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Birdman, The Humbling, Top Five : ces films sur le rapport à l’image

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La vision d’un personnage vis-à-vis de sa propre célébrité, son rapport à l’art, l’influence de ces deux aspects sur sa psyché.

Un sujet maintes fois traité au cinéma et pourtant toujours aussi passionnant !
Si pour nous la référence en la matière reste le Opening Night de John Cassavetes (critique ICI), de nombreux films nous ont également marqué. Parmi eux,
Tout sur ma Mère, de Pedro Almodovar
Entourage – la série de Doug Ellin
Perfect Blue, le thriller Hitchcockien de Satoshi Kon
Black Swan de Darren Aronofski (remake officieux et dansant de Perfect Blue)
L’hilarant Tonnerre sous les Tropiques de Ben Stiller (et dans une moindre mesure, Zoolander)
Le dérangeant La Valse des Pantins, de Martin Scorsese
Le Bal des Actrices de Maïwenn
Dans la peau de John Malkovitch, de Spike Jonze
La Vénus à la Fourrure de Roman Polanski
le fascinant Sils Maria d’Olivier Assayas
Et plein d’autres…

Tous abordant la question du rapport à la célébrité ou à l’art sous plusieurs angles différents, allant du thriller à la comédie décomplexée, mais ayant toujours ce rapport métaphysique, cette mise en abyme passionnante !

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Trois films en 2015 ont également traité cette question :
BIRDMAN (sortie le 25/02/15),
THE HUMBLING
, avec Al Pacino (sortie le 8/04/15),
TOP FIVE, de et avec Chris Rock (diffusion le 23/02/16 sur Canal +)

Nous vous proposons d’observer qualités et défauts, forces et faiblesses de ces films !

[toggler title= »Birdman – la performance » ]
Le cas BIRDMAN est intéressant. C’est un pur film technique aux atours artificiellement métaphysiques.

La technique du film est puissante, proposant une indéniable immersion dans le cœur d’un théâtre, par le biais d’un long-plan de deux heures, en apparence ininterrompu. La magnifique photo d’Emmanuel Lubeski s’adaptant aux réflexions / actions du personnage principal, de même que la musique, globalement faite d’une batterie lancinante (qu’on aime ou pas l’instrument, c’est hyper-impressionnant)
Le rythme du film est ainsi parfait, alternant digressions poético-réalistes, géniales mises en scènes à l’intérieur de la mise en scène, surjeux d’interprétation (Keaton – constamment, puis chacun, à son tour) et de nombreuses et incroyables péripéties (la traversée en SLIP de Central Park, le réveil du super-héros)
Bref. Techniquement, c’est un sommet.

Michael Keaton en pleine performance et Ed Norton en slip.
Michael Keaton en pleine performance et Ed Norton en slip © 20th Century Fox

La mise en abyme est en soi passionnante, tant dans la forme que dans le fond. Riggan Thompson possède la même carrière que son interprète Michael Keaton, celle d’un acteur ayant été 20 ans plus tôt, une superstar ultra-bankable grâce à un genre peu respecté dans le milieu artistique – le film de super-héros. La schizophrénie du personnage vient de là : doit-il renier son passé pour prouver sa valeur, humaine ET artistique ?

Pourtant, ça coince – bien que ce soit en théorie cohérent.
Riggan Thompson souhaite à tout prix revenir sur le devant de la scène et cela DOIT passer par la performance. C’est le gros problème du film et selon moi, la source d’un certain manque de sincérité. Aucune, nuance, ou alternative n’est proposée ; acteurs, mise-en-scène, photo, musique, allégorie du monde du spectacle, psychologie… TOUT passe par la performance.
Les aspects les plus profonds, bien que présents, en pâtissent au profit du tape-à-l’œil ; La schizophrénie de Riggan, son regard sur la pop-culture (qu’il à lui-même contribué à définir), le recul sur lui-même, l’univers du théâtre… Ces thèmes sont expédiés en une scène max, pour laisser toute place à la mise en scène, flattant pleinement l’orgueil de chaque participant… De même que celui du spectateur, subjugué, évidemment.
Birdman n’est au final qu’un vecteur de performance, destiné à convaincre son public de son impressionnante maîtrise technique…
Très plaisant, mais artificiel, en dépit des apparences.

