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© Universal Pictures

[CRITIQUE] EX MACHINA

ex machina
• Sortie : 3 juin 2015
• Réalisation : Alex Garland
• Acteurs principaux : Domhnall Gleeson, Oscar Isaac, Alicia Vikander, Sonoya Mizuno
• Durée : 1h48min
Note des lecteurs6 Notes
4
note du rédacteur

C’est bien connu, les machines nous font peur. Il n’y a qu’à voir ces robots humanoïdes plus vrais que nature que les firmes japonaises (toujours en avance d’un temps) exposent fièrement dans tous les salons technologiques de la planète. On a beau se rassurer en se répétant qu’un tas de connexions électroniques et de processeurs n’a que des capacités limitées, voir leurs visages reconstitués imiter toutes les expressions humaines est assez pour faire froid dans le dos. Mais pourraient-elles vraiment ‘penser’, ces créatures modernes ? Une machine pourrait-elle avoir du libre-arbitre, juger, analyser, voire tromper et mentir ?

Après tout, les téléphones de ce début de XXIe siècle seraient bien ‘intelligents’, selon le nom largement répandu qui est le leur. Mais restons pour le moment dans le royaume de la science-fiction, puisque c’est de cela qu’il s’agit avec Ex Machina. Dans un centre de recherche littéralement perdu au milieu de nulle part, le brillant mais étrange Nathan Bateman (Oscar Isaac), qui aurait codé ses premiers programmes à l’âge de treize ans, convie le jeune Caleb Smith (Domhnall Gleeson, alias Bill Weasley dans les adaptations de la saga de J.K. Rowling) à participer à ses recherches tenus secrètes. Son prototype, celui d’une intelligence artificielle (ou A.I. en version originale) nommée Ava (la jolie Alicia Vikander), dont il veut tester les performances et la crédibilité. Le tout réalisé par le Britannique Alex Garland, qui avait signé le scénario du culte 28 jours plus tard, de Danny Boyle.

Tout comme l’ouverture de Prometheus, de son compatriote Ridley Scott, les premiers plans de son film semblent en tout cas en décalage avec l’univers très technique de la SF. Des montagnes, des glaciers, des cascades, un paysage hallucinant de beauté, contemplatif. Un fois l’hélicoptère posé et Caleb propulsé dans son nouvel environnement, Ex Machina alterne d’ailleurs constamment scènes d’intérieur et scènes de plein-air, ordinateurs et rivières, cages de verre et brume stagnant sur les versants. Nature et artifice se rencontrent constamment, communiquent via les immenses baies vitrées de la demeure su scientifique, qui laissent entrevoir la magnificence de la Création.

Photo du film EX MACHINA
© Universal Pictures

La Création, parfaitement. Le terme n’est pas choisi au hasard. L’idée de Dieu est en effet présente profondément dans la chair de l’intrigue. Celui qui crée une machine capable de se comporter comme un Homme est peut-être un génie. Mais celui qui crée une machine capable de raisonner comme un Homme, douée de conscience, qu’est-il sinon une sorte de dieu moderne. Ce qui n’est pas pour déplaire à l’égo surdimensionné de Nathan, adepte de la gonflette, masse de muscles et accro à la bouteille, isolé de la société pour y poursuivre son obsession, son rêve.

Il y avait un personnage similaire, dans le Metropolis (1927) de Fritz Lang, un classique du cinéma muet dont la science-fiction actuelle découle en partie. C’était Rotwang, un vieil inventeur assoiffé de vengeance. Il envoyait sa machine prendre une forme féminine et exciter la classe ouvrière dans le but de détruire la société de laquelle il vivait reclus. Pour ce qui est de Nathan, on ne saura que trop s’il s’agit d’incompréhension, de haine ou d’inconscience.

« Un film sans fausse note, dans la lignée des chefs-d’œuvre de la science-fiction, appelé à devenir lui-même un classique du genre. »

Ava elle-même est un élément récurrent de la littérature d’anticipation. Elle est ce robot à l’apparence si familière et pourtant si étrange. On comprend l’inconfort de Caleb à mesure qu’il perçoit la machine comme la femme de sang et d’os qu’elle pourrait être, tant son réalisme est poussé au détail. Mine de rien, il se dit qu’il pourrait l’aimer, l’embrasser, que lorsqu’elle se déshabille dans sa chambre, il ‘la’ désire contre sa volonté. Sigmund Freud avait déjà baptisé ce paradoxe l’unheimlich. Les anglophones diraient uncanny, les francophones se contentent d’une traduction maladroite, celle d’‘inquiétante étrangeté’ ou ‘inquiétant familier’.

Bref, la sensation de quelque chose de connu, qui devrait normalement ne provoquer aucune peur, mais qui dans une situation précise crée un sentiment d’insécurité. Un objet courant qui soudain apparaît différent, étranger, par exemple une entité extraterrestre prenant forme humaine, une fillette possédée par un démon, un être que l’on croyait humain et qui est en vrai qu’artifice. Comme dans cette nouvelle de l’écrivain allemand E.T.A. Hoffmann, Der Sandmann (Le marchand de sable), dans lequel le narrateur, Nathanaël (pas de lien avec le Nathan du film !), se rendait compte que la voisine dont il était amoureux, Olympia, n’était qu’une automate assemblée par un professer de physique. Visionnaire, pour un récit de 1817…

Meet AVA on Tinder - L'intelligente promo virale d'EX MACHINA
Meet AVA on Tinder – L’intelligente promo virale d’EX MACHINA

Quasiment deux cents ans plus tard, cette anxiété n’a pas quitté les Hommes. Ava est le symbole du doute qui subsiste quant à domination du créateur par sa création, de l’humanité par l’hybris, le fait de vouloir jouer à dieu et d’en être puni pour sa prétention. C’est ce que rappelle Ex Machina, essai philosophique par l’écran, fin et très recherché esthétiquement, au casting impeccable complété par la mystérieuse Kyoko (Sonoya Mizuno), dont on comprend vite qu’elle est l’esclave sexuelle du génie.

