Photo du film FATAL GAMES
Crédits : D.R.

FATAL GAMES, ou la contre-culture du teen movie – Analyse

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Une — ou plusieurs — partie(s) de cet article parle de l’intrigue et en dévoile certains aspects. Il est donc vivement conseillé d’avoir vu le film avant de le lire. On vous a prévenu !

FATAL GAMES suit les aléas de la romance naissante entre Veronica Sawyer, membre malheureuse du groupe de filles populaires du lycée menée par Heather Chandler, et Jason Dean, dit J.D, un adolescent en proie aux fantasmes de violence les plus sombres, qui entraîna sa dulcinée dans sa folie meurtrière. Ces meurtres maquillés en suicide auront une répercussion sur l’ensemble du lycée, voir la ville entière.

Sorti en 1989 aux États-Unis, deux ans plus tard en France, FATAL GAMES, ou Heathers en V.O, est une comédie noire réalisée par Michael Lehmann, principalement réalisateur à la télévision. Écrit par Daniel Waters, le scénariste derrière le Batman Returns de Tim Burton quelques années plus tard, FATAL GAMES dénote des autres films pour adolescents de l’époque, le cynisme remplace la légèreté et les peines de cœur deviennent le nœud d’une intrigue impliquant une relation toxique de laquelle naissent des meurtres en série.

Pour l’anecdote, Daniel Waters, le scénariste du film, aurait souhaité confier la réalisation à Stanley Kubrick. Une idée qui n’a jamais vu le jour, mais qui aurait certainement pu donner lieu à un résultat intéressant.

Échec commercial à sa sortie, mais succès critique dès le départ, FATAL GAMES a pourtant acquit le titre de film culte au fil des années, notamment grâce aux ventes de VHS qui suivront, jusqu’à la naissance d’une comédie musicale encore d’actualité aujourd’hui. Pour comprendre ce résultat, il faut revenir sur la singularité de cet ovni dans le monde du film pour ados, une satire qui ne laisse pas indifférent.

Au commencement étaient les Heather

Le film introduit dès ses premières minutes une trope (ou récurrence scénaristique) souvent retrouvée dans les films pour adolescentes, dont le film Lolita Malgré Moi en est le parfait exemple : une lycéenne ordinaire, Veronica Sawyer, intègre malgré elle le trio de filles les plus populaires du lycée mené par Heather Chandler, qui donne également son prénom à ses deux autres amies, Heather Duke et Heather McNamara. Ces dernières sont des copies parfaites de l’originale, toujours là pour acquiescer et servir de support à leur leader. Chacune est cependant définie par un code couleur qui lui est propre, comme si cela suffisait à les différencier.

Le groupe évolue au cœur d’un lycée lambda, possédant là aussi les groupes usuels : des geeks marginaux, des punks anti-système, des sportifs qui ne pensent qu’à choper les filles les plus populaires en utilisant les mots les plus dégradants à leur encontre, et enfin les mean girls qui obligent Veronica à humilier une autre étudiante et lui refusent de véritables amitiés avec des camarades sincères dans leur bienveillance. Et en fond, les prémices d’une histoire d’amour, avec un bad boy qui tire des balles à blanc sur les sportifs du lycée après avoir essuyé leurs insultes.

Le film prend une autre tournure dès la première mort : celle de la queen bee elle-même, Heather Chandler, qui avait pourtant pris une grande place dans la narration dès les premiers temps du film. Cette mort par empoisonnement est rendue possible par la simple relation naissante entre deux ados. Veronica se rapproche de Jason au moment où Heather la rejette, il est l’unique personne avec laquelle elle peut se sentir libre de partager la frustration qu’elle concilie ordinairement dans son journal intime. Malgré une attraction évidente entre les deux, Heather et ses amies monopolisent une bonne partie de leurs conversations, et cela continuera après le meurtre de cette dernière, dans lequel Veronica sera embarquée malgré elle. Car Jason utilise sournoisement le rejet évident de Veronica pour son soi-disant groupe d’amies afin de passer à l’action, c’est ainsi qu’il peut trouver en elle la complice idéale pour assouvir ses pulsions. Pour couvrir ces meurtres, le classique maquillage en suicide qui n’est d’ordinaire qu’une façon parmi tant d’autres de dissimuler un meurtre, un détail usuel dans une histoire plus grande, devient ici le principal moteur du film : la vie étudiante ne s’articule plus qu’autour de la prévention de ces mêmes suicides, avec toutes les réactions ridicules qui l’accompagnent.

