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© Warner Bros. France

TROIE, générosité et ambition – Critique

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Si l’Iliade d’Homère est, avec l’Odyssée, l’une des plus grandes œuvres culturelles ayant jamais existé, il existe paradoxalement très peu de films relevant le défi d’une adaptation directe.

L’influence de ces éléments culturels fondamentaux sur le cinéma est pourtant bien présente, et ce dès 1905 lorsque Georges Méliès réalise L’Île de Calypso : Ulysse et le géant Polyphème. La démesure et l’ambition des œuvres ne sont sans doute pas étrangères à la réalisation de plusieurs fresques historiques hollywoodiennes, et si l’adaptation de Mario Camerini qui voit Kirk Douglas endosser le rôle d’Ulysse s’en sort avec les honneurs, malgré de nombreuses concessions narratives, Robert Wise, lui, a cruellement échoué à retranscrire l’ampleur de l’Iliade avec Hélène de Troie. Il faut dire que le travail d’adaptation est colossal, et qu’il ne suffit pas d’avoir des centaines de figurants pour retranscrire la grandeur de l’aventure d’Achille. Savoir donc que Wolfgang Petersen, un réalisateur capable du meilleur – on se souviendra de Das Boot – comme du pire – on oubliera Poséidon – allait s’occuper d’une nouvelle relecture du récit d’Homère avait de quoi rendre perplexe. Lynché par la presse, très critiqué par le public, TROIE n’en demeure pas moins une œuvre intéressante et somme toute assez singulière dans le paysage cinématographique du 21ème siècle. Cette critique sera basée sur la version Director’s Cut, de 196 minutes.

Parmi les nombreux reproches qui ont été faits au film de Wolfgang Petersen, le manque de fidélité par rapport aux chants d’Homère est le plus récurrent. Allant encore plus loin que Mario Camerini, qui réduisait déjà drastiquement le rôle des dieux, Wolfgang Petersen les met volontairement de côté, eux qui sont la base de toute l’Iliade. Jamais ils n’apparaîtront à l’écran, et le départ d’Hélène pour Troie, la passion qui anime Paris à son égard, la notion de fatalité, sont traités à l’échelle humaine, de manière très terre-à-terre. Mais cela n’est-il pas le fruit d’un travail d’adaptation réussi ? Comment imaginer qu’à l’écran, un dialogue entre Athéna et Zeus passe aussi bien qu’à l’écrit ? Cela n’aurait-il pas simplement alourdi le récit ? Il faut admettre que les Dieux sont très souvent mal représentés à l’écran (Je me retiens difficilement de parler de Louis Letterier…) et que leur absence n’enlève ici ni force ni cohérence à l’histoire, au contraire. Les personnages gagnent en épaisseur au fur et à mesure que les conséquences de leurs actes les dépassent. Certains choix sont cependant plus discutables. Faire d’Achille un sex-symbol aux punchlines monstrueuses, transformer le fourbe sournois qu’est Ulysse en héros bienveillant, faire mourir Ménèlas pour servir de prétexte à une scène d’action dispensable dont on devine qu’elle n’est là que pour remplir un cahier des charges calibré pour un plus grand succès au box-office, sont tant de « détails » qui pourraient faire sortir le spectateur du film s’il n’y avait pas la réalisation de Wolfgang Petersen.

