Brillant hommage aux premiers James Bond et au film d’espionnage européen, REFLET DANS UN DIAMANT MORT souligne le caractère désuet de ces héros du passé, sans pour autant manquer d’une certaine tendresse à leur égard.
Diabolik et eurospy
Remarqués en 2009 avec leur premier long-métrage Amer, Hélène Cattet et Bruno Forzani continuent d’explorer et de se réapproprier différents genres et sous–genres à travers une filmographie riche en iconographie cinéphile. Si le giallo émaille toute leur œuvre, on peut également y voir des évocations du film noir ou du western, autant à travers le huis clot L’Étrange couleur des larmes de ton corps en 2013, que dans le caniculaire Laissez bronzer les cadavres en 2017. REFLET DANS UN DIAMANT MORT agglomère, lui aussi, ces références, mais se penche à présent sur l’eurospy.
Sous-genre né avant tout en Italie à la fin des années 60, l’eurospy plagie ou parodie les films d’espionnage britanniques – et, en l’occurrence, la série des James Bond. Avec un point de vue néanmoins plus souvent axé sur les antagonistes et une esthétique plus propre à l’Italie du giallo. REFLET DANS UN DIAMANT MORT rend ainsi un hommage assez éloquent, certes aux premiers James Bond avec Sean Connery, mais aussi à tout un pan de la production italienne, avec un clin d’œil appuyé à la bande dessinée Diabolik, ainsi qu’à son adaptation au cinéma, signée par Mario Bava en 1968.
Mémoire en fuite
De ces grandes heures de l’eurospy italien, Hélène Cattet et Bruno Forzani exhume aussi une star, en la présence de Fabio Testi, qui aura parcouru cette exploitation avec des films comme Nada, Nom de code : S.H.E ou SOS Danger Uranium – entre autres giallo et polars italiens, tels que La Poursuite implacable ou Mais… Qu’avez vous fait à Solange ?. Testi revient donc sous les traits d’un ancien acteur de films d’espionnage, désormais âgé et fatigué. Son discernement l’abandonne peu à peu, au point que sa véritable personnalité en vient à se confondre avec son ancien personnage, qui poursuivait sans relâche la méchante Serpentik.
Testi incarne ainsi un personnage désuet et passéiste, à l’image des héros du cinéma d’espionnage de son époque. Un bestiaire de Bond à S.A.S, dont le charisme paraît aujourd’hui ringard, et les nobles causes qu’ils portaient, un peu réacs. REFLET DANS UN DIAMANT MORT laisse sciemment décliner la figure de l’espion pour ériger son antagoniste, Serpentik, en véritable vedette du récit – à l’image d’un Diabolik dès le milieu des années 60. Car, si les scénarios des James Bond s’adaptent désormais aux récentes évolutions des mœurs, les méchants charismatiques de l’eurospy italien traversent néanmoins mieux les années que James Bond contre Dr No ou Bons baisers de Russie.
Brillant hommage
Toutefois, loin de la critiquer avec véhémence, REFLET DANS UN DIAMANT MORT transmet une évidente tendresse pour cette figure de l’espion d’antan, et plus largement, un véritable amour pour le film d’espionnage. Le cinéma très esthétisé de Cattet et Forzani rend un sublime hommage, tant aux courbes, aux tenues et à la malice des espionnes et voleuses, qu’aux carrures de malfrats et au flegme des héros d’autrefois. Un hommage servi également par un casting sans bavure avec, outre Fabio Testi en espion vieillissant, Yannick Renier, dans sa version jeune, au physique taillé sur-mesure pour le rôle, ainsi que Thi Mai Nguyen, une artiste-performeuse énigmatique, parfaite en Serpentik.
On retient également la performance de Céline Camara, incarnation de James Bond Girl tout aussi convaincante que ses partenaires à l’écran. À ceci s’ajoutent le sens du cadre de Cattet et Forzani, qui vient sublimer le décor de l’hôtel Negresco de Nice, et une bande son évocatrice, composée et choisie avec le même soin. Si REFLET DANS UN DIAMANT MORT est perçu par certains comme l’œuvre la plus accessible de ses auteurs, elle n’en atteste pas moins de leur talent, et de leur capacité à se renouveler. À ceci près que l’on préférera tout de même, de notre point de vue et sans condescendance, la qualifier d’œuvre d’initiés, à l’image du reste de leur filmographie.
Lilyy NELSON