Un film sans fausse note, dans la lignée des chefs d’œuvre de la science-fiction, appelé à devenir lui-même un classique du genre. Et c’est aussi un vrai bonheur, parfois, de voir que l’anticipation peut être intimiste, loin du tape-à-l’œil déballage d’explosions, d’acteurs en souffrance sur fond vert et d’effets trop spéciaux. Et si le titre de l’œuvre prétend ‘sortir de la machine’, son contenu est pour sûr sorti des pensées d’un homme et témoigne, une fois de plus, que la science-fiction porte toujours le terreau d’une réflexion. C’est réussi !

Tom Johnson

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Mamanonyme
Mamanonyme
Invité.e
21 août 2016 0 h 53 min

Pourquoi le laisser?

Georgeslechameau
Georgeslechameau
Membre
14 juin 2015 11 h 44 min

Je suis d’accord avec Lupyo;
Le sens du film réside peut-être même dans cette phrase « will you stay here » et surtout ce regard, qui prouve qu’AVA a largement transcendé son statut d’intelligence artificielle, et a absorbé les qualités et défauts inhérents à l’espèce humaine… Comme l’intelligence donc, et la manipulation des autres dans son propre intérêt.
C’est à la fois tragique, logique et cruel, car AVA n’aspire qu’a la liberté, ce qui est en soi, un sentiment noble…

lupyo
lupyo
Invité.e
13 juin 2015 21 h 46 min

N’importe quoi comme analyse. Tu as tout faux dsl. Ce n’est pas une question qu’elle pose. Elle dit « tu vas resté ici ». Et elle l’abandonne à son funeste sort. Tu n’as pas compris que justement elle l’a manipuler et c’est la que le film prend tout son sens.

Paul
Paul
Invité.e
27 mai 2015 16 h 53 min

SPOIL DANGER

Je voudrais corriger mon commentaire précédent, en fait le film nous laisse des indices, lorsqu’Ava prend l’ascenseur elle jette un dernier regard vers le pauvre Caleb enfermé comme si elle éprouvait des sentiments pour lui, même si elle a manipulé Caleb pour s’échapper, elle a développé aussi par inadvertance des sentiments pour lui à cause de la dévotion de Caleb à son égard (un peu comme Caleb qui a commencé par aimer Ava après qu’elle ait montré des signes d’amours pour lui comme les paroles (veux-tu être avec moi ? etc), lorsqu’elle met sa main sur la vitre en cherchant à être avec Caleb…), ceci prouve qu’elle possède des sentiments et donc une humanité et quelque part une conscience…

De plus, lorsqu’Ava s’est libérée et rencontre Caleb qui est étalé sur le sol (après s’être fait tabassé par Nathan), elle lui demande « Will you stay here ? » (Allez-vous rester ici ?). Elle voulait dire « va tu rester-ici au lieu de venir avec moi ? On a réussi on s’est libéré alors pourquoi restes-tu encore ici ? ». C’est une invitation à partir avec elle, mais malheureusement Caleb se fait surprendre, pris au piège en restant planté là sans la suivre (afin de passer les portes blindées).

Si elle a des sentiments alors pourquoi laisse t-elle Caleb enfermé sans l’aider à sortir ? Et-on sûr qu’elle le laisse seul face à son sort en connaissance de cause ?? Dans la dernière scène où on voit Caleb, il s’est produit de nouveau une coupure de courant mais d’où vient cette coupure de courant ??? 🙂 dans le film on apprend que seule Ava est capable de les créer car le système électrique est selon les mots de Nathan « sans faille », or Caleb a reprogrammé le système pour qu’après chaque coupure de courant les portes soient toutes ouvertes (c’est comme ça qu’Ava s’est échappée), donc rassurez-vous !! Ava a sauvé Caleb et c’est encore une preuve qu’elle possède des sentiments pour Caleb !! Lorsque le système se mettra automatiquement en marche Caleb pourra sortir de nouveau. Bonne nouvelle donc.

Le mot final : Ava a réussi ce qu’elle voulait, elle s’est intégrée dans la société humaine (la scène finale avec les passants). Espérons qu’il y aura une suite 😉

ps : excellent site 😉

Paul
Paul
Invité.e
27 mai 2015 13 h 28 min

SPOIL ATTENTION

Quel dommage la fin ! C’est très triste et tellement impitoyable à la fois la façon dont elle part, tout n’était que tromperie …. Elle a raté le test de Turing et ne possède vraisemblablement pas de conscience, sinon elle aurait compris qu’être seule n’est pas une option rationnelle, surtout la façon dont se termine le film avec le pauvre Caleb.

L’un des meilleurs film que j’ai vue, brrrrrr ça me donne la chaire de poule.. après ça je ne verrais plus du même œil les robots, aussi « humains » soient-ils….

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