Comme toujours dans les comédies de Jean-Pierre Améris, il y a de la gentillesse, de la poésie, de la chaleur humaine. L’opposition des protagonistes prête d’abord à rire, mais le réalisateur s’assure toujours que les spectateurs les accompagnent sur le chemin improbable de leur rencontre, déclenchant de l’empathie et de l’attachement. AIMONS-NOUS VIVANTS, dernier long métrage du réalisateur, n’échappe donc pas à sa marque de fabrique.
Jean-Pierre Améris, rencontré à Bordeaux lors de la présentation de son film en avant-première, dit « qu’il lui est parfois reproché sa tendresse pour ses personnages mais qu’il n’est pas dans sa nature d’être caustique, cynique, moqueur, ni dans le second degré ».
Le thème du chanteur et parolier à succès victime d’un AVC sur scène, impuissant face au vieillissement et à sa propre diminution, fait écho à la propre inquiétude du réalisateur, qui craint de « se sentir démuni le jour où il ne pourra plus exercer son métier passion ». Travaillé par la « question de la disparition et de l’oubli, ce fleuve qui emporte tout, il aime l’idée que ce chanteur découvre dans ce voyage initiatique qu’il peut vivre sans son art ».
Le réalisateur et sa coscénariste Marion Michau forcent donc le trait pour le plus grand plaisir des spectateurs. Dans un jeu de miroirs franchement jubilatoire, AIMONS-NOUS VIVANTS donne à voir le bougon Antoine Toussaint (Gérard Darmon) face à la pétillante Victoire (Valérie Lemercier). L’un, au bout de ses espoirs, prend le train pour une mort programmée en Suisse. L’autre, venue assister en douce au mariage de sa fille Constance (Alice de Lencquesaing), entre avec fracas dans sa vie et bouscule sans gêne son projet.
La célébrité n’est pas toujours un gage de bonheur.
Car le film montre très bien la façon dont les fans, accompagnés toute leur vie par leurs idoles, ne se rendent jamais compte à quel point ils dépassent les bornes de la politesse et du respect. D’autant que les deux excellents acteurs s’en donnent vraiment à cœur joie. Même si les 3 albums de Gérard Darmon sortis dans les années 2000 – dont la reprise « Mambo Italiano » de Dean Martin- n’ont pas laissé un souvenir impérissable, il coche toutes les cases du profil souhaité de chanteur de variété des années 70.
Quant à Valérie Lemercier, le réalisateur a profité de « son inspirante musicalité dans ses gestes, ses intonations et sa façon de dire les dialogues qui les enrichit ». Le « postulat de comédie romantique entre un homme qui n’a plus envie de vivre et une femme qui en a très envie » tient parfaitement ses promesses. A l’instar de L’emmerdeur d’Edouard Molinaro, AIMONS-NOUS VIVANTS décortique la subtile ouverture de l’égocentré à l’autre et l’attachante mue d’un personnage antipathique. Deux êtres seuls apprendront à se faire confiance.
Victoire décoincera un petit quelque chose chez Antoine, qui ressemble à une lueur d’espoir, d’un encore possible, d’une dernière chance. Et Antoine dénouera avec surprise, mais de justesse, les nœuds de la relation de Victoire et de Constance. Car c’est bien « lorsque l’on peut être utile à autrui que l’on se sent vivant ». AIMONS-NOUS VIVANTS offre également une réflexion sur deux sujets d’actualité importants que sont la santé mentale, via la bipolarité de Victoire, et le suicide assisté.
Enfin, la relation imparfaite décrite entre un artiste avec son manager à l’ancienne est elle aussi touchante, inspirée de celles de Charles Aznavour avec Lévon Sayan et de Dalida avec son frère Orlando. Patrick Timsit, troisième acteur comique habitué à la scène, apporte ainsi la touche finale théâtrale et stylisée au film. AIMONS-NOUS VIVANTS se révèle donc une comédie tendre et enthousiasmante qui, à l’image de la chanson de François Valéry au générique final, donne une sacrée patate.
Sylvie-Noëlle