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À sa sortie en 1993, le second volet des aventures de la famille Addams n’a connu qu’un succès mitigé. Fort dommageable pour cette comédie noire, qui ne manque pourtant pas de qualités.
Oublié. C’est le mot. On avait un petit peu oublié Morticia, Gomez, Fétide, Mercredi, Pugsley et Puberté. Pourtant, en 1991, les premières aventures des Addams au cinéma avaient amassé près de 200 millions de dollars de recette au box-office mondial. Adapté de la série télévisée du même nom diffusée à partir de 1964, elle-même adaptée des bandes dessinées de Charles Addams, le premier film de Barry Sonnenfeld recelait toutes les qualités des blockbusters familiaux de l’époque. Court, bien rythmé, efficace et drôle. Aussi, suffisamment bien écrit pour qu’enfants et adultes y trouvent leur compte. Sa suite sortie en 1993, LES VALEURS DE LA FAMILLE ADDAMS, connut un succès plus timide avec des recettes quatre fois inférieures.
Cette suite n’a, pour ainsi dire, que peu marqué les esprits – tout de même davantage que La Famille Addams : les retrouvailles, ignoble troisième volet sorti directement en vidéo en 1998. Pourtant, LES VALEURS DE LA FAMILLE ADDAMS passe bien mieux l’épreuve du temps que son illustre prédécesseur. Là où La Famille Addams premier du nom respectait en tout point le cahier des charges du divertissement familial du début des années 90, sa suite ose s’en émanciper un tant soit peu pour proposer un récit moins linéaire et des gags de situation davantage fouillés et aboutis. Car en cela réside tout le sel des aventures des Addams. Voir cette famille de freaks d’un autre temps déambuler dans notre monde moderne en toute quiétude, comme une ultime provocation.
Plus fort et plus osé
LES VALEURS DE LA FAMILLE ADDAMS se révèle en effet plus fou, plus hystérique. Le regretté Raúl Juliá y cabotine comme jamais et incarne un Gomez Addams aux confins de la folie, aux côtés d’une Anjelica Huston assurément démente en Morticia Addams. Ce second film laisse également davantage de place aux personnages secondaires pour s’exprimer. Notamment l’antagoniste principale, Debbie Jellinsky, interprétée par une Joan Cuzak sexy en diable. Là où dans le premier volet, les opposants à la famille Addams semblaient faire de la figuration, Joan Cuzak crève l’écran dans son rôle de psychopathe hystérique, prête à tout pour éliminer l’oncle Fétide. Ceci, dans le but de lui ravir sa fortune après l’avoir dûment séduit et épousé.
Par ailleurs, les enfants Addams ont droit à leur propre segment de film. Les vacances de Pugsley et Mercredi au camp Chippewa s’avèrent en tout point jouissives. Assurément conçu pour voir Christina Ricci briller en petite fille gothique impassible, cet arc confronte singulièrement les valeurs incarnées par la famille Addams avec une certaine classe fortunée américaine. On y observe une critique évidente du racisme ordinaire aux États-Unis, où les enfants blancs bien nés prévalent sur les minorités ethniques. Représentation hors-norme des opprimés, les Addams parviennent toujours à renverser la situation à leur avantage. Et Mercredi, en parfaite héritière, se dresse contre l’ordre établi, jusqu’à mettre le feu au charmant spectacle du camping… Dans une diatribe sur l’exploitation des natifs américains aussi grinçante qu’hilarante.
À mourir de rire
De l’humour, LES VALEURS DE LA FAMILLE ADDAMS n’en manque jamais. Toutefois, c’est peut-être ce qui aura décontenancé à sa sortie. Le film se teinte en effet d’un humour bien plus noir que le précédent. Le sens moral des Addams est en tout point relatif. Tant et si bien que Debbie Jellinsky ne nous paraît, à vrai dire, pas si inadaptée à leur univers. Nonobstant, peut-être est-ce là toute la subtilité du long-métrage. Dès son arrivée chez les Addams en tant que gouvernante, les adultes de la famille l’accueillent avec ravissement. Même après avoir soumis Fétide à sa volonté, Debbie est louée par Morticia pour sa perversité. Aussi, lors du grand final, les Addams lui concèdent toutes les atrocités qu’elle a commises. En réalité, la seule erreur de Debbie était de ne pas avoir perçu qu’elle appartenait, elle aussi, à ce monde de freaks qu’elle méprise.
Malgré ses qualités, le film souffre cependant de quelques paresses d’écriture, qui rendent la résolution des péripéties pour le moins expéditive. Les adultes parviennent notamment à se sortir du piège mortel tendu par Debbie, grâce à une réaction en chaîne amorcée par Puberté, le dernier-né de la famille. Ceci, à grand renfort de patins à roulettes et de boulets de canon tombés accidentellement. Notons toutefois qu’en cela, LES VALEURS DE LA FAMILLE ADDAMS respecte davantage l’esprit de la série des années 60. Dont le comique reposait effectivement sur la capacité des Addams à survoler n’importe quelle difficulté par le truchement du hasard. Hasard souvent dû à la magie entourant leur manoir, lequel semble les protéger de toute agression extérieure. Vue ainsi, la fin des VALEURS DE LA FAMILLE ADDAMS paraît logiquement moins bâclée. Encore faut-il avoir la référence – peu évidente ! – pour s’y conformer…
Lily Nelson
• Réalisation : Barry Sonnenfeld
• Scénario : Paul Rudnick, Charles Addams
• Acteurs principaux : Anjelica Huston, Raúl Julia, Christopher Lloyd
• Date de sortie : 22 décembre 1993
• Durée : 1h34min