[critique] La Route

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Il y a maintenant plus de dix ans que le monde a explosé. Personne ne sait ce qui s’est passé. Ceux qui ont survécu se souviennent d’un gigantesque éclair aveuglant, et puis plus rien. Plus d’énergie, plus de végétation, plus de nourriture… Les derniers survivants rôdent dans un monde dévasté et couvert de cendre qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut. C’est dans ce décor d’apocalypse qu’un père et son fils errent en poussant devant eux un caddie rempli d’objets hétéroclites – le peu qu’ils ont pu sauver et qu’ils doivent protéger. Ils sont sur leurs gardes, le danger guette. L’humanité est retournée à la barbarie. Alors qu’ils suivent une ancienne autoroute menant vers l’océan, le père se souvient de sa femme et le jeune garçon découvre les restes de ce qui fut la civilisation. Durant leur périple, ils vont faire des
rencontres dangereuses et fascinantes. Même si le père n’a ni but ni espoir, il s’efforce de rester debout pour celui qui est désormais son seul univers.

Note de l’Auteur

[rating:6/10]


Date de sortie : 02 décembre 2009
Réalisé par John Hillcoat
Film américain
Avec Viggo Mortensen, Kodi Smit-McPhee, Guy Pearce
Durée : 1h 59min
Bande-Annonce :
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xat5lo_la-route-bandeannonce-vostfrhd_shortfilms[/dailymotion]

A tous ceux qui ont vu la bande-annonce de ce film, je tiens à leur demander une faveur : oubliez ce que vous avez pu voir car il n’y a pas pire bêtise que cette publicité mensongère délibérée ou non. Nous vendre un film d’action apocalyptique est pour le moins accrocheur en ces jours de fêtes où un peu d’adrénaline ne nous ferait que du bien avec ce froid glacial extérieur mais le faire alors que le film suit une trame narrative plutôt lente est pour le moins inadéquat et le résultat ne peut être qu’une déception énorme saupoudré d’une impression d’avoir été pris pour un imbécile. Un peu comme ceux qui s’attendait à du grand spectacle avec le biopic de Steven Soderbergh sur le Che. Ceux qui ont lu les livres retraçant la vie de ce résistant ne pouvait que s’attendre au résultat final, c’est-à-dire un film très lent car la vie du Che n’est pas si mouvementée que l’on a bien pu nous le laisser prétendre, bien au contraire. Son quotidien se résumait neuf fois sur dix à aller d’un point A à un point B avec pour seule et unique question «on prend la moto ou on y va à pied ? ». Grand fut mon étonnement donc quand je vis ce même procédé (une B.A. mensongère) pointer le bout de son nez pour La Route dans le seul but de viser un plus large public. Ces petits gars de la comm’ n’ont décidément rien compris.

Néanmoins, ayant lu le livre de Cormac McCarthy dont le film est adapté, c’est avec une certaine confusion que je me lançais dans cette aventure. Mon corps tout entier me disait de foncer mais mon esprit lui restait sur ses gardes, me disant de ne pas crier victoire trop rapidement, une adaptation restant très difficile à faire surtout quand le livre est déjà un chef-d’œuvre. Peu de films ont la prétention de pouvoir crier haut et fort avoir dépassé l’original et ces derniers doivent sans doute se compter sur les doigts de la main (pour ma part je ne connais que Fight Club, Requiem For A Dream, Orange Mécanique, Trainspotting, La Ligne Verte et peut-être Shining par moment). Autant dire un défi risqué au possible pour John Hillcoat que de transposer cette référence littéraire sur grand écran, l’écriture et le récit étant sublimes de toutes parts. Néanmoins, laissons sa chance à ce réalisateur qui a su nous dérouter et nous surprendre avec ses deux précédentes réalisations : Ghosts Of The Civil Dead et le magnétique The Proposition qui est sans exagération l’un des meilleurs si ce n’est le meilleur western de ces dix dernières années.

