PARLE AVEC ELLE

PARLE AVEC ELLE – Critique

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Mise-en-scène
9
Scénario
10
Casting
8
Photographie
7
Musique
8
Émotion
10
Note des lecteurs2 Notes
8.5
8.7

PARLE AVEC ELLE s’inscrit dans la lignée du précédent Tout Sur Ma Mère : le film est encore une fois, la somme du meilleur de son cinéma.

Commençons par la technique, puisqu’elle est entièrement au service de l’émotion.

La film est, à nouveau, une adéquation entre mise-en-scène, image, musique, scénario, direction d’acteurs :
la narration entremêle les destinées des différents protagonistes – le script n’hésitant pas à éclater l’action, en espace et en temps. Des flashbacks, à forte résonances émotionnelles sur le présent, aux ellipses masquant sentiments et événements décisifs… Le sens de l’écriture d’ Almodóvar prend le temps de brosser des personnages hautement empathiques, puis installe le mélodrame au centre de leurs destins croisés. Un scénario comme d’habitude, tortueux, malin et réussi.
Quant à la réalisation, Almodóvar filme une histoire d’Hommes… Non pas comme dans La Loi Du Désirfinalement très classique malgré son point de vue exclusivement masculin – non. Il filme des Hommes qui aiment des Femmes.
On pourrait par conséquent s’attendre à une mise en scène des corps, à du sexe, surtout qu’il s’agit d’un point de vue masculin sur deux femmes magnifiques – l’une par son corps, l’autre, par son charisme… Et non !
PARLE AVEC ELLE capte d’abord la sensibilité, bien au delà de toute représentation de la sensualité !
Une évolution, pour ce réalisateur habitué aux scènes provocatrices, au voyeurisme ludique. Tout Sur Ma Mère amorçait ce virage sensible ; PARLE AVEC ELLE dépasse un nouveau cap dans la représentation de la sensibilité par l’image, et la mise-en-scène.

Entre les scènes importantes, Almodóvar filme l’intervention importante de l’art de la culture, sur les émotions des personnages ; comment leurs actions sont influencés par  la force d’une oeuvre. Une mise en abîme supplémentaire qui rajoute au caractère viscéral du film : ne sommes nous pas, nous aussi, touchés par ce film ? Que serions nous capables de faire, par amour ?

Enfin, les interprètes (masculins, puisque PARLE AVEC ELLE est, encore  une fois, une véritable histoire de bonhommes) sont PAR-FAITS.  Javier Cámara et Dario Grandinetti, sans composition grandiloquente nous immergent dans l’histoire de leurs personnages.

En ce qui concerne la nature même du film, PARLE AVEC ELLE peut se voir comme une auto-citation intelligente : un miroir des obsessions et thèmes fétiches du cinéaste, ainsi qu’un renouvellement, dans le décalage.
Le plus évident : Almodóvar raconte une histoire d’ Hommes et non plus, de Femmes. Celles-ci, à l’image des hommes de Femmes au Bord de la Crise de Nerfs ou de La Fleur de mon Secret, sont omniprésentes mais paradoxalement absentes. Elles ne sont plus que des corps, des présences ; leurs émotions sont présentées, mais en amont ou en aval de l’histoire, comme des phares, canalisant les sentiments masculins. Une inversion passionnante, dont le résultat, TRÈS surprenant, est que la sensibilité prend le pas sur la sensualité !

”Délicatesse et sensibilité se rajoutent à la provocation et à l’ampleur scénaristique, sans compter l’aboutissement formel… Tout cela, au service de l’émotion. Bravo.”

PARLE AVEC ELLE est un reflet sensible de Tout Sur Ma Mère : jusqu’où est on capable d’aller, par amour…
Almodóvar construit ainsi deux magnifiques personnages masculins avec lesquels le spectateur effectue un véritable transfert. Leurs sentiments sont les nôtres, car leur perception des femmes qu’ils aiment est remarquablement retranscrite…
La délicatesse, par exemple, avec laquelle Almodóvar filme Benigno s’occupant d’ Alicia… Sa manière de capter l’émotion dans les larmes de Marco, au comportement paradoxalement minimaliste et monolithique… sans compter leur amitié forte indépendamment de leurs différences de caractère. Almodóvar, assez perversement, génère une empathie très forte envers ces personnages, de manière à empêcher tout jugement sur leurs actions.  La grande force du film est, du coup, d’amener dans le récit des événements moralement répréhensibles… présentés via une logique émotionnelle implacable et un naturel déstabilisant, et donc parfaitement dérangeants et provocateurs. Almodóvar nous manipule avec intelligence pour provoquer un sentiment ambivalent mais très puissant. Du grand cinéma !

dans PARLE AVEC ELLE, délicatesse et sensibilité s’associent à la provocation, à l’ampleur scénaristique et à l’aboutissement formel… Almodóvar, en metteur en scène pervers, fait de nous spectateurs, les complices d’un hold-up émotionnel et moral et réalise un vrai « mélodrame de cinéma » capable de bousculer le spectateur…

En bref, un nouveau chef d’œuvre.

