LE GOÛT DES MERVEILLES
@ David Koskas

LE GOÛT DES MERVEILLES – Critique

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LE GOÛT DES MERVEILLES porte bien son nom : c’est une douce parenthèse dans le monde moderne et urbain, une pause qui mérite d’être prise dans le tourbillon du quotidien. Réalisé par Éric Besnard avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité, sans tomber dans l’exagération ou la facilité, ce film traite du pouvoir du moment présent, du ici et maintenant que l’on peine souvent à vivre et dont on oublie les vertus.

Si vous vous posez la question, rien à voir avec Rain Man, même si le personnage principal souffre du syndrome d’Asperger (qui est une forme d’autisme) et qu’il a des prédispositions « hors normes » en mathématiques. En effet, le personnage de Pierre, interprété avec justesse et talent par Benjamin Lavernhe, souffre certes de cette pathologie mais ce n’est pas l’objet du film, c’est un moyen et non une fin. De ce fait, on imagine aisément que certaines libertés ont été prises par rapport à la réalité à la fois pour rendre le scénario crédible et l’histoire d’amour plausible. Le syndrome est ainsi utilisé d’une part comme vecteur des qualités que le réalisateur souhaite mettre à l’honneur, à commencer par la sensibilité, l’authenticité, la candeur, le désintéressement et la « porosité au monde ». Le fait que Pierre soit atteint du syndrome d’Asperger lui procure une forme d’hyper-sensibilité à la fois à la beauté de ce qui l’entoure mais aussi à la violence ou aux agressions du monde extérieur telles que le bruit. C’est cette caractéristique qui lui permettra d’endosser toutes ces qualités et d’apporter quelque chose aux personnes qui le côtoient, un regard différent sur ce qui les entoure. C’est ainsi que la pathologie, devenant presque un atout, se trouve d’autre part utilisée comme moteur de la romance car ce sont précisément les qualités qui en résultent qui séduiront le personnage incarné par Virginie Efira.

Photo du film LE GOÛT DES MERVEILLES
© UGC Distribution

L’intelligence du réalisateur est d’avoir utilisé ce « moyen » sans cliché, sans jamais en faire trop, pour faire passer son message, comme dans une sorte de fable. On sent que la volonté de ce film est de nous pousser à nous arrêter dans notre course folle pour contempler la beauté de ce qui nous entoure, la richesse de ce qui est à la portée de chacun, loin de la matérialité inaccessible de notre époque. Pour se faire, Éric Besnard a réalisé un film que l’on pourrait qualifier de « sensoriel », qui s’écoute et se regarde plus qu’il ne s’intellectualise et ça fait du bien. Rien ne semble avoir été laissé au hasard, ni le choix de la Drôme provençale comme lieu de tournage, ni les cadrages, ni la lumière magnifique de ce film et encore moins la musique, très présente. Ce sont d’ailleurs ces mélodies qui donnent du relief et de l’intensité aux scènes de « connexion » avec la nature et qui évitent que le film essuie quelques longueurs ou lenteurs. La nature est également au cœur du film, physiquement et symboliquement (notamment dans une scène où Louise va déraciner les arbres plantés jadis par son défunt mari pour passer à autre chose). Il en résulte l’une des principales qualités de ce film : l’esthétisme en tous points. Des décors naturels, à ceux qui ne le sont pas, en passant par le choix de Virginie Efira. En effet, loin de toute sophistication, belle mais naturelle, un peu « roots » (ce qui la rend accessible) elle est parfaitement crédible et émouvante dans ce rôle de femme arboricultrice à la fois séduisante et forte.

Une douce parenthèse dans le monde moderne et urbain, une pause qui mérite d’être prise dans le tourbillon du quotidien.

Enfin, autant que tout le reste, les seconds rôles ont été savamment étudiés : on pense notamment à Hervé Pierre, de la Comédie Française (comme Benjamin Lavernhe) en libraire qui veille sur le protagoniste avec une tendresse et une bienveillance que l’on ressent. On pense aussi au rôle des enfants dont les échanges avec Pierre sont plus naturels qu’avec les adultes qui le trouvent un peu « bizarre ». Le but étant de rappeler que l’authenticité et la sensibilité sont au départ en chacun de nous mais qu’elles se perdent souvent en cours de route, sauf pour le personnage principal. En effet, de par sa condition, ce dernier n’a pas la possibilité de tricher ou de se façonner autrement que ce qu’il est alors que nous le pouvons. La présence d’une psychologue (Hiam Abbas) tend quant à elle à apporter davantage de crédibilité au scénario.

A l’instar du protagoniste, le réalisateur nous invite donc à retrouver notre sensibilité à la nature et au moment présent, à savoir apprécier les choses telles qu’elles se présentent au lieu de tenter sans cesse de vouloir se protéger de tout, même du meilleur. Ici pas de quête initiatique du « héros » qui, par nature, ne peut que rester lui-même, mais un habile transfert sur les autres personnages et par ricochet sur le spectateur dont le regard va changer (sur Pierre comme sur le reste). Incapable d’être dans la séduction, il réussi à se faire apprécier exactement pour ce qu’il est et, par empathie, on finit presque par lui envier cette impossibilité de se créer un masque, de faire semblant. Autant dire que ce film prend magnifiquement le contrepied de notre époque et qu’il s’agit là d’une poésie dont il serait dommage de se priver !

Stéphanie

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Martine
Martine
Invité.e
10 avril 2021 9 h 14 min

Vu hier soir pour la première fois… une merveille ! Je n’ai qu’une envie : le regarder de nouveau.

Segura
Segura
Invité.e
2 avril 2021 23 h 21 min
5

Un éblouissement de beautés en plus d’être un film utile !

Poulin Yves
Poulin Yves
Invité.e
6 juillet 2019 19 h 55 min

Fan inconditionnel de Virginie, j’ai bien sûr vu ce film lors de sa sortie et avais été surpris qu’il ne suscite guère plus d’intérêt et de critique favorable. Je l’avais trouvé magnifique, presque magique… A la lecture de votre critique, Stéphanie, sur laquelle je tombe aujourd’hui « par hasard » je comprends pourquoi j’ai eu tant de plaisir à voir, et revoir, ce film. Virginie y est magnifique, bien sûr, mais pas que. Tout est beau, vrai, juste…merveilleux. Je n’hésiterai plus dorénavant à affirmer que c’est le film de Virginie que je préfère. Merci Stéphanie et merci Monsieur Besnard.

anna
anna
Invité.e
17 août 2018 12 h 03 min

j’ai beaucoup aimé ce film et les 2 acteurs principaux sont remarquables

Barth
Barth
Invité.e
18 novembre 2017 12 h 42 min

Un film intelligent,émouvant remarquablement réalisé et interprété.Superbe.

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