La plateforme de SVOD Shadowz (également accessible via Amazon Prime Video Channels) propose un large choix de courts-métrages. Une nouvelle génération de réalisat.eurs.rices français.es s’approprie avec succès le film de genre.
JUNIOR de Julia Ducournau
Film horrifique de la réalisatrice Julia Ducournau, prémice – à en croire le genre et la présence de la comédienne Garance Marillier – du long métrage Grave sorti cinq ans plus tard, JUNIOR annonçait déjà l’ingéniosité de sa réalisatrice. Car c’est grâce à ses plans qui racontent, sans jamais surligner, que l’on plonge dans l’univers du film. Ils nous montrent la vie à hauteur de la protagoniste et le montage suit toujours intelligemment le rythme de la narration pour permettre au film de nous accrocher aussi bien dans ses moments up que dans ses moments down. Les effets spéciaux (additionnés au travail admirable du son) assurent le glissement vers le genre, celui-là même que l’on retrouve dans Grave, celui qui vous fait grimacer, pousser des bruits de dégoût et détourner le regard. Pour autant, tout ceci n’est pas gratuit et ne fonctionnerait guère si l’écriture ne répondait pas à la même exigence. Pour cela il faut féliciter le travail de de Julia Ducournau, à son cinéma qui donne sens au film et se fait plus intelligent que le pot commun du genre. L’histoire nous raconte, à travers l’imaginaire de la réalisatrice (c’est bien là l’intérêt) la transformation, à différents égards, d’une adolescente dans son parcours vers l’âge adulte. Les doutes, le sentiment d’être à part, seule et incomprise. Les changements physiques d’abord amènent le changement du regard sur soi et du regard des autres. Les dialogues des adolescents sont inscrits dans leur époque, touchants, parfois drôles. La direction d’acteur est fine et l’on sent une bienveillance de la réalisatrice à l’égard de ses interprètes, sans quoi la complicité de ces derniers à l’écran ne serait pas si crédible. Belle surprise pour JUNIOR qui vous fera vivre – avec horreur – quelques instants dans le parcours initiatique de l’adolescence.
François
WILD LOVE de Paul Autric, Quentin Camus, Maryka Laudet, Léa Georges, Zoé Sottiaux et Corentin Yvergniaux
En escapade romantique, Alan et Beverly provoquent un accident mortel. Ce crime ne restera pas impuni… Enchaînant les prix en festival depuis sa création (Grand prix du jury Animated Short au Nashville film festival), la réputation de WILD LOVE ne cesse de grandir, à raison. Vous avez toujours rêvé d’assister à une expédition punitive de marmottes vengeresses sur des randonneurs amateurs de selfies en montagne ? installez vous, vous êtes au bon endroit. Drôle, cruel, avec ce qu’il faut de sadisme réjouissant et d’humour noir, WILD LOVE est un film de salle gosse, inventif et généreux. Si ça ne vous parle pas c’est que vous êtes mort à l’intérieur. Un dernier mot pour convaincre, réchaud lance-flamme.
Thomas
TOC-TOC de Lucas Monjo
Ce film nous propose un high concept très intéressant, une peur qui va parler à beaucoup d’entre nous. Seul, chez vous, la nuit, on toc à la porte. Ce bruit raisonne dans votre maison vide et quand vous ouvrez : personne. La première fois c’est une erreur, la deuxième fois c’est suspect et la troisième fois, carrément effrayant. C’est sur ce fil que repose le récit. Il faut saluer les moyens du film, autant pour le décor que pour les effets spéciaux, tandis que le montage et la mise en scène rythment bien l’histoire pour éviter au métrage de trainer en longueur. Toutefois on reste perplexe devant la réalisation et le choix de cadres très larges dont on ne voit guère l’intérêt narratif, qui est plutôt un frein dans la transmission des émotions et des angoisses du protagoniste. Au moins, la fin saura vous surprendre, peut-être plus que vous enthousiasmer.
