sauf qu’on avait 25 ans.

J’ai failli être un acteur de films d’auteur et puis les Bronzés sont arrivés. Nous avons été collectivement des parias, c’est-à-dire que la presse nous a considéré comme des beaufs. La profession pensait : « On ne peut pas le prendre dans un film d’auteur parce qu’il nous trimballe les Bronzés ». Donc j’ai eu une grande traversée, non pas du désert parce que j’ai fait des films qui ont plutôt bien marché, mais en tout cas du désert de films d’auteur. Alors que j’avais commencé effectivement avec Roman Polanski, Claude Miller et Bertrand Tavernier.

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P.M. : A quel moment avez-vous commencé à écrire en dehors du Splendid ?

M.B. : Après les Bronzés 1 quelque chose m’a fait penser que l’écriture collective allait devenir compliquée. C’était comme une famille : les mêmes choses nous faisaient rire, les mêmes choses nous plaisaient quand on allait voir des films, etc. Et puis les personnalités ont grandi et l’écriture devenait plus complexe : il fallait prouver que son idée était bonne, ce qui prouvait que les autres ne cooptaient pas immédiatement. Je me suis dit : « Bon, arrêtons avant que ça tourne à l’affrontement. » Ce sont des gens que j’avais rencontré pour la plupart quand j’avais 13 ans. Ce sont des amis et c’était très difficile pour moi d’envisager de me fâcher avec eux pour des raisons d’écriture.

Donc je n’ai pas écrit les Bronzés 2. A la place j’ai commencé à travaillé avec Patrice Leconte juste après Viens chez moi j’habite chez une copine (1981).

P.M. : Au départ votre désir était celui d’acteur ou d’écriture ?

M.B. : C’était un désir d’acteur. La première fois que je m’en suis rendu compte, j’avais 13 ans. Dans notre classe de Français notre prof nous faisait jouer des scènes de pièces qu’on étudiait.

J’étais extraordinairement timide. Je n’aurai pas été capable à cette époque là de parler devant vous. Et en même temps quand il a demandé qui voulait jouer dans la scénette j’ai eu l’impression que mon bras s’est levé tout seul et je me suis dit : « Pourvu qu’il ne me prenne pas ». Et il m’a pris, ça marche toujours ce coup là ! Je me suis retrouvé avec le texte, à jouer une scène de pure comédie. J’ai commencé à lire en jouant vaguement et d’un seul coup mes camarades ont commencé à rire.

Je me suis dit : « C’est la première fois que tu te sens bien devant des gens, il faut que tu fasses ce métier parce que c’est le seul endroit où tu te sentiras bien devant des gens. »

P.M. : Et l’envie d’écriture ?

M.B. : Je ne sais pas, j’ai toujours griffonné des petits trucs. Il faut dire qu’à l’époque, on était dans un lycée formidable, dans un lycée de riche, dans lequel j’avais été admis parce que ma mère avait insisté alors que nous venions du côté pauvre de la Seine. C’était le lycée Pasteur à Neuilly qui m’a permis de rencontrer ces crétins.

Il y avait pleins d’activité à côté, dont un club de théâtre. J’y ai commencé à écrire deux petites pièces pour mes potes. On jouait tous les 4 avec Christian Clavier, Thierry Lhermitte et Gérard Jugnot, une œuvre absolument inoubliable qui s’appelait La concierge est tombée dans l’escalier. On a toujours été obligé d’écrire nous même les rôles parce que personne ne voulait de nous. On a fait du Café-théâtre, on a écrit une pièce, on faisait la billetterie, etc. Pour nous, la conception de l’artiste qui est propre de tout et qui n’est que dans son art est une vision un peu intellectuelle.

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P.M. : Quand vous avez commencé à écrire vous avez développé un personnage de timide agressif ?

M.B. : Je ne le définirai peut-être pas comme agressif mais comme un peu teigneux, un peu franchouillard qui râle tout le temps… C’est un français ! On ne nous l’a pas pardonné. C’est assez marrant, parmi les critiques les plus virulents de la part d’une certaine presse [Glove]. On était exactement ce qu’ils détestaient. On représentait ce qu’ils haïssaient… chez vous ! [Il désigne le public]

P.M. : Votre rencontre avec Patrice Leconte était quelque chose d’assez déterminant parce que vous avez trouvé un tandem…

M.B. : C’est lui qui est venu vers nous. Quand on a écrit Amour coquillage et crustacés, on a eu une proposition d’un producteur. Il se trouve que peu de temps avant, un jeune metteur-en-scène était venu nous voir en nous disant : « J’ai une idée, j’ai un scénario, j’ai vu vos spectacles, j’ai envie d’écrire pour vous tous ». Donc quand le producteur en question était venu et nous a dit qu’il voudrait faire un film avec Amour, coquillages et crustacés, on lui a dit qu’il y a un type qui nous aime suffisamment pour avoir envie de tourner avec nous. C’est comme ça qu’on a rencontré Patrice.

Ensuite, on a échangé durant les tournages des idées, des envies, des ambiances de comédie. Quand je me suis dit que j’avais assez envie de quitter la famille, d’exister et d’écrire, je lui en ai parlé et je lui ai demandé s’il était intéressé pour qu’on écrive un truc ensemble. Il a dit oui.

P.M. : Ce sont des films qui ont eu du succès en plus …

M.B. : Oui, il n’y en a qu’un qui n’a pas marché. Je crois que c’était Ma femme s’appelle reviens. C’était un truc bizarre. La productrice a récupéré un scénariste américain. Ca en dit long parce qu’un scénariste américain qui est obligé de se faire produire ici, ça sent mauvais. [Rires]

P.M. : Il y a aussi un film très singulier, que j’aime beaucoup : Monsieur Hire. Il est d’une grande noirceur, très ambitieux. On a l’impression que le rôle a été fait pour vous.