Les adultes, constamment à la ramasse

Le premier adulte à ouvrir le bal de l’incompétence est le père de Jason lui-même, ce dernier, en plus de l’obliger à constamment déménager pour son travail, est accro au sport et regarde régulièrement les vidéos des bâtiments qu’il fait détruire sans se soucier du fait que sa femme soit elle-même morte dans l’effondrement d’un immeuble. Jason lui-même dit qu’il n’a « jamais vraiment pensé à ce gars » et semble être davantage son colocataire que son fils.

Mais le père de Jason n’est pas le seul. Tous les adultes sont incompétents à leur manière : du policier saisissant l’arme du crime sur la scène de l’un des meurtres avec un bâton… avant de le prendre dans ses mains sans utiliser de gants (ce qui explique que les pistes des suicides soient si rapidement acceptés), le prêtre officiant à la cérémonie d’enterrement d’Heather Chandler essayant de paraître cool aux yeux des jeunes endeuillés. Les professeurs ne sont quant à eux jamais mesurés dans leurs réactions vis-à-vis du mal-être des élèves, entre les profs cyniques impressionnés par l’orthographe d’Heather Chandler sur sa note de suicide alors que celle-ci n’a jamais su orthographier certains mots correctement (ce qui ne met la puce à l’oreille de personne), et les professeurs trop passionnés, presque théâtrales dans leur manière d’approcher la problématique, aucun ne semble pouvoir apporter de réponse à l’apparente épidémie de suicide en cours. Particulièrement Miss Flamming et sa fameuse phrase « décider de se donner la mort ou non est l’une des plus importantes décisions qu’un adolescent puisse prendre ». Cette dernière passe également la note de ‘suicide’ d’Heather Chandler à la classe entière pour que tous puissent lire la ‘beauté pathétique’ de ses derniers mots, et cela sans se soucier du manque de respect pour la vie privée de l’étudiante décédée, car obnubilée par l’idée de sauver les autres élèves de leurs idées noires.

Les parents de Veronica se trouvent tout aussi désintéressés par le mal-être adolescent, réagissant à l’épidémie de suicide au lycée de leur fille en lui demandant où elle se trouve sur la vidéo de prévention. Dans une autre scène où la mère de Veronica fait face au suicide apparent de sa fille, cette dernière lui dit regretter sa décision de ne pas la laisser prendre un travail au centre commercial, comme si cela suffisait à expliquer le geste de sa fille. Le fait d’être mise face à la mise en scène de la mort de sa fille ne lui faire toujours pas prendre conscience des causes profondes du mal-être des jeunes, et voit en cet acte, un acte impulsif face à des problématiques peu importantes, car venant d’une jeunesse qui n’a pas de véritable problème.

Le suicide comme moyen de popularité

Les élèves ne cherchent quant à eux pas à expliquer ces disparitions mystérieuses et semblent au contraire peu perturbés au premier abord par la première disparition de leur camarade, alors que certains se demandent s’ils auront une interro sur la lettre de suicide, d’autres, comme Peter Dawson, se rassure en blâmant la soi-disant dépression d’Heather Chandler pour expliquer pourquoi il a été rejeté par elle.

