« I’m going to Alaska »… Cette phrase aussi absurde que radicale est la trame de ce bouleversant road trip entrepris par le jeune Christopher McCandless qui décide du jour au lendemain de tout plaquer.
Face au confort dont tant de jeunes rêvent, Chris décide de sourire mais de dire non merci. Il veut juste VIVRE ! Comment ne pas être émerveillé par ce jeune diplômé d’Harvard qui tourne le dos à la société de consommation telle que nous la connaissons pour se retrouver dans un van rouillé au milieu de nulle part…
Il est difficile en tant qu’étudiant d’aujourd’hui de ne pas s’identifier à ce Supertramp, vadrouilleur au grand cœur, cheveux hirsutes et sac a dos fermement attelé. Qui n’a jamais eu l’envie de couper ce fragile cordon ombilical qui nous relie à cette société moderne, à la fois rassurante et étouffante ; lequel d’entre nous n’a jamais songé à découper toutes ses cartes bleues et ses papiers de sécurité sociale pour partir respirer loin de tous ces interdits et de ces comportements rationnels que l’on nous impose ?
Into the Wild, c’est une crise d’adolescence mêlée d’un choix de vie réfléchi et extrême.
Il apparaît difficile de construire une critique structurée sur un film qui nous enseigne à justement refuser toute forme de plan, de logique. Disons qu’avant même que les lumières de la salle ne s’éteignent, on a peur, car on sait que sur cet écran vont apparaître les images d’une histoire vraie, filmées par un Sean Penn jamais lasse de nous mettre une grosse claque qui ne peut que nous réveiller. Alors on appréhende, un peu, beaucoup parfois…
Puis la musique se fait entendre (merci Eddie Vedder !) et la gueule d’ange du jeune Emile Hirsch apparaît, comme pour nous rassurer… Et c’est partie pour deux heures trente d’un spectacle grandiose, ou les champs de blé, les communautés hippies, les montagnes d’Alaska et les routes américaines sans fin sont entrecoupés de logements pour sans abris dans les rues de …, l’effervescence d’Harvard et les cris incessants des parents. La trame est décousue : un peu d’avant, beaucoup de pendant, parfois du maintenant… On évolue comme au fil d’un livre, chapitre par chapitre, à part que ces repères sont ceux de la vie. La voix off de la jeune sœur du héros nous guide et nous apaise tout au long de ce périple hasardeux, tout comme les citations issues des auteurs préférés de Chris qui sont là pour nous rappeler à quel point la culture est primordiale si l’on veut être aptes a penser par nous même sans se laisser endormir par la société. La caméra ralentit, parfois s’arrête, pour nous laisser songeur devant tant de beauté vierge de toute civilisation…
Il arrive même qu’au détour d’une magnifique pomme, le jeune Supertramp se paie le culot enfantin de nous adresser un regard caméra, comme pour nous rappeler que nous aussi spectateurs, pouvons vivre notre vie comme on l’entend, au lieu de simplement la rêver à travers son périple à lui…
Après 2h27 d’un spectacle féroce et sublime, Into the Wild est un des rares films actuels à nous laisser scotché au fond de notre fauteuil en velours jusqu’à la fin du générique.
Les gros plans sur le visage de notre héros (c’est le cas de le dire) nous permettent d’assister a ses transformations physiques, comme si le réalisateur voulait quand même nous rappeler que l’on n’a rien sans rien…
Puis, sans crier gare, on se retrouve en haut d’une montagne avec un panoramique à 360 degrés a donner le vertige, et on comprend pourquoi ce petit bonhomme de 22 ans a jugé bon de bruler ses derniers billets… Parce que comparé à ces immensités colorées, enivrantes, transcendantes, même les plus sceptiques ne peuvent que s’incliner. Alors oui, on peut se dire qu’à la fin, il est seul, et que tout ça ne valait pas la peine, parce que comme il le dit lui même, le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé… Peut-être… Mais alors on repense à ces personnages hauts en couleur rencontrés tout au long du périple, à cette descente en canoë qui, sans braver les interdits, n’aurait été possible que douze ans plus tard, à ces nuits parsemées d’étoiles passées à ne respirer rien d’autre que de l’air pur…
Il n’en faut pas plus pour être sur : sur que Monsieur Penn a réussi son pari, parce qu’on n’a jamais eu autant envie de croire en ses rêves, aussi absurdes soient-ils ; sur de vouloir prendre des risques pour vivre sa propre vie ; sur que la solitude est peut être un passage obligatoire à chacun d’entre nous pour arriver à déterminer la personne qu’on est et qu’on a envie de devenir…
Naïveté, folie, narcissisme, exaltation ou rébellion… ou peut-être tout à la fois…
Toujours est-il qu’après 2h27 d’un spectacle féroce et sublime, Into the Wild est un des rares films actuels à nous laisser scotché au fond de notre fauteuil en velours jusqu’à la fin du générique. On est soufflé, épuisé, exalté et surtout sans voix… Et puis on a peur ! Parce qu’on sait que dehors, les voitures vont klaxonner, les gens qui sortent du McDo vont en profiter pour fumer une cigarette et rentrer chez eux rêver de voyages devant Thalassa. Et oui, on est effrayés, parce que Sean Penn vient de nous livrer un cadeau, une formidable leçon de vie, qu’il va maintenant falloir appréhender de façon intelligente…
Alors merci Monsieur Penn pour votre magnifique film, merci Supertramp de nous donner l’envie de réaliser nos rêves les plus fous, et une fois de plus, merci au cinéma de nous ouvrir les yeux, le cœur, et l’âme.
Liloïe