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legally blonde h 2016 - LA REVANCHE D'UNE BLONDE, avant Barbie, il y avait Elle - Analyse
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LA REVANCHE D’UNE BLONDE, avant Barbie, il y avait Elle – Analyse

LA REVANCHE D’UNE BLONDE est une comédie romantique sortie en 2001. Réalisé par l’australien Robert Luketic, dont la cinématographie est jonchée de différentes autres comédies plus oubliables, LA REVANCHE D’UNE BLONDE est aujourd’hui considéré comme un film culte, et cela en grande partie grâce à son personnage, Elle, brillamment portée par l’actrice Reese Witherspoon. Un succès mondial qui donnera naissance à une comédie musicale ainsi qu’à plusieurs suites. Face au succès du film Barbie réalisé par Greta Gerwig, force est de constater que le cinéma sourit aux blondes. Mais en dehors de son succès commercial, LA REVANCHE D’UNE BLONDE mériterait que l’on analyse d’un peu plus près son intrigue, plus complexe, et ses personnages, plus nuancés qu’on pourrait le penser au premier abord.

Un début qui ne surprend pas

L’un des rôles qui a lancé la carrière de Reese Witherspoon, LA REVANCHE D’UNE BLONDE, présente une héroïne, Elle, qui semble en tout point semblable à la célèbre poupée : blonde, belle, jeune, riche, et toute en rose, hyper féminine jusqu’au bout des ongles, elle est tout aussi souriante, presque écervelée au premier abord. Son monde si coloré s’écroule à cause d’un garçon, son petit ami Warner, qui ne la trouve pas suffisamment intelligente pour se tenir à ses côtés alors qu’il s’apprête à entrer au sein de la prestigieuse université d’Harvard afin d’y suivre des études de droit. Alors, Elle va se battre, pour cet homme, elle va étudier durement, et changer son style pour paraître plus studieuse, devenir quelqu’un d’autre et se vouer à un destin grandiose pour l’homme de sa vie.

C’est ce que nous promet ce film qui commence d’ailleurs par un montage de morning routine au cœur de la sororité Delta Nu, si cher aux comédies qui sentent bon les années 90 à 2000, sur fond de musique girly, et noms de l’équipe technique écrit avec un cœur sur les « i ». Présage d’un film léger, dont le public cible se concentre sur les jeunes filles et jeunes femmes. Un public sans doute à la recherche d’un peu de rêve en se plongeant dans la vie idyllique d’une autre jeune femme qui sera plus tard amenée à rencontrer un autre monde toute aussi privilégiée que le sien, mais aux codes différents.

Le contraste entre ces deux mondes élitistes et pourtant si différents l’un de l’autre se produit avant même qu’Elle n’entre à Harvard : entre ces hommes en costume sombre et la figure colorée de cette étudiante qui apparaît sur un écran télévision lorsqu’elle tente de les convaincre de l’accepter au sein du prestigieux établissement à grand renfort de film promotionnel de sa personne. Ce contraste se reproduit dès sa rentrée à Harvard, lorsqu’Elle découvre que chaque étudiant et professeur semble sorti tout d’un dark academia, cet esthétique mêlant vieilles pierres, études, et une atmosphère lourde, à la limite de l’horrifique. Il n’y a guère qu’Elle pour apporter de la couleur à ce gris, de par une personnalité tout aussi colorée que ses choix vestimentaires, toute de rose vêtue.

La promesse de ce film des années 90 ne semble donc pas sortir de l’ordinaire. Comédie romantique classique, on accumule les clichés et les déconvenues lambdas au cours des premières minutes, et on y installe une atmosphère comme on a si souvent l’habitude d’en voir. Un film agréable, mais pas transcendant, divertissant, sans être une leçon de vie inoubliable. Mais LA REVANCHE D’UNE BLONDE surprend de par sa volonté de nous immerger dans une histoire que l’on pense convenue, pour mieux déconstruire toutes les facettes du film grand public. Une fable bien plus subtile qu’il n’y paraît.

