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Oasis : Supersonic de Mat Whitecross – Analyse

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Arte.tv diffuse jusqu’au 3 juillet prochain, le documentaire Oasis : Supersonic (2016) de Mat Whitecross.

Oasis est pour la plupart d’entre nous, une sorte de monument tellement ancré dans le paysage du rock qu’on ne les remarque plus vraiment. On est un peu comme ce badaud parisien qui ne voit plus la Tour Eiffel parce que trop habitué à sa présence. Les monuments semblent être intemporels et on oublie l’aventure et le travail qui ont été nécessaires à leur édification. Il en va de même pour Oasis. Alors, en lançant sur son écran le documentaire de Mat Whitecross, on se dit que l’on va tranquillement revoir l’histoire d’un groupe qu’on croyait déjà bien connaître. On s’attend à ce que Oasis : Supersonic, comme la plupart des documentaires musicaux, soit composé d’interviews bien cadrées avec quelques extraits de concerts et une voix off de narration bien didactique. En fait, on s’attend à survoler l’histoire d’un groupe tellement célèbre qu’on ne peut plus rien en apprendre. Mais c’est une erreur car le documentaire réussit à nous déstabiliser en nous faisant découvrir Oasis de l’intérieur, le tout dans un style échevelé.

Le réalisateur anglais Mat Whitecross n’en est pas à son coup d’essai. Né en 1977, il a vécu de plein fouet en tant que jeune adolescent de son temps, l’ère de la pop et du rock britanniques des années 80 et 90. Il a notamment réalisé un documentaire sur le chanteur de new wave Ian Dury (Sex & Drugs & Rock & Roll, 2010), un film autour des Stone Roses (Spike Island, 2012) et produit plusieurs clips avec Coldplay. Mat Whitecross assume une prise de liberté sur la mise en scène de son documentaire. Les interviews des membres et des proches d’Oasis sont bel et bien là comme dans tout documentaire musical, mais seulement en enregistrements audio (on ne voit aucune personne interviewée et aucun narrateur ne vient expliquer quoique ce soit). Le tout est illustré par des images d’archives et des dessins animés. Il faut donc se concentrer pour savoir qui parle. Au début, cela peut agacer puis, étrangement, ce léger effort de concentration finit par happer le spectateur dans l’histoire. On accepte de perdre parfois le fil et on subit (dans un sens noble), les évènements qui jalonnent la vie d’Oasis avec une émotion suffisamment importante pour qu’on puisse imaginer ce que les membres du groupe ont dû ressentir dans la réalité. Le parti pris de ne pas montrer les personnes interviewées immerge le spectateur pour mieux faire ressentir la vitesse supersonique qu’a atteint le groupe dès le début de sa carrière.

oasis supersonic

Le récit tel qu’il est présenté par Mat Whitecross, nous laisse penser qu’un tel succès n’aurait jamais dû arriver et que seul un destin hors du commun a pu permettre cela. Certes, Oasis avait le talent mais ils n’étaient que des gamins d’une banlieue pauvre de Manchester. Ils ne connaissaient personne dans le milieu de la musique. Ils jouaient du rock à une époque où c’était la musique électronique qui était à la mode. Au départ même, Liam Gallagher, méprisait les musiciens et les chanteurs. Il se moquait de son frère Noel, qui passait ses journées dans sa chambre avec sa guitare. Bref, personne n’aurait pu parier sur eux. Et pourtant, les « coups du destin » paraissent baliser le chemin d’Oasis à commencer par ce coup de marteau (au sens littéral) que Liam Gallagher adolescent s’est pris sur la tête par d’autres ados du quartier et qui, selon ses dires, a changé sa façon de voir la musique. Liam on l’a dit, se moquait des chanteurs et des musiciens en général, mais après cette attaque au marteau qui lui a « fait pisser le sang et fait manquer deux heures de cours de math, et c’est tant mieux », il s’est mis à vouloir chanter. L’histoire d’ensemble ressemble étrangement à une épopée homérique. Homérique, avec ses héros orgueilleux au possible. Oasis clame haut et fort qu’ils sont le meilleur groupe de leur époque, « c’est juste un fait ». Homérique, avec l’antagonisme de ce père maltraitant. Homérique, avec cette mère toujours présente malgré les tumultes de la célébrité. Homérique, avec sa guerre d’ego entre les deux frères Gallagher dont l’un finit par admettre sa demi-défaite avec humour : « Je sais que Liam est plus cool et plus drôle que moi, explique Noel. J’aurais rêvé savoir porter une parka comme lui mais je sais que lui, aurait rêvé d’avoir mon talent ». Homérique enfin, avec ses héros qui sont entrainés par un destin grandiose à 100 à l’heure dont ils acceptent les collisions.

L’image d’Oasis s’est construite justement à contre-courant de l’image des carrières proprettes et planifiées des stars du show-business. La scène où Liam Gallagher imite moqueur le groupe Boyzone (un boys band en vogue dans les années 90), comme si ses membres étaient des robots dociles, illustre ce propos… Oasis se veut libre et nullement soumis à ces « ordures de labels » et surtout « ils emmerdent les règles » comme Liam le martèle. Mat Whitecross, sait montrer et faire ressentir l’énergie qui se dégage du groupe. Le paroxysme est visible lorsque Liam, lors d’un concert où la foule est galvanisée, reste immobile sur la scène et contemple impassible le public qui s’exalte tandis que la musique du groupe enflamme les enceintes du stade. Le chanteur dira plus tard que c’est une sensation de puissance de ne plus avoir besoin de se laisser emporter par ce délire du public et de simplement le contempler stoïquement. Le réalisateur s’attarde aussi grandement sur les autres membres du groupe qui jusqu’alors n’étaient quasiment que des figurants médiatiques. Cette mise en perspective nous permet de mieux connaître certains tenants et aboutissants des relations et du chemin qu’a pris Oasis : le départ du batteur Tony McCarroll, encore traumatisé aujourd’hui par son « licenciement » sans préavis par Noel Gallagher, la dépression nerveuse du bassiste Paul McGuigan etc. Il fallait un amour sincère du sujet pour mettre en scène cette histoire de la sorte. Après cela, le spectateur, qu’il soit fan ou non d’Oasis, a l’impression de connaître le groupe d’une manière plus intime.

Retrouvez à cette adresse le documentaire sur Arte.tv

Julien Bartoletti

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