Difficile d’établir un « top » des films du studio, et pourtant, il convient de souligner l’importance de ces cinq œuvres majeures ayant érigé le studio au panthéon du septième art. Tentative de classification subjective.
26 ans, ou le nombre d’années que le studio Américain accompagne le spectateur dans sa progression. Avec pas moins de 17 films, Pixar s’est imposé comme un mastodonte de l’industrie du cinéma et a enchaîné les succès mondiaux, ne cessant de créer des univers et des personnages ayant gravé leurs noms dans la culture populaire et dont la notoriété n’est plus à souligner. Surtout, en plus d’offrir des divertissements intergénérationnels, le studio a su rester exigent dans la qualité du spectacle qu’il propose. De par le mélange habile entre visuels attractifs et réflexions sociétales contemporaines, les films issus du studio ont su trouver au fil du temps un compromis viable jusqu’ici inédit dans l’industrie du dessin animé. Là où Disney cherchait à ancrer son spectateur dans des adaptions de contes ou de grandes fresques historiques, les réalisateurs engagés par Pixar n’ont eu de cesse d’inventer des histoires originales imposant une réflexion introspective sur la famille, l’écologie, la solidarité, ou l’amour. Avec la sortie cette semaine de leur dernier opus En avant !, sélection éminemment subjective de cinq œuvres ayant trouvé ce point d’appui impérissable entre plaire et instruire.
LES INDESTRUCTIBLES (2005) de Brad Bird, la sainteté familiale
En 2005 et suite à la sortie du Monde de Némo (2003), le spectateur ne sait à quoi s’attendre lorsque surviennent les premières bande-annonces des Indestructibles au cinéma. M.Indestructible tentait d’y enfiler un costume désormais trop petit pour lui avant de renoncer lorsque sa ceinture se cassait. En dévoiler le moins possible sur ses histoires, telle est la doctrine respectée par les campagnes de production des films du studio, et Les indestructibles n’y ont pas échappé. La surprise a donc été d’autant plus grande pour le public lorsqu’il a fini par découvrir le film. Plus qu’une étude sur le statut du super-héros moderne, Brad Bird y offre surtout une immersion inédite au sein d’une famille Américaine type épuisée par la banalité du quotidien et le surplus de charges imposés par la société. En effet, M.Indestructible, super-héros retraité, ne parvient pas à trouver du plaisir dans une vie aux contours uniformes où il répond aux exigences professionnelles tout en jouant mollement son rôle de père. L’arrivée d’une nouvelle mission fera figure d’élément déclencheur, faisant basculer la chronique sociale dans le récit d’aventure épique. De l’opposant archétype du fanatique aux rêves brisés à la nécessaire union familiale pour vaincre, le film ne laisse pas de temps de répit et propose un voyage détonnant où s’enchaînent scènes d’action virulentes et dialogues percutants rythmés par une b.o jazzy. Surtout, le spectateur réalise la capacité qu’a le studio à allier différents sujets sans que le récit s’égare. La chronique familiale cohabite ici avec le film d’action pur où les pouvoirs atypiques des personnages viennent à bout de nouvelles technologies. Ébouriffant.
MONSTRES & CIE (2001) de Pete Docter, la porte des étoiles
Avant Les Indestructibles, le studio avait donc déjà acquis une réputation infaillible notamment grâce à Monstres et compagnie de Pete Docter. Au-delà du potentiel fantasmagorique du scénario où des monstres traversent la frontière avec le monde des Hommes pour leur faire peur, le film se concentre principalement sur la prise de conscience de Bob Razowski, petit cyclope vert, et Jacques Sullivan, immense peluche turquoise. Unis par une amitié indéfectible, les deux personnages questionnent progressivement les lois de leur univers et ce au contact de Bou, petite fille suscitant compassion et empathie. Ces sentiments logiquement interdits surviennent au contact de l’Homme et les personnages se redécouvrent, évoluent et s’affirment comme des êtres capables de fonder de nouvelles idéologies. La dernière séquence du film fait presque figure de spéculations « méta » tant elle reflète les enjeux du studio. Comme Bob Razowksy s’introduisant désormais dans les portes pour aller faire rire les enfants, Pixar s’est immiscé dans l’industrie du cinéma de divertissement en proposant un spectacle novateur et sensationnel, s’affranchissant des pré-requis imposés par le dessin animé contemporain. Une valeur sûre.