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Car le réalisateur allemand possède un sens de la mise en scène impressionnant, et soigne son découpage avec une maîtrise indéniable. Wolfgang Petersen contrôle le rythme de son récit, prend son temps, tout en bombardant son spectateur de plans iconiques sur ses personnages. Brad Pitt et Eric Bana sont sublimés par une réalisation qui, sans oublier les plans très larges qui caractérisent les batailles épiques hollywoodiennes, sait également coller au corps de ses personnages, créer un attachement par le visuel, et user de techniques efficaces comme de légères contre-plongées et des plans de face assez serrés pour rendre justice à ses héros mythologique. Il suffit de revoir le combat entre Achille et Hector pour comprendre à quel point le réalisateur sait mettre son art au service de ses personnages. Par des plans soignés et un montage fluide, il profite de chorégraphies impeccables pour accentuer le contraste entre le calme meurtrier d’Achille et les offensives désespérées d’Hector, une confrontation également sonore, avec ce mixage mettant en valeur les coups d’épées inutiles s’écrasant sur un bouclier infranchissable. Ne cédant pas à la mode du capharnaüm musical à la Hans Zimmer ou à l’abus de shaky-cam, Wolfgang Petersen signe un film généreux dans l’action, techniquement irréprochable et au rythme effréné malgré la durée de l’œuvre, plus de trois heures pour la Director’s Cut.

Mais s’il est un domaine sur lequel TROIE fascine, c’est sur son ambition. En plus des décors majestueux construits en grandeur nature et de la relative économie de CGI au profit de figurants pour les scènes de bataille et pour la population troyenne, TROIE s’inscrit dans la continuité des grandes fresques historiques américaines et l’idée même d’une adaptation de L’Iliade pour un film de 3 heures est très audacieuse. Bien sûr, les sociétés de productions derrière le projet ont su s’entourer d’un casting ultra-bankable et d’un marketing savamment orchestré pour mettre en avant toutes les scènes d’actions ou de batailles du film, mais son succès au box-office était loin d’être assuré. Avec TROIE, Wolfgang Petersen réalise l’un des derniers représentants des films historiques épiques américains, rejoignant ainsi un Ridley Scott qui semble malheureusement perdre de sa superbe au fil du temps, en témoigne ses dernières œuvres plus ambitieuses que réussies. Cette sincérité vis-à-vis du public, cette générosité qui se retrouvera jusque dans l’écriture et la mise en scène, fait de TROIE le porte-étendard d’un type de blockbuster qui manque cruellement au cinéma formaté et conformiste qui sévit à l’heure où Marvel, nouveau roi d’Hollywood, inonde les salles des mêmes films de commande sans âmes tout les trois mois.

Petersen signe un film généreux, techniquement irréprochable et au rythme effréné malgré la durée de l’œuvre.

Pas exempt de défauts, peut-être trop édulcoré, parfois maladroit dans son écriture ou ses intentions, doté d’une caractérisation qui laisse grandement à désirer concernant certains personnages (Orlando Bloom n’est pas aidé par l’écriture de Paris, plus proche d’Edward de Twilight que du prince troyen), TROIE n’en demeure pas moins un film important dans le paysage cinématographique actuel, car il se veut témoin d’une époque où les grands noms du divertissement étaient Cécil B.DeMille ou John Huston, où l’ambition était reine. TROIE n’est peut-être pas un grand film, en effet ; mais c’est un film extrêmement bien réalisé, qui assume son statut d’adaptation en témoignant cependant d’un profond respect des détails sur le plan visuel (Pour l’anecdote, Homère appelant son héros « Achille aux pieds légers », les jambes et mollets de Brad Pitt ont été doublés afin de correspondre à la définition de l’aède.). Le film de Petersen déborde de générosité et d’ambition, au point que le spectateur, devant la chute de Troie ou l’arrivée des grecs sur les plages, ne pourra que se demander comment l’équipe s’est débrouillée pour tourner ça. En mettre plein les yeux tout en s’inscrivant dans un héritage prestigieux et assumé, c’est peut-être là, la différence entre un bon et mauvais divertissement.

Louis

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Mateusz de St-Louis
Mateusz de St-Louis
Invité.e
15 octobre 2014 14 h 54 min

Je vous consseil de regarder le film il est trops bien !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Bidemore
Bidemore
Invité.e
14 juillet 2014 18 h 19 min

Ok.

Mateusz de St-Louis
Mateusz de St-Louis
Invité.e
15 octobre 2014 15 h 54 min

Je vous consseil de regarder le film il est trops bien !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Bidemore
Bidemore
Invité.e
14 juillet 2014 19 h 19 min

Ok.

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