Plus qu’un véritable échec, cette nouvelle anthologie narrant l’impossible avènement d’une nouvelle génération de super-héros reflète davantage les limites d’un genre et la fin d’une ère dans le paysage du blockbuster contemporain.
Le temps d’un flash-back, les enjeux sont posés : un père de famille, dépassé par ses fonctions de justicier aux pouvoirs démesurés, ne peut offrir une glace à son fils, lui-même en proie à la découverte d’une puissance dont il hérite, presque contre son gré. C’est ce dévouement envers le « code » qui causera son échec à éduquer ses enfants. Son envol initial est on ne peut plus emblématique de cette rupture : délaissés, Brandon et Chloé échoueront à s’imposer aux yeux du monde comme l’ont fait leurs vénérés prédécesseurs. Ainsi, ce futur fictif n’est pas sans rappeler le début de Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons : la transition d’une ère glorieuse pour les héros vers une nouvelle génération qui lutte pour faire honneur à ses aïeuls. Empreint d’une réelle noirceur, l’œuvre de Moore excellait en laissant miroiter une opposition sous-jacente entre l’utopie initiale, et l’apocalypse que devaient affronter les successeurs. En se confrontant, les deux univers s’harmonisaient par l’expression d’un imaginaire débridé, mis au service de l’apologue politique. Dans JUPITER’S LEGACY, la structure narrative engendre une opposition tout à fait similaire, un choc générationnel où le doute a pris le pas sur le code et la rigueur.
Les scénarios axés sur les univers parallèles sont généralement un moyen pour leurs créateurs de proposer la vision neuve d’un monde fictif qui nourrit le spectateur en vision grandiloquente, un moyen de donner libre accès à l’irréel romanesque inhérent à ce type de récit. Ici, il n’en est rien, l’illusion se limitant à un défilé nonchalant de fonds d’écran multicolores, une sorte de parc d’attraction édulcoré mais limité dans la diversité des manèges proposés. Le manque d’identité visuel nuit au récit et manifeste un manque d’inventivité criant. Cela semble influer sur le récit, qui suit une à une les étapes du conte sauce Disney. L’oncle est en réalité le principal antagoniste, le père une figure autoritaire archétypale marquée par la dureté, quant au final, celui-ci est dépourvu de surprise, le fils se ralliant définitivement au code de l’ancienne génération en renonçant à ses pratiques. Un grand classique du genre où l’épique se soustrait aux trop nombreuses séquences durant lesquelles l’action d’un téléfilm se déploie, sans grand intérêt.
Outre ces écueils, JUPITER’S LEGACY établit contre son gré un constat sans équivoque : poncé jusqu’à la moelle, le monde des super-héros n’a plus rien à raconter. L’attitude de Sheldon l’atteste tout au long de ces 8 épisodes. Derrière ses airs graves se cache un dépit profond. Brandon n’est qu’un néophyte traversant les rites classiques d’un récit initiatique et sa sœur se contente d’imiter le stéréotype très à la mode de la punk cool et rebelle en manque d’affection. Ce manque d’originalité est préjudiciable dès lors que l’écriture des personnages laisse entrevoir lors des premières minutes la totalité des flux narratifs dans lesquels s’engouffrent les héros. La démultiplication d’univers et de pouvoirs, tous pourvus de règles infiniment complexes, ne peut compenser cet aveu : même en s’éloignant de Marvel et DC, qui plus est avec toute la bonne volonté du monde, il devient délicat de concevoir un divertissement exigeant et généreux sans trahir les attentes du spectateur. Ainsi, on préfère, comme Sheldon, se complaire dans un passé glorieux, une ère lumineuse et envoûtante, qui n’a encore trouvé de prédécesseurs digne de ce nom. Depuis deux ans, seul Wandavision est parvenu à susciter l’engouement par son audace, en jouant les équilibristes avec l’usage de pouvoir mis au service d’une fiction plurielle et accaparante.
Emeric