Une héroïne attachante

Elle se révèle tout au long de l’intrigue au détour de détails subtils qui mettent en lumière une personnalité attachante. Elle est en effet la seule à mettre de l’humanité dans sa présentation, alors que les autres étudiants qu’elle rencontre au début de son semestre se vantent de leurs accomplissements académiques, elle se présente en tant que végétarienne gémeaux, comme son chien, et donc principalement en tant que personne, avant de mettre en avant ses différentes consécrations. Petite fille pourrie gâtée, elle rencontre pourtant une véritable amie au salon d’esthétique dans lequel elle se réfugie suite à une énième peine de cœur. Elle se laisse conseiller par Paulette, cette femme à la vie chaotique, pas très diplômée, sans le mépris de classe dont on pourrait s’attendre venant d’une jeune femme à la vie si privilégiée et superficielle. Car Elle est pure dans sa naïveté, elle ne méprise ni ce groupe de nerd qu’une fille de sororité devrait pourtant juger, et ne fait rien pour se venger de Vivien, la nouvelle petite amie de son ex, y compris après les diverses humiliations qu’elle subira. Elle se découvre une véritable passion pour la justice en avouant fièrement souhaiter défendre les innocents et faire le bien face aux rires cyniques des autres futurs avocats. Lors de sa première affaire, elle promet de garder le secret de sa cliente malgré l’atout considérable que cela représente pour sa défense. Et la première scène nous introduisant la progression d’Elle dans ses études et ses premiers résultats concrets en la matière se concentre sur le sauvetage du chien de Paulette.

Des clichés mis à l’épreuve… mais pas tout le temps

Plusieurs clichés se succèdent pour mieux se déconstruire : d’abord, celui de la blonde devenue subitement si sérieuse en abandonnant son style trop superficiel en plaçant une paire de lunettes sur son nez comme pour s’offrir davantage de matière grise ne dure pas. Elle retrouve rapidement les vêtements qui épousent sa personnalité, pour ne plus jamais les lâcher par la suite. La rivalité amoureuse entre filles ne fait pas long feu non plus. Bien que cette dernière s’implante dès la rencontre entre l’ex et l’actuelle fiancée de Warner, c’est autour du rejet de ce même homme que les deux femmes se rapprochent, comprenant que son attitude méprisante envers ses petites amies est générale et non lié à un type de femme en particulier. Warner distille en effet tout autant de mépris pour Vivien que pour Elle tout au long du film, et il est tout de même jouissif d’observer les personnages s’en rendre compte tout autant que le spectateur. Matthew Davis joue ici une personne qui n’est pas le grand méchant, mais un homme imbu de lui-même, sans réel pouvoir de nuire, mais un personnage suffisamment toxique pour mieux briller au détriment de ceux qui l’entoure. Un personnage comme on peut en rencontrer beaucoup dans la vraie vie, et non un antagoniste prompt aux plus villes perfidies. Selma Blair est également très convaincante dans son rôle de peste repentie, et devient un personnage prêt à la remise en question, et ce malgré un manque de scène forte entre les deux femmes, particulièrement vers la fin du film, qui laisse un goût d’inachevé.

La vieille marâtre, la première professeure à l’humilier en cours, devient le support dont Elle a besoin pour remonter la pente et continuer à se battre. Les amies d’Elle sont la superficialité même, et comme tout groupe d’amies superficielles issu d’une sororité dans une comédie des années 90 à 2000, on pourrait s’attendre à ce que l’une complote dans le dos de l’autre. Mais Margot et Serena sont sincères dans leur envie de la soutenir, et demeurent également sincèrement heureuses pour Elle dans chaque étape de son succès.