François
LE JOUR OÙ MAMAN EST DEVENUE UN MONSTRE de Joséphine Darcy Hopkins
Après Margaux (réalisé au côté de Rémi Barbe), Joséphine Hopkins continue de creuser sa vision du fantastique et de l’horreur de l’intime. En racontant le quotidien d’une jeune fille de 9 ans qui voit sa mère se transformer lentement en monstre, Joséphine Hopkins raconte l’après, celui de la perte et de l’abandon. Dans une fable douce amère qui oscille entre le naturalisme et le conte, avec des éléments de Body Horror bienvenus, elle met à jour nos créatures intérieures, et avec elles nos émotions, qui à force de silence et de non dits, finissent par aliéner ceux que l’on aime.
Thomas
SERVICE DE NETTOYAGE de Hélène Kuhn
Film classé « suspens », vous ne tarderez pas à entrer dans l’histoire qui pose très vite le décor. Lendemain d’une fête bourgeoise bien arrosée. L’excentricité et la posture des personnages a des airs de gossip girls et capte très vite notre curiosité. On félicite le fond qui soulève la question sociale sans en faire trop (ou presque). Pour exemple, ce dialogue frappant de réalisme et de paradoxe : « t’aime ça faire le ménage » digne d’un bon auteur français par la profondeur de son sens. Ce dialogue illustre bien la volonté du film à dénoncer jusqu’à la fin les abus de pouvoir et les clichés (existants) des hiérarchies sociales par des actions symboliques qui racontent bien plus que ce qu’elles montrent si on fait l’effort de vouloir comprendre. C’est pour toutes ces raisons que l’on déplore alors les travers artistiques. Les acteurs n’arrivent pas à garder une régularité dans leur performance et nous obligent à fermer les yeux sur quelques répliques grossières. Le sous texte du scénario évoqué plus haut repose parfois sur un fil, au bord du cliché. Il demande alors une grande sincérité d’interprétation et les acteurs ne parviennent pas toujours à éviter ce piège. La réalisation d’Hélène Kuhn suit étrangement cette inconstance. Car si la lumière est joliment travailler pour mettre en valeur le décor ou le visage de ses comédiens, le cadre joue contre ses personnages qui sont souvent comme bloqué dedans. La profondeur de champs est intelligemment utilisée mais les interprètes ne semblent pas pouvoir évoluer dans ces cadres figés, la mise en scène subit alors les exigences techniques. On peine à croire au climax, où le montage tend à nous faire croire des choses sans vraiment les montrer. La réalisation est bien plus « gentille » que son scripte. On aurait aimé qu’elle assume autant que son scénario l’horreur des personnages qu’il nous dépeint, jusqu’à l’image de fin.
François
OÙ SONT LES CERFS de Emma Chaïbedra
Dans ce film de Emma Chaibedra, il nous faut féliciter les moyens qui ont été mis à disposition pour un film auto-produit, ainsi que la première idée du scénario qui donne l’essence du film. Les comptines pour enfants sont malmenées par le premier degrés froid et impartial de l’âge adulte. Une idée audacieuse, implantée dans notre monde moderne qui questionne indéniablement notre culture. Alors on déplore que le sujet ne soit traité qu’en surface. Les comédiens ne sont pas dirigés pour trouver la sincérité de leurs personnages qui nous auraient fait froid dans le dos, même si les personnages se veulent décalés, excentriques, ils doivent nous parvenir comme possiblement réel, ce qui n’est pas le cas ici. La première scène est la parfaite illustration de ces interprétations too much – à l’image de Marc Duret – et même si d’autres comédiens nous semblent plus fidèles à leur personnage, les relations sont entachés par les surinterprétations. Les champs contre champs fixes -toujours à l’image de cette première scène- figent l’action, ne la rendent pas vivante et dénotent un manque de choix artistiques qui sont censés nous donner le point de vue du réalisateur. Les métaphores liées à l’enfance et au propos de la narration auraient mérités d’être plus subtiles pour participer à l’horreur. Les dialogues nous expliquent ce qu’on aurait aimé comprendre seul, et rajoutent inutilement à la folie des personnages déjà suggérée. Tout comme la violence, elle aussi suggérée, pour rester grand public, si bien qu’on se demande en fin de compte si ce court-métrage vise les adultes ou les enfants. On restera sur une belle envie de cinéma, et ses métaphores scénaristiques qui proposent souvent de bons films de genres. Le traitement laisse des regrets et mériterait de pousser les curseurs.
François