Au cours des hommages devant le cercueil ouvert d’Heather Chandler également, seule Heather McNamara montre une véritable compassion pour elle (si on oublie le fait qu’elle se recoiffe avec de l’eau bénite par la suite). Seul dans leurs pensées, le sportif, Ram Sweeney, reste dégradant envers elle, Heather Duke se réjouit de sa mort, Veronica culpabilise et pense d’abord à sa quête personnelle de rendre le lycée plus vivable, et Peter souhaite égoïstement que cela ne lui arrive jamais. Ce cynisme atteint son apogée lorsque les chaînes de télévision demandent à ceux qui ont réagit platement à la mort d’Heather Chandler de parler d’elle. Ces derniers se confondent alors en hommage, Heather Duke particulièrement, celle qui a pourtant été libérée par la mort d’Heather Chandler, s’expose à la télévision en prétendant qu’elle lui manque, tout comme ses autres camarades de classe, un parallèle criant de vérité sur ces hommages publiques aux disparus, dans lesquels personne ne dira jamais rien de désobligeant envers un disparu, et qu’une personne décédée, peu importe sa personnalité, sera toujours exceptionnelle une fois morte.

Pour l’autre moitié de la population cependant, la perception est différente. Car bien que personne ne trouve cette mort suspecte et que son maquillage n’est que trop facile, Heather Chandler devient une figure tragique après sa mort, et ceux qui ne l’appréciaient pas rendent alors hommage à une personnalité qu’ils croient désormais plus profonde qu’ils ne l’auraient cru, et ce grâce à la fausse lettre de suicide écrite par Veronica. Veronica elle-même n’arrive pas à se débarrasser d’Heather Chandler et de son obsession envers elle, à l’image du Rebecca d’Hitchock, cette dernière hante toujours les mémoires, et continue d’occuper la trame narrative par la simple évocation de son nom. C’est dans la mort qu’Heather Chandler devient la plus encombrante, jusqu’à hanter les rêves de Veronica.

Paradoxalement, c’est également la prévention à outrance du suicide qui pousse une camarade de Veronica, Martha Dunnstock, à tenter de se suicider elle-même, scène mise en parallèle avec une discussion entre Veronica et ses parents, qui se termine par un dialogue de sourd sur la souffrance de la jeunesse. La tentative de suicide de Martha est alors vue comme une envie pour elle de devenir ‘aussi cool’ que les autres élèves morts, et son échec est présenté comme une preuve qu’elle ne sera jamais à leur hauteur. Le suicide, au lieu d’agiter les consciences et réveiller les esprits, devient un phénomène de mode comme un autre, qui touche avant tous ceux suffisamment cool pour réussir leur mort, et demeurer dans les mémoires après leur disparition.

Les Heather, pas si uniformes

Veronica n’est pas l’unique victime du comportement d’Heather Chandler. Heather Duke semble être le principal souffre-douleur de cette dernière, et ce bien que le film nous porte d’abord à croire dès sa scène d’ouverture qu’il s’agit de Veronica, qui sera d’ailleurs l’unique amie qu’elle emmènera en soirée avec elle avant la fameuse dispute qui entraînera sa mort le lendemain.

La mort d’Heather Chandler donne à Heather Duke plus de place au sein du lycée, elle ne vomit plus ses repas, et prend confiance en elle, jusqu’au point de se faire convaincre par J.D de prendre sa place en portant son chouchou rouge, puis d’abandonner ses couleurs vertes pour une tenue aux couleurs de sa camarade décédée. Encore une fois, comme si Heather Chandler n’était jamais morte, Heather Duke prend son apparence, et ne reprend d’ailleurs jamais son véritable prénom, rendant ainsi immortelle la camarade dont elle se croyait libérée de l’influence. Comme un clin d’œil avant sa disparition, Heather Chandler lui dit qu’elle « veut prendre le rouge » durant une partie de croquet, alors qu’elle lui rappelle qu’elle sera toujours la rouge. Comme Heather Duke le déclare à Veronica, si elle se révèle aussi néfaste que sa prédécesseure et que sa personnalité devient aussi nocive que la sienne au fur et à mesure de l’intrigue, c’est « parce qu’elle le peut », signifiant qu’elle n’était sans doute pas si inoffensive que cela depuis le départ, et qu’Heather Chandler l’empêchait seulement de se révéler.