Elle n’abandonne jamais ce qui fait d’elle ce qu’elle est : sa féminité exacerbée. Elle révise au salon d’esthétique, elle travaille sur un ordinateur rose, et lie en permanence deux mondes que tout oppose. Elle n’est jamais autant elle-même que lorsqu’elle décide, non pas seulement de se reposer sur les connaissances acquises à Harvard, mais également sur sa propre expérience personnelle. La cliente qu’elle défend en procès, Brooke Taylor, lui déclare d’ailleurs qu’elle est la seule à avoir un cerveau parmi tous les autres avocats qui lui viennent en aide, car Elle, dans toute sa naïveté, possède quelque chose que les autres étudiants d’Harvard n’ont pas : une vision précise d’un monde qu’eux ne connaissent pas. C’est en ayant en tête les code de la sororité Delta Nu qu’Elle peut croire en la sincérité de sa cliente, c’est en ayant des connaissances bien triviales sur la permanente et ses conditions d’application qu’elle remporte son procès, tout comme elle démontre ses capacités à répondre à la manipulation à travers ses connaissances en mode lorsqu’une propriétaire de magasin de mode essaie de lui vendre une robe plus chère. Tout autant de connaissances méprisées par les intellectuels, mais qui deviennent rapidement les seules solutions pour débloquer les différentes situations auxquelles la jeune femme est confrontée.

Néanmoins, il serait faux d’affirmer que LA REVANCHE D’UNE BLONDE est un film débarrassé de toute lourdeur. Le film reste une comédie qui s’abreuve de clichés pour ses effets comiques les plus faciles. Elle gagne en effet en partie son procès en reconnaissant l’homosexualité d’un homme à travers son goût exacerbé pour la mode. Le coiffeur du salon d’esthétique, également, n’apparaît que quelques secondes, et son apparition n’a que pour unique but d’exhiber une caricature assez grossière.

Dans la même veine, certains personnages restent quasi absents de l’intrigue. Elle n’interagit quasi jamais avec celui qui viendra pourtant l’aider à mener à bien son procès, Dorky, tout comme elle n’échange que quelques phrases avec Enid, l’une des étudiantes qu’elle rencontre au tout début de son semestre. Au-delà d’être eux-mêmes des archétypes particuliers d’étudiants d’Harvard, entre la féministe libérale et le coincé passant sa vie le nez dans ses bouquins, ces derniers n’apportent que très peu à l’histoire mis à part le fait d’être identifiables par un seul et unique trait. Seul Dorky joue le rôle du Deus Ex Machina à un point clef de l’intrigue, et on pourrait se demander si ses interactions si courtes avec Elle ne servent pas à justifier son intervention à ce moment précis.

Des problématiques actuelles

Le principal nœud de l’intrigue s’articule autour d’un amour contrarié : l’homme qu’Elle aime la méprise ouvertement, il apprécie ses charmes, mais cela s’arrête là. L’une de ses justifications est qu’il a besoin « d’une Jackie, pas d’une Marylin » pour son futur professionnel, et qu’Elle ne sera par conséquent jamais à la hauteur à ses yeux. Cette comparaison pourrait d’ailleurs être vue comme une envie de déconstruire la figure de la « blonde idiote » (comme l’appelle la propriétaire du magasin de vêtement au début de l’intrigue) en créant un miroir avec la figure tragique d’une actrice bien moins sotte et dont la figure a tout récemment été réhabilitée à travers de nombreux documentaires. Le costume que porte Elle dans le second opus, fortement inspiré de celui de Jackie Kennedy, tout en rose, semble être un clin d’œil à cette phrase qui joint les deux mondes ensemble, et traduit sans doute la volonté de démontrer les multiples facettes d’une femme qui n’est ni le cliché de l’une, ni de l’autre, mais une personne complexe, un être humain en somme.

