Pour ce douzième jour de notre Calendrier de l’Avent, on vous propose une réunion de famille qui tourne mal où les secrets surgissent des craquelures d’une photo faussement parfaite.
On pourrait penser de UN CONTE DE NOËL, de par son titre et son affiche, qu’il serait une proposition intrinsèquement ironique : photo de famille faussement chaleureuse, typo craquelée. Tout cela n’a rien d’un conte. Le sous-genre de la réunion de famille tournant mal et mettant à découvert de terribles secrets n’aidant d’ailleurs pas tout à fait, et ce serait mentir que de dire que le film de Desplechin ne s’y apparente aucunement.
Disons plutôt qu’il opère comme une somme. On pourrait d’ailleurs corriger ces quelques phrases en disant que, du point de vue du cinéaste français, tout cela est – sans aucune arrière-pensée – un conte total. Qu’est-ce qu’un conte sinon une évocation morale ou sentimentale à portée universelle ? UN CONTE DE NOËL, avec ses personnages en variation / répétition des autres films de Desplechin (et surtout La vie des morts, Rois et Reine, Comment je me suis disputé ainsi que Trois souvenirs de ma jeunesse) et ses problématiques en pagaille (deuil, maladie mentale, différends générationnels, drogue, ruptures, filiation) synthétise une réflexion plurielle et fourmillante sur l’institution familiale. Le conte est bon.
Beaucoup a déjà été dit sur UN CONTE DE NOËL – Desplechin a cette particularité des cinéastes qui transcendent, que leur œuvre est un terreau d’analyse inépuisable. UN CONTE DE NOËL, l’un des plus hauts sommets de sa carrière polymorphe, transcende particulièrement son art de par la multitude de ses personnages, de ses histoires : en cela, et c’est une autre preuve qu’il s’agit bien d’un film de Noël, il est universel. Desplechin défait sa bourgeoisie roubaisienne pour reconstruire une humanité totale, sans frontière et sans classe. Les débats, les blessures et les micro-tragédies qu’il façonne se font brièvement intersection en l’espace de cent-cinquante minutes, lors de cette réunion de famille qui prend en 2020 une nature d’autant plus fantasmagorique.
Alors que la relation humaine devient rare, précieux, le film de Desplechin se vêtit d’un habit inattendu – plus que l’anomalie du contact et de visages non-masqués (un sentiment étrange d’un monde du passé qu’on ressent désormais devant chaque film), UN CONTE DE NOËL porte en lui une autre mélancolie. Celle du déchainement. Celle de l’autre, de ses aspérités. Celle d’une tragédie du quotidien plutôt que d’une tragédie totale. En 2020, pour les pires raisons du monde, Un conte de Noël est peut-être le plus fantaisiste des films : celui où on échange, celui où on se touche, celui où on se parle, sans vernis et sans distance.
Est-ce faire un compliment au cinéma si fourmillant du plus grand des cinéastes français en activité que de dire que ses films sont devenus des objets d’une autre époque ? Où les vagues étaient émotionnelles et non statistiques, où les masques étaient des sourires grincheux et non des bouts de tissu bleu.
Vivien
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• Réalisation : Arnaud Desplechin
• Scénario : Arnaud Desplechin
• Acteurs principaux : Catherine Dneuve, Mathieu Amalric, Anne Consigny, Chiara Mastroianni, Jean-Paul Roussillon, Emmanuelle Devos, Hyppolyte Girardot, Melvil Poupaud
• Date de sortie : 21 mai 2008
• Durée : 2h32min