Wonderstruck de Todd Haynes est présenté en sélection officielle – en compétition, au prochain festival de Cannes. Il succède au fantastique Carol (2015), qui repartit à l’époque avec le prix d’interprétation pour Rooney Mara.
L’histoire: deux enfants, tous deux sourds, à différentes époques, l’un en 1927, l’autre en 1977. Ces deux enfants s’échappent de New York. Malgré le gouffre entre ces deux périodes, ils sont tous deux connectés par un mystère en attente de résolution.
En voici un (magnifique) premier extrait
Aaaaah l’Amérique, les États-Unis. Cette fameuse nation dont les immémorielles valeurs reposent sur le désir de propriété et la volonté de conquête et de réussite associée, ainsi que sur ce paradoxal puritanisme importé d’Europe. Ce sont les turpitudes héritées de ces valeurs fondatrices, turpitudes que l’américain moyen n’ose regarder en face, que Todd Haynes garde à cœur d’explorer dans ses films. Ausculter ces malaises ancrés dans l’inconscient collectif (d’où l’importance de « revenir dans le temps » pour mieux aborder certains points), que chacun contribue à alimenter face à certaines questions. Le racisme, l’homosexualité, l’amour destructeur du peuple pour ses idoles (argent, personnes, valeurs). Ces questions en amènent d’autres, d’ordre plus sociétales, qui, de leur coté impactent l’humain dans son quotidien et ses relations les plus basiques, comme l’amour, l’amitié, la haine. C’est donc en peaufinant à l’extrême l’écriture des personnages, que Todd Haynes construit ses études de l’Amérique. Par le bas. Par l’individu et ses interactions… Par le portrait rapporté à l’ensemble.
Ce qui est en outre très intéressant dans les films de Todd Haynes, est d’ordre formel. Au delà de la simple technique, c’est véritablement le travail de réalisation – dans le sens d’alliage des caractéristiques techniques -, qui se fait de plus en plus abouti, maîtrisé. Carol à ce titre, est clairement son chef d’oeuvre provisoire; la qualité de la production et de la reconstitution (Judy Becker, Jesse Rosenthal, Heather Loeffler, Sandy Powell) y étaient magnifiés par la photographie de Edward Lachman et le score de Carter Burwell, tout en étant transcendés par le montage de Affonso Gonçalves (Pierre nous en parle, ICI). Les actrices et acteurs étaient au service de cette technique et de cette histoire, et vice-versa.
Todd Haynes, sa sensibilité et ses obsessions permettaient ensuite à ces qualités individuelles de se voir transcendées, tout en donnant au film une parfaite cohérence thématique avec le reste de son oeuvre, en abordant par les détails et l’individu, les thèmes encore relativement tabou de l’amour et de l’homosexualité.
Quant à Wonderstruck, il semble qu’il rajoutera à cette ampleur formelle et thématique, une nouvelle dimension, narrative. L’équipe technique est la même que pour Carol, et cela se ressent par la photographie, la musique et le montage déjà appréciables dans l’extrait ci-dessus. Todd Haynes, semble cette fois-ci ausculter l’enfance et réfléchir sur la découverte de l’Autre et du monde. C’est déjà très doux, très sensible et très fort… Reste à savoir ce que nous racontera véritablement le film.
Réponse durant le Festival De Cannes, qui débute le 18 mai 2017.
Georgeslechameau
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