1 - KAAMELOTT – PREMIER VOLET, les raisons d'un succès - Analyse
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KAAMELOTT – PREMIER VOLET, les raisons d’un succès – Analyse

Un million de spectateurs en une semaine malgré la crise, un succès public et critique total : le roi Arthur a vaincu la crise sanitaire et a réussi avec brio le périlleux passage vers le grand écran. Loin d’être une formalité, ce succès s’explique avant tout par les choix forts opérés par son créateur, Alexandre Astier. Explications (qui ne trient pas les lentilles).

La fluidité du récit

Répondre aux attentes d’une fan-base aux exigences quasi-totalitaires tout en édifiant une entrée propice à n’importe quel néophyte insensible à la série, la mission semblait impossible. Pourtant, KAAMELOTT – PREMIER VOLET détonne par son caractère protéiforme. Astier s’égare hors des sentiers battus, en créant un habile compromis entre référentiel empli de clins d’œil au support d’origine et approche captivante dans un univers clivant. Le metteur en scène évite les erreurs de ses prédécesseurs, ayant dû orchestrer le retour d’une saga culte, ancrée dans les mœurs. Là où beaucoup se sont contentés d’ouvrir des brèches, de jouer sur une forme de suspens latent (on pense au premier volet de la dernière trilogie Star Wars), Astier ne pose aucune question sans y répondre et propose une intrigue cohérente, abordable : le retour d’un roi vers son trône. Ce prétexte aux contours fallacieux fait en réalité du metteur en scène le pourvoyeur d’un divertissement grand public, qui ressuscite chacune des figures emblématiques de la série tout en jouant avec de subtils rebondissements, attrayants et rythmés. Une maîtrise totale, qui vient confirmer les qualités entrevues dans les adaptations des aventures d’Astérix.

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L’équilibre des genres

Reconnu pour l’absurdité de ses dialogues et de ses personnages, Kaamelott est avant tout le récit d’une tragédie, l’échec d’un régime politique après son apogée. L’embrasement de la table ronde et le coup d’état de Lancelot parachevaient l’épilogue d’une mythologie longue de quatre ans. Le film trouve une continuité réjouissante entre le sous-texte tragique inhérent à l’histoire des chevaliers et un comique de situation pleinement réinvesti. On saisit toute la gravité entourant le personnage d’Arthur dès cette contre-plongée initiale, où, le regard figé devant un insecte, le roi sortant présente des traits marqués par l’âge et le temps passé loin de ses terres. Il est tout aussi réjouissant d’assister, quelques minutes plus tard, à un dialogue lunaire où, lors d’un contrôle douanier, Arthur et consort se livrent à une joute d’insultes, l’arrestation en ligne de mire. Là où le format de la série devenait un entonnoir pour son créateur, le support du film permet d’explorer d’autres pistes. S’immiscent ainsi au sein du récit de très belles idées de mise en scène, de cette séquence bressonienne où Arthur ne gravite plus autour de la fenêtre mais la franchit pour reconquérir la femme aimée, jusqu’à une narration en filigrane s’attardant sur la jeunesse du roi. Rares sont les instants de latence et l’on ne tiendra pas rigueur d’ellipses spatio-temporelles parfois osées.

L’impeccable interprétation

Sans surprise, l’hétérogénéité d’un casting cinq étoiles s’avère être un choix payant. Peut-être que les quatorze ans d’attentes jouent sur cet aspect, mais la rigueur démonstrative avec laquelle chacun s’approprie son rôle d’antan est communicative. Mention spéciale aux vieux briscards Alain Chabat et Christian Clavier. Le premier, duc d’Aquitaine, participe grandement au retour du roi par son déterminisme passif. Le second, ministre antagoniste déchaîné, est un recueil de « punchlines » à lui tout seul. Aucun n’est mis à l’écart, et tous occupent une place prédominante dans le récit, bien aidé par le rythme effréné des péripéties. Attendus comme des messies, Karadoc et Perceval redoublent d’absurdité sans toutefois tomber dans la surenchère. Il sera en effet difficile, et ce même pour les fans les plus téméraires, de citer une séquence culte ou une réplique qui reste en mémoire. C’est là aussi l’une des principales qualités du film. Humble lorsqu’il se fait l’aède de sa propre mythologie, Astier refuse dès ses bandes annonces la grandiloquence et opte pour une forme d’exigence plus littéraire avec son public. Alors qu’on pouvait s’attendre à des clins d’œil à la série appuyés, ne reste que le grondement initial des trompettes et quelques tics de langage, auxquels se substituent de véritables dialogues, bien pensés, où les registres de langue s’entremêlent habilement. De quoi faciliter l’intégration des plus réticents à l’univers, qui pourront se délecter du spectacle sans les prérequis imposés par le support télévisuel.

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L’épique prioritaire

Au milieu de la structure épisodique qu’arbore naturellement le film dans le but de réinvestir sa mythologie, KAAMELOTT – PREMIER VOLET se fait aussi la symbiose jubilatoire entre dialogue clinquant et spectaculaire intime. Grand spectacle et émotions coexistent, au sein d’une œuvre qui rassemble toutes les obsessions de son créateur. On connaît le goût particulier d’Astier pour l’épique, lorsqu’il confronte ses héros à l’ennemi. Un Astérix sans potion devait déjà faire face aux Romains seul avec son épée, dans Asterix – Le Domaine des Dieux. Dans KAAMELOTT – PREMIER VOLET, Arthur connaît progressivement les rites d’une quête initiatique qui le mènera au trône. Chacune des étapes participe à structurer une identité perdue. Le spectateur, tant est si bien qu’il ait le goût de cet imaginaire épique, se délectera de la découverte d’une table ronde artisanale parfaitement pensée, héritage des temps jadis. L’imaginaire débordant d’Astier prend définitivement forme lors de la bataille finale, un condensé de toutes ses obsessions. En parvenant à conjuguer l’ensemble des destins de tous ses personnages en un seul et même cadre, il conclut une première partie virtuose dans sa capacité à ne jamais se prendre au sérieux. Maître du jeu mégalomane dans la multiplicité des fonctions qu’il occupe, Astier ne semble pas avoir abattu ses meilleurs cartes. Le regard tourné vers l’avenir et d’autres terres, on exulte à l’idée de participer à d’autres aventures, en retrouvant ces regards familiers, définitivement actualisés dans l’ère du temps.

Emeric

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Dmp
Dmp
Invité.e
6 août 2021 21 h 07 min

Il y a un souci dès le titre : succès ? Hum… non. Pour amortir un budget de 15 millions (hors comm), le film devra faire 3 à 5 millions… sachant que pour 99% des films les entrées baissent de 50% par semaine, on sait déjà que c’est un échec. Et ça continue : 1 million d’entrées ? Non plus, raté. Les 200 000 avant premières ne comptent pas vraiment. Ensuite il y a la réalité d’un film bizarre, ni drame, ni drôle. Sur les réseaux sociaux, c’est comme pour le vaccin, il y a les 10% d’irréductibles et les autres. Le problème, c’est que pour avoir une suite, les irréductibles ne suffiront pas. Astier a dit que si le succès n’était pas au rdv il n’y aurait pas de suite. Pour l’instant… il n’y aura pas de suite, donc. On en a gros mais comme dirait l’autre : « Odi panem quid meliora . Ça veut rien dire, mais je trouve que ça boucle bien. ». Astier s’entête, c’est son bébé il fait ce qu’il veut, mais clairement il est en train de perdre le fil a couper l’eau chaude là. C’est un peu triste

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