Photo du film GLADIATOR II
Crédits : Paramount Pictures

GLADIATOR 2, suite inspirée ou ombre sur le mythe ? – Critique

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2.5

Une — ou plusieurs — partie(s) de cet article parle de l’intrigue et en dévoile certains aspects. Il est donc vivement conseillé d’avoir vu le film avant de le lire. On vous a prévenu !

Vingt-quatre ans après le triomphe de Gladiator, Ridley Scott revient avec une suite, GLADIATOR 2, à son œuvre culte. Cette fois, cependant, il faut faire sans Russell Crowe ni la partition inoubliable de Hans Zimmer. Faut-il voir dans cette absence une déception inévitable ou la volonté de proposer une vision véritablement nouvelle ? La réponse, comme souvent, oscille entre les deux.

Le poids de l’héritage du premier film se fait parfois lourdement sentir, justifiant des choix narratifs discutables. Pourtant, GLADIATOR II a le mérite de chercher à se forger sa propre identité. Soutenu par un casting impressionnant et une mise en scène souvent spectaculaire, le film séduira sans doute les amateurs de péplums et de grand spectacle, mais risque de laisser sur leur faim ceux qui espéraient une suite à la hauteur du chef-d’œuvre original.

Une entrée en scène prometteuse

Le film s’ouvre sur une note nostalgique : un générique présentant les crédits au début, une pratique devenue rare mais qui évoque une certaine tradition cinématographique désormais délaissée. Ce choix n’est pas anodin : il établit d’emblée un lien avec le premier Gladiator en s’appuyant sur des illustrations qui rappellent ses moments clés, tout en ancrant la suite dans une certaine tradition cinématographique.

L’introduction nous transporte ensuite en Numidie, au cœur d’une imposante scène de bataille. Comme s’il fallait prouver dès le début qu’on est bien dans un film de Ridley Scott. Bien que l’on puisse regretter un manque de grandeur véritablement épique, l’alternance entre une bataille navale puis un siège terrestre apporte une variété visuelle intéressante, offrant quelques plans mémorables.

L’un des points forts du film réside dans son casting, avec Paul Mescal et Denzel Washington formant un duo remarquable. Ces deux acteurs s’investissent pleinement dans leurs rôles, donnant vie à leurs personnages avec une intensité palpable. Mention spéciale à Pedro Pascal, dont la prestation, bien que convaincante, souffre d’une présence à l’écran trop limitée pour pleinement exploiter son talent.

L’inévitable crainte face à GLADIATOR II réside dans la possibilité d’un simple recyclage d’une franchise à succès, tombant dans les écueils classiques du legacyquel (un terme qui désigne une suite construite essentiellement sur l’héritage d’un film culte, souvent sans réelle innovation narrative). Cependant, le film réussit à plus ou moins s’affranchir de ce piège, offrant une histoire autonome qui pourrait presque se passer du premier opus.

Côté bande-son, si des passages emblématiques de la bande originale de Hans Zimmer sont repris avec parcimonie, le score original de Harry Gregson-Williams, ancien protégé de Zimmer, peine à s’imposer pleinement. Malgré des compositions efficaces, la bande-son manque parfois de l’ampleur nécessaire pour rivaliser avec la majesté des scènes épiques d’un péplum signé Ridley Scott. Seules les reprises de la musique iconique du premier film parviennent véritablement à marquer les esprits.

Que veut nous montrer Ridley Scott avec ce deuxième opus ?

Le cœur de GLADIATOR II repose sur une structure familière : celle du monomythe occidental, où le héros traverse un voyage initiatique jalonné d’épreuves, qui le transforment autant qu’elles transforment le monde qui l’entoure. Ce schéma, bien que classique, n’est pas en soi problématique ; tout dépend de la manière dont il est utilisé pour créer une œuvre marquante. Cependant, on comprend rapidement que Ridley Scott n’a pas cherché à réinventer la roue sur le plan narratif. L’originalité ne réside pas dans la manière de raconter, mais ailleurs.

Dès les premières scènes, l’intention du réalisateur devient claire : montrer comment l’empire romain s’avance vers sa chute, emporté par son hubris, ce concept antique de la démesure. Rome, d’abord représentée par le général incarné par Pedro Pascal, triomphe sur le champ de bataille mais révèle rapidement son déclin. Ce général, désabusé, ne croit plus en la grandeur de l’empire qu’il sert.

De retour à Rome, le tableau s’assombrit encore : les deux empereurs jumeaux, grotesques et décadents, ne s’intéressent qu’à la satisfaction de leurs désirs primaires. Cette satire du pouvoir en déclin, bien que pertinente, sombre parfois dans l’excès visuel, avec des éléments « cartoonesques » qui diluent l’aspect dramatique et épique du récit. Citons les requins, les babouins, les rhinocéros… Une multitude ostentatoire mais avec un rendu visuel assez moyen, à tel point qu’on se demande comment un film de cette envergure a-t-il pu proposer des images de synthèse aussi médiocres ?

Si GLADIATOR II offre de beaux décors et des performances solides, il souffre d’un manque d’authenticité émotionnelle. Le film échoue à capturer cette intensité brute qui marquait le premier opus, à la manière de Maximus pleurant la perte de sa famille, ou lançant des répliques mémorables dans l’arène. Cela se ressent également dans les scènes de combat. Bien que les chorégraphies soient travaillées, elles sont ternies par un montage hyperactif : une succession rapide de plans issus de multiples angles, des mouvements de caméra trop dynamiques, et un découpage frénétique qui dilue l’impact visuel et émotionnel de ces affrontements.

Enfin, le développement narratif prend des raccourcis frustrants. L’identité du héros manque cruellement d’originalité. Plus problématique encore, à mesure que Paul Mescal incarne l’héritage de Maximus, il perd en singularité. Ce personnage, prometteur dans la première partie du film, finit par devenir une simple version 2.0 de Maximus, au détriment de toute évolution propre ou intéressante.

Que retenir de GLADIATOR II ? Ridley Scott semble avoir évité le piège de la logique purement commerciale du legacyquel. Certes, ce deuxième opus revendique ouvertement son lien avec le premier film, mais il parvient à se hisser au-delà de la simple redite pour devenir une œuvre à part entière. Le réalisateur fait preuve de confiance envers ses acteurs et son intrigue, insufflant une certaine fraîcheur à cette suite tant attendue.

Cela dit, le film n’est pas exempt de défauts. Les raccourcis narratifs et certains choix scénaristiques flirtent parfois dangereusement avec le ridicule, affaiblissant l’impact émotionnel et la profondeur de l’histoire. En cherchant à concilier hommage et innovation, Ridley Scott propose un long-métrage ambitieux, mais inégal, qui laisse une impression mitigée.

En bref, GLADIATOR II séduira les amateurs de péplums pour son ampleur visuelle et ses performances solides, mais il pourrait désarçonner ceux qui espéraient retrouver la gravité et la maîtrise du premier opus. Ridley Scott, en quête d’un équilibre difficile, nous offre une suite imparfaite mais audacieuse, oscillant entre respect de l’héritage et quête de renouveau.

Nathan DALLEAU

Auteur·rice

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