Un an après son incroyable mais surtout inoubliable performance au festival de Coachella, Beyoncé divulgue HΘMΣCΘMING : un documentaire politique dans lequel la chanteuse dévoile tout mais montre surtout l’importance de la culture afro-américaine.
En 2018, Beyoncé réalisait deux performances historiques en tant que première artiste noire en tête d’affiche de Coachella, un festival pourtant vieux de vingt ans. Un spectacle de deux heures balayant toute sa discographie mais également son engagement politique et la culture afro-américaine. À l’époque, peu de vidéos avaient fuité et avaient eu une durée de vie éphémère grâce à l’efficacité de l’équipe de communication de Beyoncé. Ce manque de vidéos et de photos avait créé un mystère autour de ce show. Une culture du secret qui a ainsi permis à ce spectacle de rentrer dans la légende jusqu’à mercredi dernier.
La sortie du spectacle/documentaire HΘMΣCΘMING a fait l’effet d’une bombe sur Netflix alors que beaucoup pensait ne jamais pouvoir voir ce concert. À l’occasion, très peu de promotion a été faite sur les réseaux sociaux ou sur la plateforme de streaming, la légende autour du spectacle a suffit à elle seule. Au programme : un concert grandiose de plus de deux heures intercalé de scènes de coulisses, de répétitions et de confidences de la chanteuse. Un autoportrait fort où Beyoncé chante et danse avec puissance pour mettre en lumière la culture afro-américaine.Beyoncé, reine de ce spectacle, apparaît tel Néfertiti en haut d’une pyramide composée d’une centaine de danseurs et danseuses, un orchestre. Pour reprendre ses propres termes, « the amount of swag is just limitless. » La chanteuse a un don pour la mise en scène et le flamboyant que personne ne pourrait nier. Pour l’occasion, elle raconte avoir sélectionné pour son armée des étudiants venant des NPHC (National Pan-Hellenic Council), l’organisation regroupant les neufs fraternités et sororités étudiantes afro-américaines historiques. Entre leurs scènes de répétitions et de concert s’intercalent des citations inspirantes des principales figures de la culture noire comme Audre Lorde ou encore Toni Morisson. Alors que les chansons s’enchaînent, l’hommage continue avec une reprise de Lilac Wine par Nina Simone, des extraits de discours de Chimamanda Ngozi Adichie, de Malcolm X (« La personne la moins respectée en Amérique est la femme noire. La personne la moins protégée en Amérique est la femme noire ») ou encore de nombreuses performances de stepping, une danse symbolique de l’identité afro-américaine.
Comme le montre Beyoncé, la chanteuse est « woke« , c’est-à-dire « consciente des injustices, des discriminations et oppressions subies par les minorités ». Un engagement politique qui n’est pas nouveau pour la chanteuse féministe intersectionnelle qui s’était engagée contre les violences policières aux États-Unis et avait ouvertement soutenu les candidatures présidentielles de Barack Obama et d’Hillary Clinton. Dans les extraits des répétitions, Nina Simone, en voix-off explique que « C’est pourquoi je suis si déterminée à leur transmettre la culture noire, la notion de black power. Pourquoi je les pousse à s’identifier à la culture noire-américaine. […] Selon moi, nous sommes les plus beaux êtres vivants du monde, nous les Noirs. Ma responsabilité, c’est de les rendre assez curieux ou les persuader de gré ou de force, d’être davantage conscients d’eux-mêmes, de leurs origines, de ce qu’ils aiment, de ce qui est déjà là, au cœur d’eux. » Une volonté qui se ressent dans la communauté qui naît sur scène lors de spectacle à Coachella. Une appartenance qui se manifeste jusque dans les tenues exceptionnellement dessinées par Olivier Rousteing (Balmain) qui font référence à la culture afro-américaine (les références aux sororités et fraternités, le blason avec le buste égyptien et l’abeille, ou encore le béret des black panther). Queen B confirme ainsi son virage politique entamé depuis son album Lemonade en 2016.Avec un spectacle de cette envergure, il est ainsi question de répétitions, de travail et d’investissement. Comme en témoigne un membre de l’équipe : « Le thème du spectacle c’est le retour à la maison (HΘMΣCΘMING). C’est très ironique parce qu’on ne rentre jamais chez nous. » Le concert sous-entend ainsi un travail de longue haleine, plusieurs mois de répétitions et un contrôle total afin d’atteindre une perfection jamais égalée. Tout est chorégraphié et prévu au millimètre près, ce qui permet les changements entre les deux concerts qui ne se distinguent qu’au transformation vestimentaire des danseuses. Le spectateur en vient même à se demander si la chute avec Solange est chorégraphiée ou non. En effet, dans ce concert-documentaire « écrit, réalisé et produit par Beyoncé », on s’attend à ce que tout soit dit et montrer. Mais si la chanteuse a l’art de tout orchestrer, a-t-elle pour autant tout montrer ? Avec une carrière de plus de 30 ans dont les écarts publics se comptent sur les doigts d’une main, il serait intéressant de se demander si l’artiste dévoile vraiment tout ou seulement ce qu’elle choisit de montrer.
Quoi qu’il en soit, au-delà de son aspect marketing, ce documentaire est un véritable manifeste grâce à la performance incroyable de la chanteuse qui continue d’affirmer publiquement ses choix politiques. Avec HΘMΣCΘMING, Beyoncé dévoile le premier volet d’une série de trois programmes inédits commandés pour 60 millions de dollars par Netflix afin de concurrencer l’arrivée de ses nouveaux concurrents. Un somptueuse pièce en trois actes dont ce concert, qui sanctifiait déjà la chanteuse, n’est en réalité que l’incipit.
Sarah Cerange
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• Réalisation : Beyoncé Knowles-Carter
• Distribution : Netflix
• Acteurs principaux : Beyoncé Knowles-Carter, Kay-Z, Solange, Kelly Rowland, Michelle Williams
• Date de sortie : 17 Avril 2019
• Durée : 137min