Heather McNamara est bien différente, à un détail près. Bien qu’elle soit consciente qu’il ne s’agit pas de son véritable prénom, Heather McNamara s’introduit comme étant Heather lors d’un passage à la radio, avant d’essayer de se trouver un autre nom pour tenter de conserver son anonymat. Elle fait le choix de prendre le nom d’un oiseau gardé en gage dans sa chambre, un choix loin d’être anodin, et qui traduit son sentiment d’enfermement au sein de cases qui ne lui correspondent pas. D’ailleurs, on ne connaîtra jamais le véritable nom des Heather qui resteront tout le long du film, des prolongations d’Heather Chandler.

McNamara, contrairement à Duke, se libère guère de ses chaînes suit à la mort d’Heather, elle continue d’accepter d’évoluer en suivant des règles injustes, allant jusqu’à nier l’agression sexuelle dont elle est victime par Ram en prétendant que le rapport était consenti, sans doute pour ne faire aucune vagues. Elle finit même par se blâmer après sa mort, pensant que c’est elle qui lui a porté malheur. Ce déni peut être mis en parallèle avec l’hommage qu’elle rendra à Heather Chandler sur son lit de mort, qu’elle pleurera sincèrement en continuant d’accepter toute la toxicité découlant de son quotidien construit autour de sa camarade, jusqu’à l’explosion. La nouvelle Heather, Heather Duke, se servira de ses confessions à la radio contre elle, et toutes les préventions contre le suicide mis en place par les adultes n’empêcheront pas les moqueries à l’encontre d’Heather McNamara, ni sa tentative de suicide. Comme si effectivement, le fait d’en parler à outrance mènera les ados, non pas à reconsidérer le suicide comme une option à bannir, mais plutôt comme la première option à leurs problèmes. En montrant ses fragilités, et en exposant ses peines, Heather McNamara devient la cible de malveillance, et alors qu’on aurait pu croire que la sensibilisation de ses camarades au sujet des suicides et les nombreux disparus les auraient aidés à changer d’avis, aucun comportement n’évolue, et la vie suit son cours comme si aucun événement tragique ne s’était produit. C’est paradoxalement ainsi, en se montrant sincère et vulnérable pour la première fois du film, qu’Heather McNamara se rapproche réellement de Veronica. Si les soutiens de McNamara l’ont délaissé, et que les faux amis ont montré leur vrai visage, ce sont de véritables relations qui ont été gagnées en retour, bien que plus réduite, mais sincères.

L’innocence de Veronica remise en doute

La question de la naïveté de Veronica au sujet des meurtres de J.D peut se poser, alors que le premier soi-disant prank a tué Heather Chandler, elle continue de croire en la bonne volonté de Jason de ‘piéger’ innocemment les sportifs du lycée, qu’ils tueront pourtant ensemble. Elle ne se dénoncera pas non plus pour le meurtre d’Heather Chandler et se montrera au contraire de jalouse vis-à-vis de la soudaine popularité de ses victimes, du fait qu’Heather ait gagné de la profondeur, et les deux sportifs morts aient gagné une âme et un cerveau, suite aux fausses lettres de suicide. Veronica est tellement indifférente à ceux qui gravitent autour d’elle qu’elle ne réagit pas lorsque Ram agresse sexuellement Heather McNamara lors d’un double rendez-vous. Elle ne réagit qu’aux rumeurs propagées à son encontre par son camarade Kurt Kelly suite à cette soirée. Elle ne fait rien pour venger l’agression de son amie, et c’est elle qui tue Kurt, celui qui a menti à son encontre, pas l’agresseur d’Heather McNamara, qu’elle laissera à J.D. Plusieurs minutes plus tard, alors que J.D et elle s’embrassent dans une voiture à proximité de la scène de crime suite au meurtre des sportifs pour éviter tout soupçon des forces de l’ordre à leur égard, elle participe néanmoins à la prolongation du baiser après le départ de la police, pas perturbée plus que ça par ce double crime.

Bien qu’il puisse s’agir d’une tentative de manipulation de sa part, Jason signifie lui-même à Veronica avoir remarqué que son comportement semble hypocrite vis-à-vis des meurtres, et qu’elle ne souhaite pas se confronter à ses propres noirceurs en rejetant constamment le blâme sur celui qu’elle a pourtant décidé de suivre dans cette série de meurtres. Elle rit d’ailleurs aux funérailles des deux sportifs, mais reprend ses esprits face au visage larmoyant d’une petite fille.