Pour en revenir à La Route, ceux qui n’ont pas lu le livre seront aux anges. L’atmosphère apocalyptique est parfaitement retranscrite et si parfois un certain manque de budget se fait quelque peu ressentir, on ne peut qu’être saisi par ce réalisme à faire froid dans le dos nous embarquant dans ce dédale cauchemardesque où la dévastation a pris depuis bien longtemps le dessus sur toute forme de civilisation. De ce côté, je tiens à applaudir le travail formidable des compositeurs Nick Cave et Warren Ellis : le thème musical est des plus appropriés et c’est exactement le genre de sonorité que je m’imaginais en lisant le livre. Un grand bravo sur ce point-là.

Il faut également ajouter le jeu remarquable des acteurs qui donnent vie à ce récit en l’humanisant ou le déshumanisant à son maximum : Viggo Mortensen n’est jamais apparu aussi mature et humble dans un film, son émotivité à fleur de peau est saisissante à chaque instant et sa relation avec le jeune Kodi Smit-McPhee (auquel nous prédisons aisément un très bel avenir dans le métier) poignante de réalisme. Côté seconds rôles nous ne sommes également pas en reste avec un prestigieux casting composé du magnétique Guy Pearce et du très bon Robert Duvall. Je vois déjà les plus sceptiques d’entre vous se poser la question « mais pourquoi ne parle-t-il pas de Charlize Theron ? ». Et bien la réponse est toute simple, parce que à mes yeux son interprétation est un peu too much et que le rôle de la mère dans le roman initial est assez différent pour me décevoir. Voila tout. Mais je reconnais volontiers que certains puissent la trouver juste et débordante de crédibilité. Sur ces points, et ces points uniquement, La Route est un très bon thriller apocalyptique, peut-être l’un des meilleurs depuis bien des années qui nous prouve que John Hillcoat est le réalisateur émergeant, sorte de petit génie caché depuis bien trop longtemps dans sa lampe magique, à surveiller de près, de très près même, dans les années à venir.

Malheureusement, pour ceux qui ont lu le best-seller, c’est une tout autre histoire. Si le rôle de la mère interprétée par Charlize Theron n’est pas traité à sa juste valeur comme je l’ai expliqué précédemment, il y a d’autres éléments qui me titillent assez pour me gâcher un peu le plaisir éprouvé pendant la projection. Bon, que John Hillcoat mette de côté certains passages est une chose tout à fait compréhensible (aucun réalisateur adaptant une œuvre littéraire ne peut inclure tous les éléments initiaux, en un seul long métrage en tout cas, et il doit de ce fait faire un choix) mais qu’il intègre des éléments tout à fait inutiles (la course-poursuite du père et de son fils qui se conclut par une chute d’arbres) aux détriments d’autres passages du livre passionnant est tout bonnement incompréhensible. On a l’impression que John Hillcoat ne sait jamais trop sur quel pied danser : faire un film philosophique traitant de la survie comme le roman ou s’aventurer dans un mix action-méditation inégal au final, ou plus simplement, faire un film grand public ou non.

Attention, je ne suis pas en train de dire que La Route est un mauvais film, bien loin de moi cette idée saugrenue, mais je ne sais pas, je n’ai juste pas été autant transporté comme je m’attendais à l’être. Il manque ce petit plus, cette petite énergie, qui nous aurait embarqué entièrement dans ce récit. Là, on attend, on attend encore, on attend toujours, qu’un réel éclair de génie émerge de ce concentré de bonnes intentions. C’est toute la difficulté d’une adaptation roman-cinéma. Quand on lit un livre, c’est notre imagination qui nous embarque ou non dans le récit, créant une atmosphère propre à chacun, des personnages différents suivant la psychologie de telle ou telle personne. Alors que dans un film, de réalisateur on devient spectateur. Ce passage est d’autant plus frustrant que l’œuvre originale est un chef-d’œuvre incontestable. C’est ce qui fait le plus défaut à cette réalisation, laissé inlassablement planer le fantôme de son aîné au-dessus de sa tête sans jamais prendre réellement son propre envol.

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