BONE TOMAHAWK
© The Joker

[CRITIQUE] BONE TOMAHAWK

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Scénario
6
Mise en scène
7
Écriture des personnages / Dialogues
9
Casting / Direction d'acteurs
7.5
Photographie / Montage / Son
6
Note des lecteurs7 Notes
5.8
7.1

1860, quelque part dans l’Ouest sauvage. Un bandit se réfugie dans la petite bourgade de Bright Hope après avoir profané les tombes d’une tribu troglodyte. Il attire malgré lui la horde qui l’enlève, ainsi que plusieurs autres otages. Le shérif de la ville part à leur rescousse, accompagné de trois étranges acolytes.

Aborder BONE TOMAHAWK est assez difficile sans fonder d’apriori, tant le film pourrait à première vue renvoyer à des centaines d’autres. On pense évidemment à La prisonnière du désert de John Ford à la lecture de ce synopsis, ou aux films de John Carpenter dès l’apparition de Kurt Russell et la promesse de le confronter à des « abominations. » (lire la critique de Félix à l’occasion de la ressortie de The Thing).

BONE TOMAHAWK se révèle être à la fois un « film d’auteur », et en même temps n’aborde aucun des thèmes auxquels on s’attendrait dans le contexte d’une relecture du genre western par des cinéastes indépendants du monde entier. Bien que le moteur dramatique parle de la confrontation entre les colons blancs et un peuple « autochtone », le premier film de Craig Zahler n’est absolument PAS une réflexion sur l’altérité. Le cinéaste envoie valser toutes considérations politiquement correctes à propos des Indiens, pour se concentrer sur un pure exercice de style. Pour ceux qui n’ont pas vu La prisonnière du désert (! attention spoiler à 60 ans d’écart !), les prémices sont quasi-identiques. Une jeune fille est enlevée par des Indiens et des hommes se lancent à leur poursuite. L’essentiel du film porte sur la traque, durant laquelle nos héros imaginent les pires tortures qu’aurait pu subir la jeune fille, le cauchemar étant qu’elle soit transformée par ces « sauvages » via un rapport sexuel. Cependant, au fur et à mesure du film de 1956, le personnage incarné par John Wayne va gagner en complexité, et les frontières entre « Indien » et « Blanc » vont devenir de plus en plus poreuses.

Photo du film BONE TOMAHAWK
© The Joker

Dans BONE TOMAHAWK le suspense de la plus grosse partie du film repose également sur la même idée, bien que l’intrigue se déploie à plusieurs autres niveaux à première vue indépendants les uns des autres. On sent bien que le réalisateur prend son pied dans la direction d’acteurs, les premières qualités du film étant ses dialogues et ses personnages. Finalement, l’enlèvement de cette sorte de princesse jouée par Lili Simmons, n’est qu’une excuse pour approfondir notre connaissance de chaque personnage : le shérif sans gloire (Kurt Russell), le pistolero arrogant (Matthew Fox), le cow-boy infirme (Patrick Wilson) et le vieil homme sénile (Richard Jenkins). Chaque personnage a une fonction scénaristique évidente, mais le plaisir du spectateur s’enracine davantage dans l’évolution de leurs relations, par rapport à leurs faiblesses (physiques ou psychologiques). Le grand absent des 2/3 de BONE TOMAHAWK c’est donc bien cette tribu monstrueuse, reléguée dans un espace imaginaire de la terra incognita dont même les Indiens recensés réprouvent les coutumes barbares. Toutefois, l’idée que s’en font nos personnages permet au spectateur de spéculer à leur propos. Ce simple travail d’imagination permet au film de trouver sa continuité, et de s’inscrire de plein pied dans un suspense propre au cinéma fantastique.

« Dans BONE TOMAHAWK, le monstre primordial incarne l’idée du mal absolu, irrationnel et injustifié. »

D’où sortent ces monstres ? Ont-ils toujours existé ? Sont-ils vraiment humains ? Autant de questions auxquelles le film refuse de répondre clairement, et c’est sans doute cette ambiguïté qui s’avère le plus intéressant. Les histoires que les personnages échangent à leur propos, ainsi que les détails physiques qui apparaissent dans le dernier tiers du film, renvoient à une image primale. Ce n’est pas pour rien que les héros de BONE TOMAHAWK les nomment Troglodytes : ils évoquent l’aube de l’Humanité, alors que nous n’étions pas encore sorti du règne animal, la cruauté en plus.

