LA TOUR SOMBRE

[CRITIQUE] LA TOUR SOMBRE

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Après des années de négociations infructueuses, la saga fleuve de Stephen King a finalement été adapté au cinéma. Décryptage du film mis en images par Nikolaj Arcel.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il apparaît nécessaire de rappeler les circonstances lors desquelles naîtra l’histoire de LA TOUR SOMBRE et ses inspirations selon son auteur. Entamée alors que Stephen King n’était encore qu’étudiant, la saga s’est développée au fil des années, entraînant des milliers de lecteurs qui ont grandit avec. Huit livres et quelques milliers de pages plus tard, l’histoire s’achève en 2004, pour un homme qui en aura fait son grand-œuvre. Des dires de King lui-même, le roman se devait d’être une sorte de croisement entre les western spaghetti de Sergio Leone, la trilogie du Seigneur des Anneaux de Tolkien et d’un poème de Robert Browning intitulé Le chevalier Roland s’en vint à la Tour Sombre : « (…) je me suis rendu compte que j’avais envie d’écrire un roman qui combine l’idée de quête et la magie de Tolkien, mais sur fond de western majestueux jusqu’à l’absurde, à la Sergio Leone. ». Le tout évidemment saupoudré de nombreuses autres références cinéphiles, culturelles et même d’auto-citations venues de son propre univers. C’est le cas du « shining », dont on parle également dans le film. Il y aura aussi ce moment où le quatrième mur tombera mais cela est un autre débat. À l’heure où l’adaptation cinématographique a finalement eu lieu, il était intéressant de constater ce que le cinéma aurait fait de toutes ces références après s’être emparé de l’histoire et d’en avoir pondu un scénario de 90 pages, sobrement intitulé LA TOUR SOMBRE, sans sous-titre.

Photo du film LA TOUR SOMBRE

Condensé en une histoire d’un peu plus d’1h30, le récit a évidemment été largement simplifié, puisant ça et là dans les péripéties lues dans les livres 1 et 2 (principalement pour des scènes d’action) tout en traçant sa propre voie, en plaçant le personnage de Jake Chambers au premier plan. Cela fonctionne assez bien et permet d’introduire efficacement le New-York de nos jours dans lequel vit le jeune garçon et l’autre monde qui prend forme à travers ses rêves et qu’il immortalise en dessins. Dans cet autre monde, il assiste au duel entre Le Pistolero et L’homme en noir, tandis que se dresse entre eux une gigantesque tour, dont la destruction est désirée par l’antagoniste.

Pour le personnage de Roland Deschain dit Le Pistolero, Stephen King visualisait un Clint Eastwood tout droit sorti des westerns italiens des années 60, mais en déjà bien plus vieillissant. Nous n’aurons donc pas droit à papy Clint, puisque le choix d’Idris Elba a été imposé. Sans rouvrir un des nombreux débats générés sur la toile quant à cette distribution, l’acteur se révèle assez bien dans ses bottes de justicier solitaire et n’en fait pas des tonnes dans son jeu. On regrette toutefois que l’enjeu majeur du personnage ne soit nourri que par une soif de vengeance envers son alter-ego maléfique, qui a décimé ses proches et dernièrement son père. Contrairement au livre, ce Roland-ci n’est pas obsédé par la tour et ne semble pas intéressé par sa protection. Il reste froid et se prend très sérieux, à l’instar de tout le film, complètement dénué d’humour. De son côté, Matthew McConaughey qui interprète L’homme en noir, dit aussi Walter, semble prendre un malin plaisir à nous livrer l’un de ses meilleurs cabotinages.

Dès lors que le binôme constitué de Jake Chambers et de Roland se forme, LA TOUR SOMBRE se transforme en un film d’action basique tout en nous surprenant parfois agréablement avec son tempo soutenu, où quelques dialogues archi-classiques alternent avec des courses-poursuites efficaces et autres bastons survitaminées. Dommage que quasiment toutes ces séquences d’action se déroulent presque exclusivement de nuit ou dans l’obscurité, ce qui peut agacer. Pour des affrontements post-apocalyptiques dans le désert sous un soleil de plomb et magnifiquement photographiés, il faudra repasser. Difficile néanmoins de critiquer la mise en scène de Nikolaj Arcel, tant elle se montre fade et impersonnelle, sans aucune prise de risques. Il y a peu de choses à exprimer devant cette lumière et ces décors gris et poussiéreux, mais le cadre fait le job sans être transcendant et, fait rare, le montage reste toujours lisible, notamment lorsque les événements s’enveniment rapidement. Cependant, la violence exacerbée couchée sur papier par l’écrivain américain, n’est pas au rendez-vous. La volonté évidente des producteurs de toucher le plus grand nombre de spectateurs s’en ressent et accouche d’un film totalement aseptisé, malgré la grande hostilité du monde qu’il dépeint. Bref, le film ne marquera pas par son esthétique, alors qu’il s’agissait justement d’un domaine qui lui aurait rapporté de bons points et où il aurait pu se démarquer.

Photo du film LA TOUR SOMBRE

Nous pensons alors que nous ne sommes pas en face de la catastrophe annoncée, jusqu’à ce final bordélique qui semble avoir été filmé en accéléré, s’en donnant à cœur joie dans la pyrotechnie et le bullet time. L’affrontement attendu, bien qu’un brin expédié, recycle alors les clichés et certaines « kitscheries » visuelles antérieures aux années 2000. C’est d’autant plus regrettable car tout se passait plutôt correctement jusqu’à présent.

Parce qu’elle a renié une trop grande partie de la substance de l’œuvre d’origine présente en librairie, la version cinéma de LA TOUR SOMBRE n’est rien d’autre qu’un petit film de science-fiction décomplexé et décérébré. L’univers est plutôt fidèlement restitué, bien que dépouillé de toute la lenteur envoûtante, l’élégance esthétique et la complexité du roman. Si une ou des suites verront le jour, il faudra aller plus loin dans la proposition de mise en scène, peut-être avec un cinéaste à l’imaginaire plus marqué et surtout, prendre le temps pour mieux exposer un monde fascinant et riche, pour l’instant juste effleuré et pas de la meilleure des manières. Au public de répondre ou non à l’appel de la tour.

Loris Colecchia

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Titre original : The Dark Tower
Réalisation : Nikolaj Arcel
Scénario : Nikolaj Arcel, Akiva Goldsman, Jeff Pinkner, Anders Thomas Jensen
Acteurs principaux : Idris Elba, Matthew McConaughey, Tom Taylor
Date de sortie : 9 Août 2017
Durée : 1h35min
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