WALL-E (2008) de Andrew Stanton, Science de l’écologie
De Woody à M.Indestructible en passant par Flash Mcqueen, les héros du studio se présentaient comme des figures intrépides, au courage inébranlable, affrontant le danger des univers dans lesquels ils étaient placés. Wall-E, anti-héros par excellence, se démarque de ces carcans et lutte lui aussi à son échelle pour sauver une planète terre détruite par la pollution. Dans cette dystopie, le monde a fini par subir une apocalypse inévitable causée par le surplus de dégradation. Paradoxalement, c’est au contact de cette terre ravagée que Wall-E va se découvrir une conscience, des sentiments et des émotions. Alors que l’intelligence artificielle devient le porte étendard de valeurs comme l’écologie ou l’amour, l’Homme, désormais obèse, vit dans une station spatiale. Manipulé par un clone du Hal 9000 de Kubrick dans 2001, l’Odyssée de l’espace, l’être humain semble coincé dans une certaine forme de léthargie, hypnotisé par l’obsession d’en faire le moins possible en s’appropriant les avantages de nouvelles technologies. C’est en cela que le film se démarque d’autres productions Pixar : en racontant comment le robot va influer sur le cours de l’histoire, redéveloppant chez l’Homme une conscience écologique, Stanton propose un récit visionnaire et inquiétant. Cet avenir dystopique semble tout à fait crédible et permet au studio de donner à voir aux plus jeunes ce qu’il pourrait se passer si l’humain ne tient pas compte des lois de la nature. Enfin, difficile de rester insensible à l’histoire d’amour qui unit Eve et Wall-E, réel fil conducteur de cette histoire touchante et engagée.
LÀ-HAUT (2009) de Bob Peterson & Pete Docter, l’ode à l’aventure
Pixar a démontré en l’espace de 15 ans toute sa capacité à allier une pédagogie ludique à de grands spectacles divertissants. Survient alors Là-Haut, film relatant le voyage de Carl, vieil homme taciturne, et Russel, jeune scout intrépide. Comme toujours, les inquiétudes concernant la capacité du studio à se renouveler ont accompagné la sortie du film, des craintes vite dissipées et ce dès les premières minutes. La séquence d’ouverture, sorte de poésie mélancolique sur les différentes étapes inévitables de la vie, ne peut que remporter l’adhésion. En donnant à voir le vécu de Carl à la manière d’un conte, Bob Peterson et Pete Docter attirent l’empathie du spectateur pour le personnage et l’envie de l’accompagner dans l’épopée qui interviendra par la suite. Contrairement aux récits pré-existants, le film s’affranchit de discours implicite proposant une leçon de vie et se focalise sur l’aventure et l’extraordinaire. La multiplicité des couleurs et des paysages grandioses nous rappellent que Pixar a aussi cette propension a créé des visuels étourdissants, invitant personnages et spectateurs dans des voyages mémorables. La quête vécue par Carl et Russell rend l’expérience de cinéma jouissive tant elle est inédite et fondatrice. Difficile de sortir indemne du visionnage et la glace partagée entre les deux personnages à la fin est représentative de ce qu’offre le film au spectateur : une sucrerie délectable et captivante, un enchantement scénaristique et visuel où le merveilleux survient divinement pour procurer un plaisir salvateur. L’évasion épique redéfinie.
TOY STORY 3 (2010) de Lee Unkrich, Le bilan
Au fil des années, les suites se sont démultipliées pour le studio, replongeant le spectateur dans des univers déjà connus et jouant souvent avec sa nostalgie, toujours avec la même réussite. Toy Story demeure pour toute une génération la saga phare du studio. Présentant 4 épisodes, les spectateurs ayant assisté à l’émergence de Pixar en 1995 avec le premier épisode ont grandi au rythme de Woody et Buzz, emblèmes désormais entrés au panthéon. Lorsque sort le troisième opus les mettant en scène, on réalise que comme le public, Andy a inévitablement grandi et a mis ses jouets de côté. Ces derniers, promis à une fin tragique, sont placés dans une garderie et subissent la tyrannie de Londso, ours en peluche sujet à des complexes œdipiens. Le cahier des charges est pleinement respecté : on retrouve dans le film l’ensemble des thématiques évoquées précédemment, accompagnées des prouesses visuelles communes à tous les films. Cependant, alors que le film se dirige vers une conclusion où Andy dépose ses jouets chez Bonny, faisant ainsi passer le flambeau, le jeune homme réalise ce qui peut être interprété comme un fantasme inavoué par le spectateur ayant découvert Toy Story jeune. En jouant une dernière fois avec ses jouets et en utilisant son imaginaire délié qu’on lui connaît, il permet la résurrection de l’enfant disparu et donne à voir tout ce qui était source de plaisir aux prémices du studio. Plus que de la nostalgie, le film pousse à se replonger dans des univers passés, dans une culture oubliée ou mise de côté avec le temps. Surtout, l’acte fondateur d’Andy permet d’éveiller Bonny, désormais détentrice des jouets et principal sujet d’un épisode quatre pas forcément nécessaire mais tout aussi divertissant. Pixar prophétise ainsi l’avenir en s’adressant aux nouveaux enfants découvrant ses héros phares tout en proposant au spectateur originel une porte de sortie cohérente et touchante mais aussi une invitation à adopter un œil différent, plus mature et adulte, sur les futurs films du studio.
Emeric Lavoine
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