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[toggler title= »THE HUMBLING – l’anti-Birdman » ]

Barry Levinson nous propose un nouveau dialogue avec l’Artiste, après le méconnu Panique à Hollywood (avec l’autre cador Robert de Niro). Sans second degré cette fois, ni vision exhaustive du milieu ou de son envers du décor très Entourage-ien.

Al Pacino incarne dans THE HUMBLING, un acteur lessivé (Simon Axler, 72 ans, 50 ans de carrière) semblant avoir tout essayé, tout interprété. Il en arrive à ce point où il n’a plus rien à prouver à personne, mais où il lui est impossible de retrouver la flamme qui l’animait.
Plus que la peur de la mort, c’est la peur de ne plus avoir de public qui frappe Simon, ce qui est paradoxal car il n’a plus envie de performer.

À l’instar de Birdman, l’interprétation de Pacino est synonyme de performance… Mais une performance laissant une énorme place à l’empathie du spectateur. Malgré son âge avancé et la distance que pourrait poser un personnage évoluant dans les hautes sphères du savoir culturel, l’identification et l’accessibilité son présentes.

Al Pacino dans The Humbling
Al Pacino dans The Humbling © Metropolitan Filmexport

Déjà, grâce à Al Pacino, qui sait jouer sur tous les registres (charisme, vulnérabilité, érudition…) avec une indéniable sincérité, puis grâce à Greta Gerwig. Comme à son habitude, la liberté et l’imprévisibilité définissent son personnage, faisant entrer les facettes les plus communes du réel, dans le quotidien de Simon… Un peu comme la Nouvelle Vague en son temps, contaminait le cinéma classique. Son irruption forcera Simon à réévaluer ses priorités, ses envies, son passé et son avenir.

La comparaison n’est d’ailleurs pas innocente, car l’excès de réel amené par Gerwig finit par tourner à vide et paraître surfait, surtout si vous l’avez déjà vue dans d’autres rôles similaires, dans Frances Ha ou Greenberg.
Son intervention, néanmoins, aura permis à Simon d’envisager son rapport à l’art comme un moyen de communication ultime (pour gagner son affection ) et non plus comme performance au service de l’art – un discours à l’opposé, donc, de celui de Birdman

[/toggler][toggler title= »Top Five – le traitement déconne » ]
La singularité du film de Chris Rock est son mélange de genre. Le rapport qu’a l’acteur vis-à-vis de son succès est le noyau, mais gravite autour de très nombreux autres aspects. C’est donc la générosité qui fait la valeur de TOP FIVE.
Aucun aspect n’est véritablement traité avec brio, ou plutôt aucun n’est considéré avec un total sérieux… Mais si l’on devait en extraire certains plus que d’autres, ce seraient ceux-ci :

La rom-com, très Delpy/Hawke-like.
Chelsea et Andre, comme dans les films de Richard Linklater (et 2 days in New York, avec Delpy et Rock :) marchent beaucoup face-caméra, et interprètent superbement d’excellents dialogues, intelligents, drôles, ciselés et ultra-personnels, au gré de plans-séquences qui seraient évidemment parfaits… s’il n’y avait cette sensation de déjà-vu.
Le couple qu’ils forment est donc très crédible, car créé par le détail, l’empathie et le charme. Leur relation toutefois, correspond aux codes instaurés par le cinéma romantique. Haine, empathie, passion, erreurs, re-haine, puis re-passion. Un peu simpliste et peu surprenant, même si heureusement Chris Rock a créé deux personnages suffisamment complexes pour que cette caractérisation ne puisse les définir.
(je spoile, mais vraiment pas tant : ils se détestent, s’apprivoisent, s’acoquinent, se détestent à nouveau puis lovelovelove)

Chris Rock dans Top Five
Chris Rock dans Top Five © Paramount Pictures

la charge anti-blancs ; c’est la marque de fabrique et le fond de commerce d’un humoriste comme Chris Rock, héritier d’Eddie Murphy et de Richard Pryor avant lui.
La maturité a toutefois fait son oeuvre et Chris Rock sait maintenant qu’il faut d’abord savoir où l’on se place avant de critiquer qui que ce soit. Cette agressivité est donc très vite détournée sur lui-même et son regard « de blanc ». Car étant devenu une star, il ghettoïse malgré lui sa propre famille et ses origines, sous couvert d' »appartenance à un autre monde ». C’est finalement assez intelligent et dénonce avec subtilité et pertinence un certain racisme, allant dans les deux sens.

