[critique] The Tree Of Life

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Affiche du film THE TREE OF LIFE

Jack grandit entre un père autoritaire, obsédé par la réussite de ses enfants et une mère aimante, qui lui donne foi en la vie.

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 17 mai 2011
Réalisé par Terrence Malick
Film américain
Avec Brad Pitt, Jessica Chastain, Sean Penn
Durée : 2h18min
Bande-Annonce :

Terrence Malick est le nouveau Kubrick : rare dans les salles (c’est son 5è film seulement en 35 ans) comme en dehors, il entretient le mythe du génie incompris vivant en ermite (il ne donne jamais d’interviews, ne se laisse jamais photographier et même sélectionné à Cannes, il brille par son absence). Chacune de ses œuvres est donc attendue avec une impatience difficilement contenue par tout cinéphile qui se respecte (ou tout simplement en mal de légende depuis la mort de son illustre prédécesseur en ick).

Le problème avec les films attendus (et c’est plutôt le cas ici, le film s’étant monté sur 3 ans et déjà annoncé sur la Croisette l’année dernière), c’est que la déception est souvent proportionnelle à l’attente. A moins d’avoir affaire à un génie, qui compile tout son savoir-faire et livre son chef d’œuvre. C’est du moins ce que penseront la moitié des spectateurs, l’autre moitié criant à l’usurpation, à la prétention voire au ridicule, comme c’est le cas avec tous les films un tant soit peu ambitieux. Amateurs de storytelling et de narration structurée, passez en effet votre chemin, vous vous y ennuierez à mourir (quelques fauteuils ont claqué avant la fin de la séance). D’ailleurs, éteignez cet ordinateur, prenez un bon livre, fabriquez vos propres images… et ne nous faites plus chier.

Terrence Malick n’illustre pas platement une histoire écrite par un scénariste rusé qui essaie de nous faire oublier qu’il utilise des ficelles usées… jusqu’à la corde. Non, il met en scène un poème, creusant un peu plus encore le sillon lyrique esquissé avec son précédent film, Le nouveau monde. Comme dans un poème, on ne comprend pas les trois quarts de ce que raconte l’auteur mais il suffit d’un vers pour nous toucher au plus profond et nous laisser un souvenir à vie. Libre à chacun ensuite de disséquer ce qu’il vient d’avaler et d’échafauder des théories plus fumeuses les unes que les autres sur le sens des propos de l’auteur, comme David Lynch cherche à nous le faire faire à chacun de ses films.

C’est du délire de mise en scène ! Économe en dialogues, on touche ici au plus pur du cinéma : un langage universel, capable de provoquer des émotions avec des images plus qu’avec les mots.

Le poète, ici, nous livre des plans sublimes (si c’est pour aboutir à ce résultat, on le pardonne de mettre autant de temps à fignoler ses films), notamment dans la première demi-heure, qui donne dans le grandiose. On sent rapidement qu’on est devant un film qui sera évoqué pendant tout le XXIe siècle, un classique instantané. Un pur plaisir d’esthète : prenez les meilleurs plans de Home (sans la voix off didactique d’un moustachu), la stylisation extrême de The fall (où chaque plan est un tableau), les voyages mystiques de The fountain ou Enter the void et vous aurez une idée du spectacle offert (avant d’aller le voir en salles, bien entendu). Il nous offre même les plans que la technique de l’époque a refusé à 2001 : l’odyssée de l’espace (où l’on ne pouvait s’empêcher de voir des montagnes terrestres recolorisées plutôt que de vrais « autres mondes » dans le final psychédélique) en nous plongeant dans les tréfonds de l’espace, jusqu’au big bang ! Quand il revient sur Terre, c’est pour nous montrer des dinosaures : C’est du délire de mise en scène ! Économe en dialogues, on touche ici au plus pur du cinéma : un langage universel, capable de provoquer des émotions avec des images plus qu’avec les mots.

Par la suite, l’ambition diminue quelque peu, les rêves de grandeur du cinéaste laissant place à une histoire intimiste resserrée autour d’une famille dans une banlieue américaine des années 50. Le genre d’histoire qu’on retrouve dans 3 films français par semaine, sauf qu’ici, au lieu d’une caméra triste et d’une image plate, voire jouer un père avec ses enfants et un tuyau d’arrosage nous offre quasiment le plus beau plan de l’année. Le père en question est joué par Brad Pitt (qui confirme son attirance pour les projets de cette envergure après L’Etrange histoire de Benjamin Button et avoir longtemps été associé à The fountain), qui deviendra de plus en plus violent vis-à-vis de sa famille, entre autres par excès d’ambition artistique (je vous laisse le soin de vous demander s’il représente Malick ou même Dieu) pour ses enfants. La mère, parfaite potiche douce et fragile apportant un peu plus de poésie avec sa blancheur diaphane, est jouée par Jessica Chastain, mais rousse. Le fils aîné, dont la colère monte contre son père et ses brimades, portera en lui des fêlures jusqu’à l’âge adulte où il sera incarné par Sean Penn. N’allez pas voir le film pour lui, bien que son nom apparaisse en 2è dans le générique, on ne le voit que deux minutes, enrichissant une tradition malickienne (on ne voyait pas plus longtemps George Clooney ou John Travolta dans La ligne rouge) et entretenant une certaine frustration (celle du spectateur et celle du principal intéressé, semble-t-il).

Dès le début, la voix off oppose la nature et la grâce. Cette dernière, dit-elle, entraîne la solitude, les insultes et les blessures (ce qui ne manquera pas d’arriver comme c’est déjà arrivé avant à Kubrick, Aronofsky ou Noé). Malick, grand amateur de nature, a néanmoins été touché par la grâce pour ce nouvel ovni métaphysique. Encore une Palme ignorée ?

Photo du film THE TREE OF LIFE

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Rédacteur depuis le 16.02.2011

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  1. Par « 2002 », j’entendais que Kubrick n’a jamais fait de suite à « 2001 : l’odyssée de l’espace » ni poursuivi dans cette veine métaphysique. C’était une figure de style (ratée, apparemment) en réponse au premier commentaire qui demandait s’il était possible d’être plus radical. En faisant un parallèle entre Kubrick et Malick, on peut penser que son prochain (à Malick, hein!) ne sera pas forcément plus expérimental.
    Sans rancune.

    Sans rancune non plus envers Bob (de Niro), qui rend la dernière phrase de mon article caduque. Comme c’est pour la bonne cause, je la laisse quand même.

  2. 2002 Odyssee de l’espace??????????? Ne serait-ce pas plutot 2001?! Ce film est SON projer de SF, tu dois confondre avec Spartacus qui est le seul film pour lequel il n’est pas l’initiateur du projet!

  3. Difficile en effet de se radicaliser plus, sauf à faire sur 2h ce qu’il montre dans la première demie-heure.
    Kubrick lui-même n’a jamais voulu faire « 2002: l’odyssée de l’espace »; par la suite, il est revenu à des récits plus classiques, tout en continuant à soigner la forme.
    Parions que Malick continuera à filmer des perroquets, à défaut de dinosaures.
    Et toi, Camille, ce côté radical te rebute ou t’attire?