photo du film CAROL
© Wilson Webb / DCM

CAROL, quand l’image s’exprime le mieux

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CAROL, c’est l’histoire d’un amour caché et compliqué entre deux femmes dans le New York des années 1950. Entre Carol, femme distinguée et élégante, toujours impeccablement coiffée et maquillée, habillée de longues robes et de bijoux sublimes, mère de famille et épouse (en passe de divorcer), et Thérèse, une jeune employée d’un magasin de jouets. Sur le papier, une histoire d’amour traitée de manière presque classique, où se joueront les conventions et le regard des autres sur leur relation. Tout pour en faire le film à Oscar par excellence. A noter au passage les interprétations des deux actrices : Cate Blanchett, qui dégage quelque chose de dérangeant et de fascinant à la fois ; Rooney Mara, qui nous renvoie à une Audrey Hepburn silencieuse, avec cette frange, ses grands yeux et sa délicatesse forcément touchante. Seulement il y a quelque chose en plus dans CAROL. Une réalisation des plus intéressantes de la part de Todd Haynes, qui parvient à révéler au spectateur le caractère de ses personnages, leur psychologie, leurs émotions et au final l’évolution de leur relation, à travers l’image. Recherchant toujours le cadre parfait, étudiant avec minutie le placement et la direction de ses acteurs, le réalisateur offre un exemple de mise en scène maîtrisée. Analyse !

Photo du film CAROL
© Wilson Webb / DCM

 

Le champ / contre champ

Le premier élément frappant dans CAROL, est la manière qu’a Todd Haynes d’aborder le champ-contrechamp. Un élément cinématographique vu et revu, presque basique et qui ne varie que très rarement. Il consiste à filmer de face l’un des acteurs tout en gardant dans le cadre l’amorce de son opposant. En passant de l’un à l’autre par le montage il permet notamment de recréer le rythme d’une conversation. Ici, lorsque Carol et Thérèse parlent ensemble, ce fameux champ-contrechamp s’avère bien particulier. Cela dès leur premier tête-à-tête dans un restaurant, peu après leur rencontre. Si nous découvrons bien un personnage de face, cette fameuse amorce apparaît là bien plus imposante. Presque trop présente dans le cadre, de sorte que soit filmée (quasiment) de dos l’une des deux actrices. La caméra se plaçant derrière, davantage qu’à côté. Le tout laisse alors entrevoir une grande ouverture sur le côté, créée par un léger décadrage des personnages. La preuve en image :

Comme on peut le voir ici, les deux actrices sont placées sur le côté, véritablement en face l’une de l’autre. Par son placement de caméra, le réalisateur est même parfois à la limite de cacher le visage de l’une par la chevelure de sa camarade. Ainsi, Haynes enferme ses deux personnages dans LEUR monde. Comme dans une bulle, un aparté où elles pourraient « moins » cacher leurs sentiments. Cette grande ouverture sur le côté nous amène alors au monde réel, au monde conventionnel de l’époque où elles ne seraient pas acceptées. Un simple champ-contrechamp permet ainsi de révéler au spectateur, comme le mettant dans la confidence, ce qui se trame entre ces deux femmes. Mais cette séparation entre elles et le monde extérieur se retrouve même lorsqu’elles ne sont pas ensemble. Avant tout pour Thérèse qui découvre cette vie, tandis que pour Carol sa sexualité a déjà été révélée. A nouveau, seul le placement de caméra du réalisateur nous renvoie à cette idée d’isolation de Thérèse. C’est le cas avec les hommes qui pourraient la courtiser. Notamment un ami qui profitera d’une visite des locaux d’un journal avec Thérèse pour tenter de l’embrasser. Une vitre, placée entre la caméra et Thérèse permet de marquer une frontière entre elle et cet homme, bien que dans le même cadre. Une manière de renforcer la distance entre eux, impossible à combler. Cette utilisation des vitres (à plusieurs reprises dans le film), peut rappeler le travail remarquable du réalisateur Wong Kar-wai en ouverture de My Blueberry Nights. Ce dernier y séparait constamment ses deux protagonistes (interprétés par Nora Jones et Judd Law) l’un de l’autre, mais mettait également une distance entre sa caméra et les acteurs.

Photo du film CAROL
© Wilson Webb / DCM

 

L’isolation des acteurs

Une sensation étrange se dégage ainsi de CAROL. Car tout est question de séparation, où les mots ne servent finalement plus. Nous avons évoqué cet homme qui ne peut faire partie de la vie de Thérèse. C’est également le cas d’autres femmes (une inconnue qui l’aborde à une fête mais que le réalisateur cache par un élément du décor), puisque Thérèse voue un amour profond à une autre. Mais également avec Carol elle-même. Car s’il devient rapidement évident pour nous, spectateur, que leur amour est réciproque, le « passage à l’acte » sera bien plus complexe, bien plus long. Même si dans leurs regards chacune sait, à conscience des sentiments développés, elles ne peuvent pas encore franchir cette barrière et se toucher ou s’embrasser. A quelques rares moment elles seront amenées à entrer en contact physique (une main posée sur une épaule). Mais une forme de malaise ou une retenue est bien présente.

Le réalisateur repoussera ainsi merveilleusement leur passage à l’acte après avoir fait monter une tension palpable. Une approche qui bénéficie grandement à cette scène d’amour – peut-être la plus belle séquence du film. Avant cela, bien qu’on ressente une attraction puissante entre elles, des éléments viennent constamment les séparer ou les éloigner. C’est cet immense sapin, rangé à l’intérieur de la voiture de Carol, qui les empêche de se voir. C’est leurs positions dans le salon de Carol – Thérèse au piano, Carol l’observe de loin. C’est les éléments du décors, le jeu sur la profondeur et le sur-cadrage – des lignes imaginaires sont alors créées pour les séparer. Enfin, c’est l’utilisation d’accessoires, comme l’appareil photo de Thérèse – le regard que pose celle-ci sur Carol passant donc à travers un objectif.

Ainsi, le réalisateur utilise les regards de ses actrices pour nous parler et nous faire vivre cette histoire. Les dialogues n’ont alors presque plus d’importance puisque tout est dit par l’image. C’est d’ailleurs sur un regard qu’Haynes termine son œuvre. Après avoir refermé une boucle de manière judicieuse et forte de sens – la première scène du film se retrouvant à la fin est montrée sous un autre angle. Il parvient jusqu’au bout à traiter de ce sujet si fort en subtilité et en fait ressortir une émotion forte.
Tout est réfléchi et pertinent. Rien n’est gratuit. Derrière ce classicisme hollywoodien Todd Haynes élève son œuvre à un haut niveau et fait de CAROL une vraie leçon de cinéma.

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Titre original : Carol
Réalisation : Todd Haynes
Scénario : Phyllis Nagy, d’après Patricia Highsmith
Acteurs principaux : Cate Blanchett, Rooney Mara, Sarah Paulson, Kyle Chandler
Pays d’origine : Angleterre, U.S.A.
Sortie : 13 janvier 2016
Durée : 1h58min
Distributeur : UGC Distribution
Synopsis : Dans le New York des années 1950, Therese, jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d’un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle.

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