Veronica évolue cependant vers la rédemption à mesure que le temps passe, en tentant de mettre hors d’état de nuire le monstre qu’elle a pourtant aidé à créer. À la fin du film, débarrassée de J.D, elle reprend le chouchou rouge d’Heather Chandler, pour en faire quelque chose de meilleur, et revient voir Martha, la camarade qu’elle a aidé à harceler au début du film, en se montrant avenante avec elle, comme pour boucler la boucle. Cependant, il est intéressant de noter que Veronica garde tout de même la couleur qu’il lui a été assignée, le bleu, tout au long du film, et ce même une fois libérée des Heather et de leurs codes. Comme un signe discret que les règles de la Heather originale résonnent toujours en elle. Et ce malgré le fait qu’elle a toujours tenu à présenter son individualité à ses autres camarades. Lorsque J.D lui demande « Tu es une Heather ? » elle lui répond : « Non, je suis une Veronica Sawyer. » Ou peut-être aime-t-elle simplement la couleur.

Des relations toxiques et des héros incapables

Le film ne se contente cependant pas de critiquer un monde adulte qui ne comprend rien à la jeunesse, car il place en réalité toutes les parties au même niveau : J.D qui veut détruire toute l’école finit par se détruire lui-même, les sportifs et leur homophobie latente sont transformés en victimes d’un amour homosexuel pour maquiller leur assassinat. Au final, l’happy ending revient à Veronica et à Heather McNamara, qui acceptent de s’émanciper d’une situation et de prises de décisions qui ne leur ressemblaient pas après avoir mis toutes deux leur vie en danger.

La représentation de l’amour n’est faite que de tragédie et de violence. La violente dispute de Veronica et J.D dans la voiture suite aux meurtres des sportifs est décrit comme une représentation du young love ou amour de jeunesse, par Heather Duke. Un commentaire qui intervient quelques secondes après que Veronica se soit brûlé la main pour que son petit ami allume sa cigarette, bien consciente de son comportement ‘stupide’ à son égard.

La mère de J.D s’est suicidée sous les yeux de son fils, tuée par l’explosion d’un bâtiment dont s’est occupé son père, un suicide dont les deux hommes ne parlent jamais entre deux vidéos de destruction de bâtiment.

Heather McNamara est victime d’un viol lors d’un rendez-vous ‘amoureux’. En parlant de date rape (ou viol durant les rendez-vous amoureux), Jason en fait mention lors d’une discussion avec Veronica peu de temps après que cela soit arrivé à Heather McNamara. Démontrant qu’ils étaient conscients tous les deux de la laisser à son sort sans jamais songer à lui venir en aide.

La relation entre J.D et Veronica, brillamment porté par les acteurs Winona Ryder et Christian Slater dont la carrière n’a à ce moment pas encore totalement démarré, cristallise cette toxicité. J.D utilise Veronica pour trouver ses cibles et avoir quelqu’un avec qui tuer, la plaçant au rang d’outil, qui, une fois qu’elle ne lui ait plus d’utilité, mérite de disparaître, comme les autres. Quand la lycéenne met en scène son suicide et qu’il la pense morte, il lui explose tout de même son plan final pour détruire le lycée, et réagit avec elle de la même manière qu’il agissait lorsqu’elle était vivante. Au final, peu importe qu’elle le suive ou l’écoute, Veronica reste son obsession car elle est la seule avec qui il peut tuer, et ses réactions n’ont aucune importance à ses yeux. Cette dualité s’expose dans ses paroles, lorsqu’il enchaîne le « je t’aime. » et le « je suis venu te tuer. » dans la même phrase.