Pourtant, le film met en lumière une multitude de problématiques bien plus actuelles, et moins légères qu’une simple amourette qui tourne mal. Elle est en effet rapidement confrontée au pire du monde professionnel, à travers son professeur qui l’accepte dans le groupe d’étudiants qui l’assistera durant son procès en grande partie en attendant d’elle des faveurs sexuelles. Cette proposition induira ensuite un syndrome de l’imposteur chez une jeune femme qui doute déjà de ses propres capacités. Elle est également blâmée par Vivien, et la proposition indécente devient de la « promotion canapé » aux yeux d’une camarade qui ne tente même pas d’écouter la version des faits de la principale concernée. Grâce à son camarade Luke cependant, qui la croit, Elle revient plus forte que jamais, et remplace celui qui, en plus d’avoir tenté de voler sa dignité, vole son travail et celui de tous ses étudiants. C’est sans doute lui, la figure du véritable antagoniste, un homme qui détient le pouvoir de briser les vies de ceux dont il a la responsabilité, une figure, là aussi trop actuelle et répandue pour être une exception. Callahan, tout comme Warner, est un archétype qui ne relève pas du monstre qui s’est exclue du genre humain, mais un homme qui use et abuse de son pouvoir comme trop l’ont fait ou le feront avant ou après lui, une figure que Warner pourrait devenir, si lui aussi détenait les mêmes ressources.

Dernier point significatif, celui de l’idée d’une beauté déjà inatteignable à travers le mensonge de Brooke, elle-même plus adepte de chirurgie que des méthodes naturelles qu’elle vend pourtant à des femmes incrédules pour perdre du poids.

Un happy ever after… pour une relation saine

Comédie romantique oblige, la love story est bien présente, mais elle se dévoile surtout à travers une relation saine. Son camarade d’Harvard, Luke est gentil, et ce n’est pas un défaut. Pas de bad boy, pas de slow burn, mais une bienveillance envers Elle et des conseils prodigués sans jugements. Il voit son potentiel sans rien attendre d’elle en retour, il la croit et la défend face à un supérieur qui tente d’abuser de sa position envers elle. Ce qui commence au départ par une comédie romantique classique se termine, certes par la formation d’un couple, mais pas des moindres. Elle se rend compte de sa valeur, et elle n’accepte l’amour que de celui qui croit en elle et en ses ambitions, la véritable romance ne se développe également réellement qu’à la dernière demi-heure, sans flirte ou moment intime, et n’empiète donc pas sur les autres propos du film, et surtout sur son sujet central : une jeune femme qui tente de trouver sa place dans le monde, entre mépris et manipulation, mais également avec le soutien de ceux qui voient son potentiel.

Un Barbie dans la nuance

Au-delà de son intrigue, le film est également servi par l’écriture des dialogues et ses nombreuses punchlines qui ont en partie contribué à l’aura du film et à sa classification au rang de film culte. La B.O. est un mélange de titres pop et entraînant, « Watch Me Shine » est aussi motivante que « Dance The Night Away », et le « Bend and Snap » reste une scène incontournable lorsque l’on parle du premier opus.

Elle qui commence par un stéréotype devient (peut-être a-t-elle toujours été) un personnage sensible et conscient de ce qui l’entoure, et surtout, un personnage qui ne revient pas sur l’amour qu’elle porte à ces choses de fille qu’on peut penser si trivial. Elle est sans doute la Barbie originelle, gagnant sa liberté de choix et d’action sans se débarrasser de cette féminité qui soi-disant la rendrait moins crédible. Elle adore le rose et elle ne s’en cache pas, et elle ne délaisse pas sa couleur fétiche au fur et à mesure qu’elle gagne en intelligence et en expérience.

Comme dans Barbie, d’ailleurs, le film regorge de figures féminines : la juge est une femme, les journalistes aussi, sa professeure principale également. Ces détails distillés tout au cours de l’intrigue sont visibles sans qu’ils ne soient pointé du doigt, sans grand discours. Elles sont là, elles existent, et c’est tout. Pas besoin de plus.

Plus nuancé, moins gros sabots que Barbie sur ses thèmes principaux, LA REVANCHE D’UNE BLONDE est une comédie romantique sans prétention, évidemment pas à la hauteur d’un film d’auteur, mais étonnamment actuel et plus profond que le laissent croire son introduction. Un film qui se laisse regarder facilement, et qui réussit son parti de divertir sans demeurer creux.

Kimberley Sanson

Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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