Le Blog Du Cinéma : critiques, avis et analyses de films et séries

Screen Shot 2013 07 15 at 3.27.32 PM - 12 YEARS A SLAVE, brillant, magistral et indispensable - Critique
Crédits : Mars Distribution

12 YEARS A SLAVE, brillant, magistral et indispensable – Critique

« De loin le meilleur film jamais réalisé sur l’esclavage en Amérique. ». Avec une accroche pareille, The New Yorker plaçait la barre très haut pour le 3ème long métrage de Steve McQueen. Désigné « réalisateur à suivre » après son brillant Hunger et l’électrisant Shame, le Britannique part à la conquête des Etats-Unis, et du monde tant qu’à faire, avec le majestueux 12 YEARS A SLAVE. Académique peut-être, le film n’en demeure pas moins polémique. Explications.

En 1841, Solomon Northup, un Noir libre, vit avec sa femme et leurs deux enfants dans l’Etat de New York. Charpentier et joueur de violon, il est un jour abordé par deux prétendus artistes qui le droguent et l’enchaînent, avant de le vendre comme esclave. D’abord acheté par l’amical propriétaire d’une plantation, William Ford, à La Nouvelle-Orléans, il est ensuite racheté par Edwin Epps, propriétaire cruel et impulsif. Son calvaire dure près de 12 ans…

Adapté de l’histoire vraie de Solomon Northup, 12 YEARS A SLAVE pourrait faire l’effet de la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Plus pertinent que La Couleur des Sentiments, moins explosif que Django Unchained, moins classique que Lincoln et plus intéressant que Le Majordome, 12 YEARS A SLAVE revient également sur l’esclavage et la servitude des Afro-américains. Mais Steve McQueen étant ce qu’il est, c’est-à-dire un réalisateur britannique, Noir, politiquement engagé, conscient et fier de ses origines, son troisième long métrage n’a absolument rien à voir avec ceux précédemment cités. Faisant figure de réponse hautement sérieuse au Django Unchained de Quentin Tarantino, 12 YEARS A SLAVE a de novateur qu’il est le premier film à se placer du côté des esclaves noirs de cette période et uniquement de ce côté. Alors que Spike Lee (Malcom X, Inside Man) avait perçu Django Unchained comme un brin raciste, il va sans dire que la récurrence du mot « nigger » ne devrait ici lui poser aucun problème. Sujet de plus en plus évoqué sous l’ère Obama, 12 YEARS A SLAVE est un excellent drame historique sur fond d’esclavage et s’avère politiquement incorrect en étant un film américain qui met à mal Hollywood comme usine à rêves.

Au jeu du film d’auteur faussement mainstream, Steve McQueen s’en sort haut la main !

Pour l’aider dans cette œuvre ambitieuse, Steve McQueen s’est entouré de toute la crème de Hollywood. A commencer par Brad Pitt (Inglourious Basterds, World War Z) qui, en plus d’être producteur du film, interprète Samuel Bass, l’abolitionniste canadien qui va permettre à Solomon de retrouver sa liberté. Après avoir perdu 14 kilos pour Hunger et nous avoir dévoilé l’ampleur de son anatomie dans Shame, l’acteur fétiche de Steve McQueen, j’ai nommé l’incroyable Michael Fassbender (Fish Tank, X-Men – Le Commencement) se mue ici en propriétaire violent, cinglé, avide doublé d’un violeur. A cela, ajoutons la jolie participation de Benedict Cumberbatch (Sherlock, Star Trek – Into Darkness), parfait en gentil propriétaire. Bref, tout un programme !