Georgeslechameau

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Rédacteur

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Mise-en-scène
Scénario
Casting
Photographie
Musique
Émotion
Note finale

  1. Parle avec elle (2002)

    Et comme je ne suis pas borné, vous trouverez dans l’excellent blog du cinéma, un avis flatteur et totalement opposé au mien sur le film.
    https://www.leblogducinema.com/critiques/critiques-films/parle-41674/

    Démolition.

    Les états végétatifs irréversibles mais qui ne seraient pas si définitifs qu’on veut bien le dire, passionnent le grand public. Tout autant que les supposés retours à la vie après la mort ou les inhumations précipitées d’enterrés vivants.
    Et pour cause, n’importe quel humain a vite froid dans le dos en s’imaginant pouvoir être victime de l’une ou l’autre de ces situations. C’est humain plus qu’humain.

    En attisant ce sentiment viscéral, l’obscurantisme religieux a fait interdire les autopsies pendant des siècles.
    Et qu’encore maintenant les familles si opposent le plus souvent, car elles souffrent dans leur chair en imaginant que le cher défunt puisse être découpé. Humain plus qu’humain.

    Ce ressort émotionnel primaire et efficace est donc abondamment exploité, au comptoir, au cinéma et dans la littérature.

    Avec toujours cette illusion tenace que l’apparence peut correspondre à la réalité. Ce qui est d’ailleurs pratiquement l’essence du cinéma.

    Avec le coma irréversible, on n’est plus là dans le domaine de la science et de la raison mais dans celle de la foi et de l’émotion irrationnelle. Et quel profane ne céderait pas aux sirènes du « et si jamais…»

    C’est un « mystère » classique qui déchaîne inéluctablement les passions. Il n’y a qu’à penser ici au pauvre Vincent Lambert et aux fanatiques et/ou égarés qui poursuivent leur acharnement thérapeutique, pour maintenir sa pseudo-vie depuis si longtemps.

    Pedro Almodóvar enfourche donc lui aussi ici le canasson porteur du coma définitif. Avec comme par hasard, ici aussi une résurrection inespérée. Le pire étant que le « réveil » de la belle « endormie » n’est pas du tout indispensable à ce film de 2 heures. Il aurait pu être agréablement écourté sans cela. Le message aurait été plus concis et plus intéressant.

    Voici l’action. Deux hommes veillent à leur manière sur deux femmes dans le coma. Leur attirance réciproque pour ces cas désespérés, les rapprochent.

    – La ravissante actrice Elena Anaya Gutiérrez joue Alicia. Alors qu’était danseuse de haut niveau dans sa vie active, là elle passe son temps dans un lit d’hôpital. Elle est voluptueusement caressée et lavée. C’est une victime d’accident d’auto.

    – La gitane Rosario Flores est dans le film Lydia. Une torera professionnelle qui finit par être mis sur la touche définitivement par un taureau trop fort pour elle.

    Quant aux deux hommes :
    – L’un est un incrédule sentimental et rationnel. Assez bien joué par l’Argentin Dario Grandinetti.
    – L’autre est un infirmier, de l’autre côté de la barrière et très proche de ces victimes en sursis. Il « parle avec elle(s) ».
    C’est l’excellent acteur Javier Cámara Rodríguez (*) On y croirait totalement si Almodóvar n’en avait pas fait un homme vierge de 45 ans qui préfère virtuellement les hommes mais qui pourtant finit par rendre enceinte la danseuse en état végétatif. C’est pour le moins tiré par les cheveux. Surtout quand on apprend que ce qui le fait céder, c’est d’avoir vu un film noir et blanc muet et grotesque où le héros rétrécit et finit par avoir la taille d’un pénis et se glisse définitivement dans le vagin de l’héroïne. Trucage en carton pâte mal réussi d’ailleurs.
    Les prétentions oniriques et fantasmatiques du propos ne sont ni vraiment provocatrices, ni vraiment bouleversantes. On dirait une imitation ratée d’un faux Almodóvar.

    Rien de bien emballant. Plutôt laborieux. Un pâle reflet de feu (**) l’étincelant réalisateur.
    Au total un film un peu nigaud et maladroit, fait par un réalisateur qui est un peu « comateux » lui aussi et/ou qui s’en fout et gaspille son talent.
    Et comme on l’aime bien, on est presque gêné de le voir en arriver là.

    A j’allais oublié ! Il y aussi la vibrante interprétation « live » de « Cucurrucucú paloma » dans le film. Mérite le détour.