Couverture - THE LAST DANCE, anatomie d'une légende - Critique

THE LAST DANCE, anatomie d’une légende – Critique

Avec cette nouvelle série documentaire, rarement une œuvre n’aura permis d’explorer d’aussi près les rouages qui composent l’une des plus grandes performances sportives du XXème siècle, l’épopée des Chicago Bulls à la fin des années 90.

Si la plupart des amateurs de sport connaissent le nom de Michael Jordan, rares sont ceux qui pourront expliquer pourquoi son nom est inscrit dans la légende du sport. Expliquer comment le basketteur a construit son mythe sous la forme d’un documentaire, c’est le risque de tomber dans une didactique latente, une pédagogie qui aurait tendance à infantiliser le spectateur. La rigueur maniériste pour laquelle opte THE LAST DANCE rassure dès les premières minutes : l’intensité engendrée par la fluidité du montage participe à l’élaboration d’une narration claire et précise, qui captive. Surtout, en choisissant de distribuer progressivement les pièces d’un puzzle métaphysique qui explore la psyché de Jordan à travers le temps, on réalise la singularité de cette destinée hors du commun.

1 - THE LAST DANCE, anatomie d'une légende - Critique
The Last Dance © 2020 Netflix

Après un voyage aux origines du mythe expliquant comment Jordan a bravé les marches le menant à la popularité qu’on lui connaît, le récit se focalise sur deux personnalités fortes entourant l’arrière des Bulls : l’attachant Scottie Pippen et l’explosif Denis Rodman. Outre les nombreux exploits réalisés par le trio, le montage permet d’observer à différentes époques la carrière qu’ont connue ces stars, de la draft jusqu’aux premiers titres. Les témoignages enregistrés pour le documentaire alimentent le foisonnement d’images de la saison 97-98, la dernière de Jordan, en grande partie filmée par une équipe technique. Dès lors, on réalise la trajectoire shakespearienne qu’ont suivie les seconds couteaux ayant porté Jordan vers les titres.

Il est en effet jubilatoire de voir Jason Hehir conférer à sa série une sorte de dramaturgie en retrait et implicite, inhérente à ce qu’ont vécu Pippen et Rodman, les deux joueurs dans l’ombre de la légende . Le premier, de par le manque de reconnaissance de son club, explique avec recul les choix qui l’ont poussé à rester une saison supplémentaire. La précision de ses interventions et la pertinence de l’analyse confère à Pippen un caractère sage et aguerri, en phase avec le récit. Le second nommé pourrait à lui seul être à l’origine d’une fiction tant les anecdotes relatées sur sa vie détonnent de par leur excentricité. Le caractère sombre et sublime de cette entité unique dans le milieu du sport est parfaitement illustré par des passages dantesques, où, bouteille à la main dans un bar de Vegas, un Rodman jeune explique son rapport destructeur au sport. Il est déconcertant de constater à quel point la personnalité de l’ailier se traduit sur le terrain, lors d’affrontements théâtraux où « Démolition man » lutte pour récupérer la balle, avec succès.

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The Last Dance © 2020 Netflix

Évidemment, le vecteur de ces différentes anecdotes est Michael Jordan. C’est sous son œil autoritaire et impartial que défilent les images d’époque et la parole lui est nécessairement donnée pour décrypter les étapes cruciales amenant à cette fameuse dernière saison, celle de la dernière danse sous entendue par le titre. Peu de détails semblent être évincés de la narration puisque Jason Hehir va même jusqu’à montrer les échanges houleux entre Jordan et Jerry Krause, ainsi que les avis sans filtre des joueurs à l’égard des différents entraîneurs. Les dédales constituant la colonne vertébrale d’un club de NBA sont ainsi explorés et de nombreux aspects tactiques et économiques sont expliqués sans que la série perde le spectateur. Nulle doute que certains avis animeront les débats et feront réagir les polémistes ou les acteurs de l’épopée, c’est d’ailleurs déjà le cas, mais il est tentant de faire confiance à la franchise globale qui se dégage de cet ensemble hétéroclite.  Par ailleurs, il est plaisant de savourer ces épisodes sans qu’une expertise en basket-ball soit nécessaire.

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The Last Dance © 2020 Netflix

Comme pour la récente production Au royaume des fauves, on peut regretter que la réalisation de cette série ne prenne pas de risques majeurs. Si Netflix veut se renouveler et prendre une tangente artistique qui lui serait bénéfique, il faudra que la plate-forme mise sur des metteurs en scène plus exigeants et novateurs. A l’aube des années 2010, le documentaire semblait avoir de beaux jours devant lui puisqu’un renouveau semblait s’amorcer. Quand on repense aux séquences animées soulignant les errances de Sixto Rodriguez dans Sugar Man du regretté Malik Bendjelloul ou au montage éclectique de Room 237 de Rodney Ascher, il est regrettable que ces productions ne basculent pas dans un expressionnisme allégorique à la hauteur de ces sujets si passionnants. THE LAST DANCE n’en reste pas moins une série pleine de promesses, passionnante et efficace, qui réunira les spectateurs, du fan de NBA au plus désintéressé.

Emeric

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the last dance affiche 1174171 - THE LAST DANCE, anatomie d'une légende - Critique
Titre original : The Last Dance
Créateur.rice.s : Jason Hehir
Acteurs : Michael Jordan, Dennis Rodman, Scottie Pippen, Phil Jackson, Jerry Krause
Date de sortie : Avril 2020
Durée des épisodes : 50 minutes
4
Réussi

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