Photo du film 12 YEARS A SLAVE
Crédits : Mars Distribution

Pour grossir les rangs, viennent ensuite Paul Dano (Looper, Prisoners) dans un rôle tout aussi barré que d’habitude et Sarah Paulson (Martha Marcy May Marlene, Mud – Sur les Rives du Mississippi), absolument sublime en maîtresse de maison jalouse et impitoyable. Après la série American Horror Story, l’actrice de 39 ans trouve ici un rôle à la hauteur de son charisme. A l’instar de Chiwetel Ejiofor. Si ce nom ne vous dit rien pour l’instant, c’est normal. Grand habitué des seconds rôles insipides (Love Actually, Inside Man, American Gangster, 2012 et j’en passe), l’acteur britannique prête ses traits au personnage principal, Solomon Northup, sorte de héros maudit à l’époque de l’esclavage. Incroyablement juste donc touchant, il parvient à redonner de l’espoir au spectateur, au moment où ce dernier se dit que seule la mort pourrait délivrer Solomon. Et en parlant d’espoir, s’il y en a bien une qu’il va falloir garder à l’œil, c’est bien évidemment Lupita Nyong’o. Son premier rôle au cinéma est proportionnel à son talent. Personnage torturé et jamais à l’abri, la Patsey qu’elle incarne est au cœur de (presque) toutes les scènes les plus insoutenables de 12 YEARS A SLAVE. Et fidèle à lui-même, Steve McQueen n’y est pas allé de main morte. Entre des scènes de torture douloureuses et la lenteur pesante de certains plans, le réalisateur ne nous laisse d’autre choix que d’être choqué avant de craquer tant son film est dur.

Néanmoins, persuadé que l’on peut faire du beau avec du (très) sale, Steve McQueen pourra se vanter des années durant d’avoir réalisé un film à la photographie parfaite. Pour cela, remercions Sean Bobbitt, déjà à l’œuvre sur Shame. Tout cela est si parfait qu’elle jure avec le contenu du film. Premier mauvais point. Le second vient avec ces scènes de chants dans les champs, où le réalisateur n’échappe pas au pathos pur. Dommage !

Mais cela ne s’arrête pas là : 12 YEARS A SLAVE est un film long (2h13) dont certains plans ennuient fortement et le film s’avère malheureusement trop prévisible. Comme si Steve McQueen avait entamé sa troisième réalisation muni d’un cahier des charges à remplir soigneusement :
√ L’image de la famille heureuse
√ La figure du héros trompé
√ La désillusion du héros
√ La chosification de l’homme Noir
√ La séparation d’une famille
√ Le rapport sexuel non consenti
√√ Le personnage du Blanc qui n’inspire que de la colère – quand ce n’est pas de la haine
√√√ La violence physique
Et nous pourrions continuer un moment comme cela.

En d’autres termes, 12 YEARS A SLAVE est un film brillant, magistral et indispensable qu’il faut avoir vu, tant ses 440 nominations diverses le placent grand favori des prochains Oscars. Le troisième film de Steve McQueen possède cependant les qualités de Hunger et les défauts de Shame. Cela étant dit, au jeu du film d’auteur faussement mainstream, Steve McQueen s’en sort haut la main ! (Merci Hans Zimmer. Que ferions-nous sans tes incroyables compositions ?) A tel point que 12 YEARS A SLAVE devrait plaire au plus grand nombre mais laissera une impression de consensus à l’élite qui avait su voir en ses deux précédents films des chefs-d’œuvre absolus.

Wyzman

Note des lecteurs7 Notes
4

Auteur·rice

Nos dernières bandes-annonces

Rédacteur depuis le 31.10.2013
S’abonner
Notifier de
guest

2 Commentaires
le plus récent
le plus ancien le plus populaire
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires
selenie
selenie
Invité.e
1 février 2014 13 h 47 min

c’est effectivement un vrai bon film, je trouve juste dommage que McQueen se soit laisser aller à un style plus passe-partout. On est loin de « Hunger » ou de « Shame »… 8/10

selenie
selenie
Invité.e
1 février 2014 14 h 47 min

c’est effectivement un vrai bon film, je trouve juste dommage que McQueen se soit laisser aller à un style plus passe-partout. On est loin de « Hunger » ou de « Shame »… 8/10

2
0
Un avis sur cet article ?x