M.B. : J’ai appris en l’entendant dans une interview qu’il avait eu l’idée d’adapter Monsieur Hire. Il voulait le faire avec Coluche mais Coluche étant mort et moi vivant, le choix était vite fait. Donc non, ca n’a pas du tout été écrit pour moi.

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P.M. : Est-ce que vous êtes intervenu, bien que n’ayant pas écrit, dans la construction du personnage ?

M .B: Non, d’ailleurs je ne savais pas trop comment l’aborder. On l’a trouvé ensemble en allant voir les rushes tous les soirs. On a constaté que le personnage avait de la force et ressemblait à quelque chose quand j’étais totalement immobile, alors que moi je bouge beaucoup le visage quand je parle. On s’est aperçu que quand le personnage ne jouait qu’avec les yeux il se passait quelque chose. Et on refaisait beaucoup de prises parce que j’avais été un petit peu trop expressif, et qu’il ne fallait pas du tout l’être.

Je pense que je le ferai mieux maintenant. Si ce personnage avait quelques années de plus, ça lui aurait donné quelque chose de plus poignant encore. J’avais la voix trop jeune, trop aigue. Je pense qu’aujourd’hui le personnage aurait plus de poids… à tout point de vue hélas !

P.M. : Comment avez-vous commencez vos premier pas en tant que réalisateur ?

M.B. : Marche a l’ombre (1984) qui est le premier film que j’ai fait. C’est une comédie telle qu’on ne filmait pas les comédies avant. Il y a des contre-jours, ce n’est pas très éclairé, il y a de longues focales. On voyait toujours tout, très bien, dans les comédies à l’époque. On se disait : « Si on ne voit pas tout partout, ca inquiète le spectateur, il ne va pas rire ».

Alors que moi j’ai aimé Macadam Cowboy (1969). C’était en longue focale et j’ai aimé les contre-jours, j’ai aimé des silhouettes au loin qui parlent alors que le dialogue est très présent. On me disait que les gens n’allaient pas comprendre. Les gens sont bêtes vous savez, c’est connu hein ? Enfin, bien connu des producteurs. Donc après, quand on fait 6 millions d’entrées, ils se disent « Ah ben tiens ! Ils ne sont pas si cons que ca ».

P.M. : Vous aviez de toute évidence des idées de mise-en-scène mais vous deviez au départ juste l’écrire ?

M.B. : J’ai écris le scénario avec Patrick Dewolf. A cette époque, la comédie se passait plutôt dans des milieux bourgeois et reposait sur le fait que des hommes mariés avec des BMW trompaient leurs femmes ; et qu’il y avait des avions qui ne partaient pas à l’heure et que ca faisait des problèmes… Et moi je me disais que je filmerai bien une comédie dans un squat, parce qu’à chaque fois qu’on montre des squats avec des africains c’est pour montrer des choses dramatiques. Je pense que des êtres humains, même quand ils sont dans des squats, peuvent rire !

J’en ai donc parlé à Patrice. Il m’a dit : « C’est très bien mais tu vas le faire en tant que metteur-en-scène. Je crois que tu peux, alors fais-le. Prends un bon conseiller technique pour t’éviter de faire des conneries. J’ai vu comment tu étais présent sur les plateaux, tu peux le faire. » En effet, je me préoccupais tout le temps de la manière dont il filmait. Il me disait : « Si tu t’y intéresses, c’est que tu en as envie, essaye ! » J’ai donc demandé à Patrick Dewolf d’écrire avec moi et de devenir mon conseiller technique.

J’avais terriblement peur. J’avais l’impression que c’était une montagne à soulever et ce n’est pas faux… Si ca se passe bien, c’est un régal. Mais les 10-12 semaines de tournage (quand on a de la chance, maintenant c’est plutôt 7-8 semaines de tournage) sont des moments intenses durant lesquels on dort peu. Tout le monde vous demande tout, tout le temps. Il ne faut rien laisser transparaitre de vos inquiétudes. Il faut rassurer tout le monde et il faut répondre à tout le monde : « Tu veux le sac comme ça ? – Hey, dis donc, viens voir je vais te demander un truc pour demain ! – Je le joue comment ? Je le joue comme ça ? » C’est ca pendant 8h par jour, et après vous avez à préparer le lendemain et d’autres personnes viennent vous voir : « Hey, dis donc, j’ai pensé pour demain si cette bouteille là ca irait »…. Je ne savais donc pas si j’allais arriver à tenir le coup.

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theseus black
theseus black
Invité.e
30 novembre 2011 12 h 43 min

hahaha-haha… Moi ça m’intéresse pas trop, ce type était à la limite drôle en Jean-Claude Dus et là, il le fait en vrai c’est plutôt pitoyable !!

Les acteurs français sont trop prétentieux, trop imbus d’eux-mêmes et donneurs de « leçons », ce qui est fianlement très dommageable quand on connaît le mode de financement de leurs films (Merci le CNC)…

Personnellement le cinéma français ne m’intéresse plus depuis très longtemps et je doute d’être le seul.

😉

Yannick HENRION
Yannick HENRION
Rédacteur.rice du site
Répondre à  theseus black
30 novembre 2011 19 h 32 min

Il est vrai que les acteurs US ne sont pas du tout démago…
Moi je trouve que ce sont plutôt tes commentaires qui ne sont pas intéressants. Et je doute être le seul.

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