Photo du film A REAL PAIN
Crédits : Fruit Tree Media

A REAL PAIN, intime, tendre et chaotique – Critique

Rejoignez-nous sur Letterboxd !Rejoignez-nous sur Bluesky !
Note des lecteurs2 Notes
4.5

Peut-on se souvenir sans souffrir, ou bien, si l’on est coupé de la douleur, cela signifie-t-il qu’on est aussi coupé de la mémoire ? Là, comme ça, cette question semble abrupte et fastidieuse. Pourtant, c’est l’une des interrogations centrales du film A REAL PAIN, qui l’explore tout en étant une comédie, un buddy movie, un road trip… Bref, un bijou.

Comment faire un film sur l’holocauste sans tomber dans les pièges du didactisme, de l’académisme, tout en offrant une perspective intime et personnelle ? La réponse, c’est ce film. Réalisé par Jesse Eisenberg (Cafe Society), il explore avec audace les thèmes de la souffrance, la Shoah, la dépression, tout en restant profondément drôle, léger, joyeux. Merveilleuse fusion de délicatesse, de chaos et d’émotion brute.

La construction de ce buddy movie repose sur une relation improbable et attachante entre deux cousins, David (Jesse Eisenberg) et Benji (Kieran Culkin) qui se rendent en Pologne pour participer à un circuit touristique organisé par un guide sur les lieux de mémoire, pour en apprendre plus sur leur grand-mère juive polonaise. Plus spécifiquement, le film tire sa force du contraste entre leur personnalité respective : l’un est nerveux, anxieux, consciencieux ; l’autre, spontané, excentrique et débridé, oisif et dépressif, s’exprimant à travers des actions inattendues et des compliments décalés, comme « tes pieds vieillissent très bien ». Séparément, ils sont agaçants. Ensemble, ils deviennent fascinants, duo de chaussettes dépareillées dont l’alchimie improbable crée une dynamique à la fois hilarante et touchante.

Ce qui rend leur complicité d’autant plus captivante, c’est la sensation que les deux acteurs partagent les traits de caractère de leurs personnages et que leurs interactions étaient tout aussi maladroites et décalées pendant leur tournage, impression avec laquelle ils ont joué tout au long de la promotion du film. Jesse Eseinberg raconte que Kieran Culkin, qui a remporté l’Oscar du meilleur second rôle, a adopté une approche peu conventionnelle : dormir sur le sol de sa chambre, découvrir son texte au dernier moment, ignorer volontairement les notes du réalisateur… Ils se détestent et s’adorent à la fois. Cette tension insuffle une authenticité palpable dans leurs scènes, rendant l’expérience encore plus immersive.

En filigrane de cette exploration de la relation humaine, le film questionne la douleur et, plus intéressant encore, la quête de douleur comme un moyen de se sentir vivant. Il ne s’agit pas seulement de survie, mais aussi de transmission : comment les générations qui ont traversé la douleur la portent-elles encore ? Comment la mémoire est-elle transmise, non comme une simple archive, mais comme un héritage émotionnel ?

Le rythme du film est également très bien dosé, trouvant un équilibre parfait entre les moments d’introspection et les éclats d’humour. Se déroulant sur la durée du circuit touristique en Pologne, il plonge pleinement le spectateur dans cette ambiance tout en suivant le cheminement intérieur des deux protagonistes. La photographie, signée Michał Dymek, joue un rôle essentiel dans cette immersion. Loin des clichés habituels, Dymek capture la vitalité et la diversité des villes polonaises, offrant des vues dynamiques qui contrastent avec les représentations souvent monotones de ces lieux. 

Avec sa justesse de ton, ses personnages inoubliables et sa capacité à aborder des thèmes profonds sans jamais perdre sa légèreté, A REAL PAIN est une expérience à ne pas manquer.

Agathe ROSA

Nos dernières bandes-annonces

0
Un avis sur cet article ?x