LES INFILTRÉS

LES INFILTRÉS, un pur divertissement – Critique

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Le festival Lumière 2015 n’a retenu que 2 longs métrages de fiction sur les 7 réalisés par Scorsese entre 1995 et 2015 : LES INFILTRÉS… et Hugo Cabret. Si l’on pourra pester contre ce choix, il faut reconnaître que ces deux films rassemblent des traits singuliers du cinéma de Scorsese.

Hugo Cabret est ainsi un hommage naïf mais très sincère au cinéma et à ses illustres maîtres (notamment Georges Méliès). Un hommage respectueux et jamais cynique ou orgueilleux, comme pouvaient l’être La Valse des Pantins ou Les Nerfs à Vif.

LES INFILTRÉS quant à lui, est un second pur film de divertissement après Les Nerfs à Vif. S’il y a encore un peu de ces obsessions personnelles à Scorsese, pas de portée réaliste et immersive, pas de fresque d’une époque, peu de psychologie ; le film est avant tout porté par une excellente histoire, et de bons personnages (et leurs interprètes).

On relativisera le premier point puisque le film reprend apparemment à la lettre un autre scénario, celui d’Alan Mak et Felix Chong pour le Hong-Kongais Infernal Affairs. Je reviendrai sur celui-ci lorsque je l’aurai vu pour analyser les différences entre les deux films, mais gageons que la mise en scène de Scorsese, le casting et le contexte américano-irlandais sont les seules plus-values de ce remake. Concernant la mise en scène, je vais simplement reprendre ces mots déjà écrits quatre fois à propos des grands films de mise en scène de Scorsese : Mean streets, Raging Bull, Les Affranchis et Casino; Arrêts sur image, ralentis, accélérés, travellings avant-latéraux-arrière, longs plans, musique Rock’n’Roll en contretemps, mouvements de caméra rapides… Une mise en scène certes coup de poing, mais simple resucée d’un précédent travail. Loin de s’en plaindre, on constate qu’elle correspond parfaitement à cette histoire, lui donnant un dynamisme tout à fait Scorsesien, idéal quoique peu original.

Quant au contexte… Il y avait dans Gangs of New York, une certaine logique à prendre comme repère la culture américano-irlandaise. Celle-ci apparaissait comme symbole judicieux des fondations d’une Amérique encore en construction (fin du 19è siècle) ; Scorsese l’inscrivait donc dans ce contexte criminel immersif, propre à son cinéma. Ce n’est pas du tout le cas dans LES INFILTRÉS, ou le cinéaste ne cherche ni à retranscrire le réalisme de ses premiers films (inscrits dans un microcosme familier, puisque italo-américain), ni à agrémenter ce réalisme d’une mythologie mafieuse, comme dans Les Affranchis et CasinoScorsese revient à un cinéma centré sur des personnages iconiques et non ancrés dans un univers palpable. Le quotidien de ces mafieux et policiers n’est finalement montré que par le biais du spectacle, du scénario et/ou de la performance d’acteurs.

Ce n’est pas vraiment un mal, tant les acteurs sont bons : Leonardo DiCaprio exprime de tout son être la dualité, à la fois charismatique et ultra effacé ; Matt Damon, personnage orgueilleux aux motivations plus personnelles que pécuniaires, est plus complémentaire qu’antagonique. Il personnifie l’adaptation rusée à un univers hostile. Puis, il y a LE Jack Nicholson, qui fait du pur Jack Nicholson. Très très intense et charismatique. Les personnages secondaires sont également géniaux, du super flic ultra-parfait Alec Baldwin, au papi flic usé de Martin Sheen, en passant par le charismatique Dignam/Mark Wahlberg et son hallucinant débit d’injures. Peut-être celui qui laissera le plus de « traces » une fois le film terminé.

LES INFILTRÉS est un pur divertissement porté uniquement par la puissance de son scénario, l’interprétation et la mise en scène emblématique de Scorsese…

Cela dit, si génialement interprétés soient-ils, sans un contexte solide ces personnages ne parviennent jamais à transcender leur étiquette fonctionnelle et scénaristique. Exactement comme dans Les Nerfs à Vif, Scorsese ne cherche en rien à donner du réalisme à cette histoire, juste un certain charisme appuyé par la puissance formelle de sa mise en scène, ainsi qu’un script en béton. Du coup, qu’en est-il du script ? En révéler les tenants et aboutissants serait criminel, mais oui : il exploite avec une incroyable intelligence le postulat de base, à savoir celui d’un flic infiltré chez des gangsters et d’un gangster infiltrés chez les flics. L’intime vient se mêler à la vie professionnelle ( via le personnage féminin, mais également les relations filiales établies entre les personnages ), et Scorsese organise le tout en puisant dans les motifs susmentionnés issus de sa filmographie. On a même été agréablement surpris par un final inattendu, aussi jouissif que sans concession.

Au final, LES INFILTRÉS paraît être une petite friandise que s’accorde Scorsese. Un film simple, sans ambition autre qu’être un excellent film de gangsters.

LES INFILTRÉS a été chroniqué dans le cadre d’une rétrospective consacrée à Martin Scorsese dans le cadre du festival Lumière 2015.

Georgeslechameau

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Mise en scène
Scénario
Interprétation
Musique
Immersion / univers
Note des lecteurs4 Notes
3.8

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