CE SENTIMENT DE L'ÉTÉ
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[CRITIQUE] CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ

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• Sortie : 17 février 2016
• Réalisation : Mikhaël Hers
• Acteurs principaux : Anders Danielsen Lie, Judith Chema, Thibault Vinçon
• Durée : 1h46min
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4
NOTE DU RÉDACTEUR

À la lecture du synopsis, on pourrait croire que CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ est un film sombre qui porte sur le deuil mais ce n’est pas du tout le cas. C’est un film au ton légèrement mélancolique qui aborde l’absence, le temps qui passe et la vie qui reprend ses droits avec une délicatesse et une sensibilité propres à son réalisateur, Mikhaël Hers.

Berlin en plein été, Sacha, 30 ans, décède subitement, laissant son petit ami, Lawrence, et sa famille sous le choc. A travers quatre villes, et sur trois étés consécutifs, le réalisateur nous invite sans violence, et même avec beaucoup de douceur, à découvrir la vie « d’après » de Lawrence et Zoé (la sœur de Sacha). Il nous offre une vision à la fois pudique et touchante du retour à la vie à travers le prisme de la saison estivale. Mikhaël Hers superpose ainsi un sentiment et une période de l’année caractérisés par les mêmes aspects paradoxaux que sont la désertion et la luminosité, tout le film étant construit sur ces deux aspects.

La première chose qui interpelle dans CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ, c’est l’image : sa lumière et son pouvoir narratif. On remarque que le grain de l’image, qui est tout sauf lisse, à l’instar du sujet traité, est différent de celui auquel nous sommes désormais habitués. Le fait que le film soit tourné sur pellicule 16 mm (voire même en super 16 pour la toute fin), avec tout ce que cela implique comme contraintes techniques, confère à l’ensemble un supplément d’âme, quelque chose de plus authentique. Cela est essentiel car le protagoniste n’est pas très prolixe. Beaucoup de choses passent donc par le ressenti, l’atmosphère ou la tonalité imprimés aux scènes, bien plus que par les dialogues.

Photo du film CE SENTIMENT DE L'ÉTÉ
© NordOuestFilm

Quant à la lumière, dont la place est, dans ce contexte, tout aussi importante, elle se veut à la fois rassurante et vivante. La plupart des scènes sont de ce fait tournées à l’heure du coucher de soleil, cette heure un peu « magique », particulièrement l’été, où les derniers rayons sont doux et apaisants. Mais il y a un autre élément qui passe par l’image. C’est la sensation de « vide » laissée par le deuil. Par exemple, au début du film, la lumière éclatante de l’été vient particulièrement mettre en relief le bleu dur de plusieurs éléments relatifs à la jeune femme qui décède. Par la suite, quelques détails du même bleu distillés tout au long du film viendront attirer l’œil et rappeler l’absence de cette dernière.

Enfin, le dernier facteur qui concourt à l’esthétisme et à la puissance visuelle de ce film n’est autre que ces villes dans lesquelles il a été tourné : Berlin, Paris, Annecy, New York. Telles des rimes, au fil des étés, le réalisateur nous embarque dans des univers différents mais profondément reliés par des éléments communs, se faisant échos les uns aux autres. On y retrouve ainsi la même lumière, les mêmes points de vue en hauteur, le même type d’appartements, les mêmes parcs à proximité, etc.… Leur chronologie est assez logique, elle se succède par ordre « d’intensité énergétique », à l’image de celle des protagonistes qui refait surface au fur et à mesure que les années passent. Seule Annecy nous interroge mais les « cartes postales » qui nous y sont offertes excusent son intrusion moyennement justifiée.

« Une vision à la fois pudique et touchante du retour à la vie, à travers le prisme de la saison estivale. »

S’il est parfaitement réussi visuellement, CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ présente tout de même un petit bémol au niveau du rythme, un peu trop lent. Ce que l’on ne peut dénier, c’est que ce rythme s’accélère, tout comme l’énergie, au diapason de cette envie de vivre qui reprend le dessus. Cependant on regrette une certaine inertie qui frustre plus qu’elle n’ennuie. En effet, on pourrait, mais on ne s’ennuie pas. En revanche, nous sommes dans l’attente de quelque chose de plus. On aimerait partager plus d’actions, plus d’émotions, plus d’épisodes de la vie de ces protagonistes auxquels on s’attache irrémédiablement. C’est la seconde force du film : l’empathie envers les personnages.

Remarquablement bien choisis, on y retrouve quelques acteurs fétiches de Mikhaël Hers déjà remarqués dans son premier long métrage Memory Lane : Stéphanie Déhel, Thibault Vinçon, Dounia Sichov et Marie Rivière. Mais surtout dans les rôles phares, deux « nouveaux » : Anders Danielsen Lie et Judith Chemla. D’une complémentarité judicieusement orchestrée, les deux protagonistes portent le film et sont incarnés par des comédiens qui tiennent leur rôle avec la même sensibilité que le réalisateur. Judith Chemla est ainsi d’une légère maladresse, et d’un naturel spontané et touchant, qui servent parfaitement son rôle. Quant à Anders Danielsen Lie, presque insignifiant au départ, aux traits anguleux et peu avenants, il parvient à révéler le personnage de Lawrence au fil des scènes. Tout en retenue, de façon silencieuse et pudique, il se dégage progressivement de ses sourires et de ses regards une douceur, une délicatesse et une sensibilité qui reflètent le film et parvient à nous émouvoir. Sans grands discours, on ressent le poids nécessairement plus lourd pour lui du vide laissé par Sacha. On perçoit sans effort le chaos provoqué dans son quotidien, là où les membres de la famille sont déjà plus habitués à l’absence du fait de ne pas résider dans le même pays et de ne pas vivre seuls. En somme, une manière à la fois réaliste et édulcorée de représenter ce sentiment d’abandon auquel nous sommes tous confrontés un jour où l’autre.

Stéphanie Ayache

D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?

 

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