Parfois, certains films exigent qu’on ne se formalise pas des coups de gueules des critiques ciné ni des chiffres alarmants du box-office.
Parce que finalement, alors qu’on s’attendait à souffrir pendant 2h46, on préfère, et de loin, rester cloué à notre fauteuil plutôt que de quitter la salle, sur l’écran de laquelle de magnifiques paysages australiens nous en mettent plein la vue !
Australia, c’est avant tout l’histoire d’un film à ENORME budget, « paterné » et porté à bout de bras par Baz Luhrman, célèbre réalisateur des excellents Roméo et Juliette et Moulin Rouge. Tournage en décors réels, intempéries, maladies, pression des studios… Baz a bravé mille et une complications pour protéger son « bébé », et tout ça pour qu’au final, une bande de spectateurs test provoquent un branle bas de combat en lui demandant de changer le dénouement final, jugé trop injuste et larmoyant !
On s’assoit donc cette salle obscure en étant intimement persuadé qu’on s’apprête à vivre une expérience cinématographique unique, à savoir aller voir un film fusillé par la profession, boudé par le public et, cerise sur le gâteau, dont on connait déjà la fin (heureuse, donc ?!)
Il est vrai que les vingt premières minutes nous donnent la désagréable impression que Nicole Kidman a oublié de se départir de son jeu surjoué qui faisait tout son charme dans Moulin Rouge, et que Hugh Jackman s’est trompé de plateau et tourne une pub pour un shampoing !
Mais grâce à la magie d’Hollywood, il suffit d’un drame et de quelques injustices pour que tout ce petit monde récupère ses moyens et se décide à nous emporter enfin avec eux en terres sacrées. On est alors enivré et euphorique, survolant des paysages aussi arides qu’éblouissants, accompagné dans notre voyage par une bande son originale, entremêlant des musiques « western » à de troublants chants aborigènes. Les personnages sont crédibles, et plus qu’attachants. On se perd dans les grands yeux noirs du petit Nullah, qui semblent vouloir nous livrer les secrets d’ancêtres maltraités sur une terre incomprise ; Lady Ashley nous joue un double jeu, tour à tour petit oisillon à protéger d’urgence et grand aigle aux serres menaçantes ; quant à Drover, irrésistible matérialisation humaine d’une tablette de chocolat dans laquelle on a envie de croquer, il se plait à demeurer l’impalpable sauveur tourmenté.
Et c’est à Faraway Downs, véritable oasis dans ce désert australien, que ces grands blessés de la vie se soignent et apprennent à s’aimer, malgré la menace (trop) oppressante et (trop) redondante du méchant Fletcher, dont il nous tarde, au bout d’un moment, qu’un événement malencontreux nous en débarrasse… !
Il y a ainsi quelques erreurs de tempo, dont la plus gênante pourrait être le parti pris du réalisateur de couper le film en deux histoires bien distinctes. Cette scission est trop nette, et on le regrette, parce que le temps nous paraît alors un peu long par moment… Mais ces petits désagréments ne viendront pas à bout de cette fresque hypnotisante, angoissante et charmante.
Après mûre réflexion, on remercie quand même les premiers spectateurs d’avoir demandé à Baz Luhrman de garder Drover sain et sauf, parce que sinon, la friandise de 2h46 aurait tout de même eu un petit goût amer…