À l’apogée de l’Empire, un reclus s’engage dans l’entreprise d’un braquage hors-norme, base d’une quête épique qui devrait changer à tout jamais le destin de la galaxie. Bien loin de la noblesse Jedi et des lassantes diatribes sur la famille Skywalker, Andor est peut-être la meilleure série ancrée dans l’univers Star Wars, et ce malgré ses imperfections.
L’envers du décor. Hormis The Mandalorian et ses explorations inédites d’essarts isolés de la galaxie, le manque d’appétence des séries Star Wars se fait ressentir, quand il s’agit de s’émanciper des codes d’une mythologie bien trop poncée. Dans la continuité de l’excellent Rogue One, ANDOR et ses 12 épisodes arrivent sans faire grand bruit, presque en catimini sur le catalogue Disney. Sans aucune portée iconique, bien loin des Bobba Fett ou autre Luke Skywalker, Cassian Andor est un marginal, victime des dérives politiques de son époque. Le héros n’est plus un parangon de justice mais un support soumis contre son gré à la quête narrative. Aux prémices de son aventure, ANDOR n’est animé ni par une quête de justice, ni par la volonté d’être l’étincelle qui viendra rétablir l’équilibre. Au contraire, et c’est la principale qualité de la série, on apprend comment la nécessité de lutter prend racine en lui. Ceci au contact d’une aventure maîtrisée en continu, aux péripéties toujours bien pensées.
Contrairement à ses semblables, ANDOR est constitué de 12 épisodes, ce qui permet de caractériser au mieux enjeux et personnages. Chaque séquence fait sens dans le récit et dote les protagonistes de motivations cohérentes. Tony Gilroy est peut-être celui qui s’approprie le mieux l’univers de Georges Lucas pour en tirer le plaisir non feint d’un conteur. Le metteur en scène s’intéresse davantage au portrait minutieux d’un anti-James Bond, sorte de Tom Sawyer égaré, qu’aux exigences du cahier des charges inhérent à la saga. Là où Obi-Wan Kenobi ne s’accomplissait qu’avec la promesse d’un nouvel affrontement entre Vador et son maître, ANDOR est en droit de fureter de tous côtés, d’une prison galactique à diverses planètes où défilent autochtones et divers peuples. Le voyage physique y devient l’initiation de la vertu au contact de l’autre. Les maîtres à penser défilent et agrémentent Cassian d’un logos, celui du résistant en devenir.
Gilroy (ainsi que Stephen Schiff, le créateur du show) est aussi l’un des premiers qui refuse complètement le space–opéra et le défilé de créatures en tout genre. C’est peut-être la principale faille d’un récit qui semble étonnamment beaucoup trop ancré sur terre. L’apologue politique, lisible de bout en bout, et la volonté d’explorer pour la première fois le quotidien des actants de l’Empire prennent le pas sur l’aliénation fictionnelle pourtant indissociable de cette guerre des étoiles. Il en est de même pour les androïdes, pourtant au centre de Rogue One ou de Solo : A Star Wars Story. Sans réclamer de vaines redites, la coexistence de l’anthropomorphe et de l’humain doit opérer, au risque de nous faire oublier l’immense potentiel fictionnel qui fait l’essence même de la saga.
La série regorge toutefois d’idées ambitieuses. Les épisodes carcéraux apportent une toute nouvelle dimension à l’épopée intergalactique, interrompant spontanément la narration grâce à des rouages très efficaces. Sans esthétisation poussive du décor (c’est avec dégoût qu’on repense à l’infect Monte-Carlo des Derniers Jedis), ANDOR brille par une une réalisation discrète, mais directe, où la science du plan prime la grandiloquence des paysages. Cette contre-plongée où les bagnards s’évadent en nombre ou encore cette sublime pluie d’étoiles dans l’épisode 6 attestent la nécessité d’engager de bons metteurs en scène plutôt que des pantins au service de la politique du fan rassasié. La saison 2 devra poursuivre sur cette intrigante lancée, certes perfectible, mais au combien encourageante.
Emeric Lavoine
• Créateur.rice.s : Stephen Schiff, Tony Gilroy
• Acteurs : Diego Luna, Kyle Soller, Adria Arjona, Stellan Skarsgard, Denise Gough
• Date de sortie : Septembre 2022
• Durée des épisodes : 45 minutes