Ultimement, Jason utilise les suicides pour essayer de commettre un meurtre de masse, en faisant exploser le lycée, comme son père explose les immeubles. Ses motivations sont classiques, un garçon pas en phase avec une société qu’il trouve mauvaise, avec une école qui est à son image. Il le signifie en disant que « l’école est la société », et jeunes comme plus âgés sont ainsi placés sur le même pied d’égalité. La jeunesse étant condamnée à ses yeux, malgré son apparente différence avec le monde adulte, à devenir comme eux.

Lors de son affrontement final avec Veronica, il embrasse cette dernière de force alors qu’ils se battent à mort. Ce sera la deuxième fois qu’il l’embrassera contre sa volonté. Aucun des baisers qu’ils échangeront tout au long du film ne sera alors sincèrement romantique, si on exclut celui échangé lors de leur première fois ensemble.

Cette amour toxique rejaillit lors des dernières paroles de J.D à Veronica. Blessé par sa belle, ce dernier lui signifie qu’elle a « plus de pouvoir » qu’il ne le pensait, comme s’il avait commencé à la respecter après qu’elle ait manqué de le tuer, et que ce n’est qu’à travers la violence qu’il peut l’apprécier, et véritablement l’aimer.

Au final, J.D meurt en se faisant exploser, comme sa mère avant lui, comme si le suicide qu’il souhaitait le plus au final était le sien après avoir compris que toute une société était impossible à tuer, et qu’il serait plus facile d’être celui qui part. C’est à ce moment que Veronica lui sourit à nouveau sincèrement, et lui aussi, depuis leur rupture. Une histoire d’amour toxique qui finit comme elle a commencé, de manière explosive

Des dialogues et musiques faits pour devenir cultes

En tant que comédie noire, les dialogues de FATAL GAMES sont ciselés, construits pour faire mouche et implanter ses phrases cultes dans la mémoire collective. L’ironie constante du film le transforme en ce qui semble être un long fever dream (un rêve étrange et presque trop réel) dans une réalité qui semble être parallèle à la nôtre en exposant si grossièrement ses côtés les plus sombres, ses contradictions, et ses hypocrisies. Les réactions de quasi tous les personnages sont étranges à un moment ou à un autre et à souvent côté de la plaque, donnant lieu à des phrases qui ne collent pas à la réalité des situations, ou montrent l’absurdité de ces dernières : « Je vais devoir envoyer mes bulletins de notes à San Quentin au lieu de Stanford. » (I’m gonna have to send my SAT scores to San Quentin instead of Stanford) « J’aime mon fils gay mort. » (I love my dead gay son), « Le suicide est une chose privée. » (suicide is a private thing) Les derniers mots d’Heather sont eux-mêmes sortis de nulle part : « Maïs grillé. » (corn nuts). Une référence au fait qu’elle avait demandé à Veronica d’en apporter à la fête à laquelle elle l’avait invité.

La voix off de Veronica écrivant dans son journal n’est pas en reste, car elle est aussi pleine de cynisme et de phrases percutantes : « My teenage angst bullshit has a body count. » (qui n’a pas d’équivalent en français mais pourrait être traduit par « Ma connerie d’anxiété d’adolescente a maintenant un nombre de victimes. »).

Côté musique, deux chansons dénotent et donnent leur ton au film : « Que sera, sera (Whatever Will Be, Will Be) » qui ouvre le film, et « Teenage suicide, Don’t do it », la chanson satyrique qui touche au thème principal de l’œuvre.

FATAL GAMES est donc un ovni difficilement oubliable une fois qu’on l’a visionné. Qu’on l’aime ou pas, ce film étrange, à la frontière d’un Twilight Zone, demeure cependant d’actualité dans l’hypocrisie liée à nos rapports aux autres. Concerné ou non, chaque personnage garde une part d’égoïsme, de stupidité par rapport à autrui, et cet aveuglement quant à la détresse des autres peut en mènera d’autres à vouloir se tuer soi-même, ou tuer les autres. Même une fois sensibilisés, les beaux discours sont très vite remplacés par les bonnes vieilles habitudes qui ne changent jamais, peu importe les générations, des générations qui ont bien du mal à se comprendre car elles se pensent si différentes, alors qu’elles sont pourtant si semblables sur bien des points.

Kimberley SANSON

Auteur·rice

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