– l’aspect qui nous intéresse, le rapport à son propre succès, est lui aussi très fin, quoique pas vraiment original.

André est une star, à la renommée d’un Will Smith. Tout le monde le (re)connait. Pourtant, son rôle le plus emblématique n’est pas celui d’un charismatique héros, mais celui d’un bouffon dans un costume d’ours (!!!) ce que ne manque pas de lui rappeler chaque habitant de New York, à chaque minute (sérieusement, comptez le nombre de « hammy » dans le film)

Top Five
Top Five © Paramount Pictures

Cette base permet un regard très distant sur le rapport à l’art, montrant un acteur choisissant d’évoluer entre crédibilité et bankabilité.
Mais contrairement à Keaton/Thompson qui considère que la crédibilité passe finalement par le « cultivé, grave et sérieux », Rock ramène avec humour, toute thématique à un problème d’ego. Tourne tout en dérision, à commencer par lui-même, via l’orgueil, l’égoïsme et l’immaturité des décisions d’André.
Qu’il s’agisse de sombrer dans l’alcoolisme et la drogue, d’interpréter Hammy 4 fois d’affilée, ou d’épouser une star de télé-réalité, qu’il soit hors ou face caméra… Son personnage reste un bouffon succombant constamment à la facilité. Sa dernière bouffonnerie : viser la réhabilitation critique avec son propre 12 Years a Slave, un film de « performances » à portée ethnico-pédagogique (sur la révolution haïtienne)… Malheureusement, produit uniquement pour flatter son égo, le résultat est ridicule car dénué d’implication. Celle d’Andre y compris.
TOP FIVE propose ainsi à son personnage une alternative à la frivolité, en la personne de La Critique et La Femme, Chelsea Brown/Rosario Dawson. Un catalyseur romantique permettant à Andre d’envisager un changement de personnalité, passant d’égoïste pur à altruiste léger.
Plus généralement, Chris Rock ramène chaque thématique… à un problème d’ego. Les fameux Top Five éponymes sont par exemple, ces moments où son personnage se re-confronte à la simplicité du quotidien, ses amis lui rappelant qui il est, d’où il vient, à quel point son comportement ironiquement méprisant leur paraît trivial.

Le personnel se marie constamment avec le star-system. André est une giga Star et se comporte en tant que tel, mais se retrouve confronté malgré lui à sa nature d’humain.

Cette base est ensuite étoffée par de nombreuses interactions cohérentes ayant deux buts : rendre le personnage d’André hyper-crédible et fusionner les deux autres aspects sus-mentionnés. Sous la forme d’anecdotes ou de rencontres, elles en disent beaucoup sur un homme qui s’est trop laissé aller à la facilité – au point d’oublier l’humilité. De ses origines, du métier d’acteur. Top Five est ainsi un hybride de Birdman et de The Humbling mais sachant rester ludique et intelligent, jamais prétentieux.

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3 films, 3 traitements, de multiples pistes d’interprétation. Orgueilleux, humble, introspectif… Spectaculaire, minimaliste, drôle et incisif… Concours de performances, examinant l’art comme moyen de communication et de transmission, mettant en perspective l’influence du star system sur un comportement social… BIRDMANTHE HUMBLING et TOP FIVE proposent trois façons passionnantes de considérer le sujet.

Et pour la suite ? Arrête ton Cinéma ! d’après Sylvie Testud s’est déjà attelé à un discours métaphysique sur le métier de réalisateur !
Preuve que le sujet a encore de nombreuses pistes à examiner.

D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?

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