ROBERT GUÉDIGUIAN

[INTERVIEW] Robert Guédiguian

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Nous avons rencontré le réalisateur Robert Guédiguian à Bordeaux, à l’occasion de la présentation de son dernier film UNE HISTOIRE DE FOU  (Lire notre critique). Passionné et passionnant, il a partagé avec nous le fruit de ses réflexions et de son travail.

L’histoire

C’est difficile de faire un film sur le sujet, j’ai trouvé les clés qui me manquaient pour démarrer un scénario dans le livre de José Gurriaran, dont je me suis librement inspiré. Il est héroïque pour moi : il est allé jusqu’à rencontrer ceux qui avaient commis l’attentat dans lequel il a été blessé. Il a une vraie conscience politique, il essaie de comprendre avant de juger, comme mon personnage de Gilles. Je n’aime pas le mot de dommage collatéral pour définir Gilles, je lui préfère le mot de traumatisme. José n’est bien sûr pas allé rencontrer la mère, mais j’avais besoin que cette mère devienne la mère universelle, qui se partage à la fin, Gilles opérant une quasi-substitution après la mort de son fils. Je voulais aussi aborder le sujet du pardon, car comme l’a écrit Jankélévitch, pour obtenir le pardon, il faut le demander.

Ce que j’ai voulu faire, ce n’est pas un documentaire, ni un film politique, mais un film historique et incarné, avec des émotions.

Diaphana
Diaphana

Quant aux justiciers de l’Opération Némésis, qui signifie « Vengeance et Justice », ils étaient limités à deux exécutions par justicier, pour éviter l’exaltation et le plaisir à voir mourir les Turcs. Ils avaient la consigne de se faire prendre et d’organiser la médiatisation du récit du génocide ;  il y avait une stratégie très claire de la part de cette organisation. C’est ce qui s’est passé au procès de Soghomon Tehlirian, dont j’ai lu toutes les minutes, qui a évoqué à sa libération le « contentement du cœur ».

Les libertés prises avec l’Histoire et le rôle de transmission

Des historiens pointilleux m’ont souvent reproché de prendre des libertés avec l’Histoire, comme pour l’Armée du Crime. Mais ça n’a pas empêché le film d’être montré dans tous les lycées. Ce qui m’importe, c’est qu’on s’en serve, que grâce à lui on apprenne quelque chose, qu’on se sente plus intelligent et qu’on comprenne l’Histoire grâce à l’émotion de la fiction.

Je suis cinéaste et je m’arrange parfois avec l’Histoire, je suis obligé pour la fiction : le temps y est différent. J’ai eu la volonté d’être le plus exhaustif possible sur l’Arménie pour bien caler les positions. La façon dont meurt l’Ambassadeur Turc est une fiction, en réalité il a été tué à bout portant sur le Pont Bir Hakheim et sans faire d’autres victimes. Et l’église qui a vraiment été occupée un 24 avril par les forces de l’Ordre ne l’a pas été à Marseille mais à Paris.

« Je n’ai pas voulu réaliser un documentaire, mais un film plus historique que politique, incarné, avec des émotions. »

Je n’ai pas rencontré d’autres victimes d’attentats, le livre de José m’a suffi. J’ai pris des avis auprès des fondateurs de l’ASALA, qui travaillent d’ailleurs aujourd’hui dans les œuvres humanitaires en lien avec l’Arménie. Mais il faut se rappeler qu’à l’époque des attentats, la Turquie était une dictature fasciste militaire et que Beyrouth était le lieu international de toutes les luttes armées, notamment communistes, et de leurs excès. L’ASALA a d’ailleurs été le groupe le plus actif, même plus que l’OLP, avec 150 attentats en dix ans entre 1975 et 1983. L’attentat d’Orly a précipité l’autodissolution de l’ASALA, dont les membres se sont finalement entre-tués comme je le montre dans le film. Les procès qui ont suivi ont été médiatisés eux aussi et les activistes condamnés d’ailleurs à de faibles peines, de 5 à 7 ans.

Le choix des acteurs

Arianne Ascaride et Simon Abkarian allaient de soi. J’ai d’ailleurs remercié Simon au générique parce qu’il a été d’une grande aide, presque comme un documentariste. Il fait vivre les traditions arméniennes : en effet, il danse très bien dans le film et c’est lui qui m’a fait découvrir les chansons que chantaient les Arméniens du Liban, plus violents qu’en Europe. L’actrice qui joue la grand-mère a pourtant refusé de chanter les paroles ‘ »tu boiras le sang des Turcs » parce qu’on n’est pas des vampires, elle l’a transformé en « tu feras couler le sang des Turcs ».

J’aime chez Grégoire Leprince-Ringet sa distance courtoise, aristocratique, qui ne le rendait pas sympathique et qui fait qu’on ne s’attache pas à lui tout de suite.

Mon Arménie et le combat pour la reconnaissance par les Turcs du génocide arménien

Les trois piliers constitutifs de l’arménité, ce sont la langue, l’église et la reconnaissance par la Turquie du génocide arménien. Le combat continuera tant que le génocide n’est pas reconnu. Il y a un travail à faire avec la société civile turque, mais ce n’est pas facile aujourd’hui d’un point de vue politique. Les choses bougent malgré tout ;  40 % des jeunes Turcs de moins de 30 ans voudraient que le gouvernement Turc fasse ce geste. Dans le monde entier, les Arméniens font pression de façon stratégique auprès de toutes les assemblées élues, qu’il s’agisse du Conseil de l’Europe, de l’état de Californie, ou même de mairies de petits villages.

J’ai déjà présenté mes films en Turquie, et j’espère que je pourrais y présenter UNE HISTOIRE DE FOU.

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