Ce monstre primordial, reflet déformé de notre part bestiale, rend physique la présence d’une idée très américaine : le Mal absolu, irrationnel et injustifié. BONE TOMAHAWK, dès l’évocation de cette figure, est de plein pied dans le fantastique (qu’on soit en 1860 ne change rien), mais la réponse qu’il donne à la question qui hante ce genre est loin d’être rassurante. Comment le monstre est-il né ? Dans Frankenstein par exemple, le monstre est issu de l’imagination démiurgique du savant. L’histoire se pose alors comme garde-fou face à la technologie dont nous nous sommes enivrés. Dans BONE TOMAHAWK le monstre semble être là de toute éternité, peut-être même que nous avons été semblables à lui avant d’évoluer vers une autre forme de société. Cette idée de Mal essentiel est assez dérangeante pour les esprits européens, habitués à trouver de bonnes raisons à la présence de monstres parmi nous. BONE TOMAHAWK évacue la culpabilité inhérente à la destruction de cette tribu. Aberration sans aucune excuse pour le sauver, le monstre doit être éradiquer.

Photo du film BONE TOMAHAWK
© The Joker

La guérilla que mène les 4 hommes face à cette monstruosité apparaît dans le film totalement justifiée. Œil pour œil, dent pour dent. Et face à des horreurs pareilles, n’ayons aucun remord. Un tel sentiment du point de vue des personnages est totalement justifié. Toutefois, l’idée pose davantage problème lorsqu’il s’agit de donner au spectateur le même feeling. Après tout, BONE TOMAHAWK peut être vu comme l’apologie de la guerre « juste » du Bien contre le Mal.

D’ailleurs, c’est dans la description de cette micro-société de monstres Troglodytes que le film est à la fois le plus efficace et le moins bien écrit. Efficace, car on tire une jouissance non dissimulée dans leur barbarie suivi de leur massacre. Lacune d’écriture car le film embraye sur un autre thème, celui de l’eugénisme (les monstres brident tout ce qui est faible) par rapport à la différence (l’infirme de la bande va faire basculer l’histoire).

Radical dans son propos comme dans sa forme (1h30 de western, 3/4 d’heure d’horreur), BONE TOMAHAWK est un divertissement ambivalent, dont la réflexion aurait pu être encore davantage poussée afin d’offrir l’occasion d’un deuxième visionnage.

BONE TOMAHAWK mérite qu’on s’y attarde pour l’écriture de ses dialogues et le jeu de certains des comédiens. Premier film prometteur, on attend de voir les suivants pour savoir si Craig Zahler sortira définitivement de la série B à gros casting.

Grand prix du festival international du film fantastique de Gérardmer, BONE TOMAHAWK fait partie de ces films qui ont déstabilisé les festivaliers, à l’image de The Witch (Prix Syfy / Canalsat, dont j’étais juré) et Évolution (Prix de la Critique et Prix du Jury ex-æquo avec Jeruzalem).

BONE TOMAHAWK

Thomas Coispel

D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?

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Affiche du film BONE TOMAHAWK[/column]

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Titre original : Bone Tomahawk
Réalisation : Craig Zahler
Scénario : Craig Zahler
Acteurs principaux : Kurt Russell, Patrick Wilson, Matthew Fox
Pays d’origine : USA
Sortie : USA : 23/10/15 / France : 11/05/16 (M6 Vidéo en Blu-Ray / DVD et VOD)
Durée : 2h12mn
Distributeur : The Joker
Synopsis : Un shérif et trois acolytes remontent la trace de mystérieux « troglodytes » afin de sauver les otages d’une mort atroce

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Scénario
Mise en scène
Écriture des personnages / Dialogues
Casting / Direction d'acteurs
Photographie / Montage / Son
Note finale