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EN PASSANT PÉCHO, déjà culte ? – Critique

Netflix enrichit son catalogue original avec EN PASSANT PÉCHO, un stoner movie cocaïné qui dynamite la comédie française.

Premier long-métrage de Julien Royal, co-écrit avec Nassim Lyes, EN PASSANT PÉCHO est l’adaptation de la web-série éponyme qui suit le quotidien de Hedi et Cokeman, deux dealers sans envergure. Leur chance vient à tourner le jour du mariage de Zlatana, la petite sœur de Hedi, qui leur présente son futur mari, Arsène Van Gluten, un éminent baron de la drogue.

Le film s’inscrit dans un genre très répandu aux États-Unis, qui l’est moins en France, le stoner movie ou Stoner comedy. Il s’agit de comédies dont l’intrigue est centrée autour de la prise de stupéfiants… L’humour déployé y est généralement bête, bas-de-plafond et totalement générationnel. S’il fallait s’en tenir à ces quelques critères, EN PASSANT PÉCHO est une incontestable réussite.

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EN PASSANT PÉCHO c’est un peu comme une patate de forain dans la face du cinéma français

Très populaire dans les années 2000, le genre gagne ses lettres de noblesse avec des films tels que Eh mec ! Elle est où ma caisse ? ou encore How High. Dans ce film sorti en 2001, le duo formé par Method Man et Redman apparaît comme une référence pour le duo Hedi/Cokeman (Hedi Bouchenafa et Nassim Lyes). En France, le stoner movie qui marque les années 2000 reste La Beuze (2003) réalisé par François Desagnat & Thomas Sorriaux avec Michael Youn et Vincent Desagnat, également présent au casting de EN PASSANT PÉCHO.

Mais ce qui caractérise la stoner comedy c’est également sa dimension parodique. Dès 2000, Scary Movie en fait sa marque de fabrique en se moquant des slashers de l’époque. La mécanique du stoner movie repose sur cette réappropriation des codes des films de genre pour les tourner en dérisions. C’est ce que fait Julien Royal notamment avec la figure de Scarface, omniprésente dans l’imaginaire de la voyoucratie. EN PASSANT PÉCHO assume pleinement cette dimension méta propre au genre, allant jusqu’à briser plusieurs fois le quatrième mur.

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S’il regarde vers les États-Unis, Julien Royal garde néanmoins les deux pieds bien ancrés en France tant ses archétypes de loosers magnifiques s’inscrivent dans une tradition bien franchouillarde. On pourrait citer par exemple la bande dessinée Les Pieds Nickelés ou encore le film Les Frères Pétard de Hervé Palud avec Gérard Lanvin et Jacques Villeret. Ce qui change ici, c’est le cadre de représentation adapté à notre société contemporaine (langage argotique et cultures urbaines). Et même du côté de la mise en scène, Julien Royal s’inscrit dans une certaine filiation du cinéma français. On pense d’abord aux courts-métrages du collectif Kourtrajmé voire à Sheitan de Kim Chapiron, mais aussi au cinéma de Jan Kounen et son générationnel Doberman. Cet héritage culturel français allié à la réappropriation de codes du cinéma de genre américain forment un premier élément d’explication du succès du film, mais ce n’est évidemment pas le seul…

La manière dont le film pousse tous les curseurs à fond est très certainement l’explication la plus évidente tant l’effet produit est réjouissant. Une preuve de générosité qui fait du bien au milieu d’un paysage français d’habitude tellement frileux et lisse. EN PASSANT PÉCHO ose tout et ne s’interdit rien, du surjeu gueulard au mauvais goût le plus assumé. Il faut ajouter à cela de réels élans esthétiques qui transpirent une envie manifeste de cinéma.

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Cokeman est un sidekick extrêmement bien travaillé et brillamment interprété par Nassim Lyes qui le range aussitôt dans une catégorie de personnages mémorables. Sa folie lui permet de briser toutes les frontières du possible. Grâce à lui, Julien Royal parvient à s’affranchir de toutes les limites du vraisemblable, faisant basculer son film dans un territoire fictionnel jubilatoire, à l’image d’un final réussi.

Cette folie est communicative et contamine les autres personnages du film dont les interprétations sont toutes à la hauteur. On pourrait également citer Fred Testot qui, depuis la saison 3 de Platane, revient en grande forme. Cette précision se retrouve jusque dans le moindre second rôle, de Bun-Hay Mean à Julien Courbey en passant par Hakim Jemili, Benjamin Tranié ou encore Julie Ferrier, Vincent Desagnat, Sadek… Un gros casting qui mélange nouvelle génération et comédien.nes plus installé.es. Tous interprètent des personnages vicieux qui attendent la moindre occasion pour révéler leur nature monstrueuse.

notre critique de Platane Saison Tree

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Malheureusement ce foisonnement de personnages est aussi l’une des limites du film. Ce qui aurait pu bien fonctionner dans un format sériel, ici pèse au film qui court après ses personnages pour tenter de les traiter tous. La trame principale du scénario est un peu trop simpliste et l’ensemble prend parfois des allures d’empilement de sketchs uniquement pensés pour développer certains gags au lieu de seulement servir l’intrigue principale. C’est dommage mais ça n’est absolument pas rédhibitoire.

Après son très bon Five sorti en 2016, Igor Gotesman était lui aussi passé sur Netflix avec la série Family Business. Le stoner movie est un genre qui s’enracine en France, pour le plus grand plaisir du public mais aussi de Netflix qui se sert de cette émulation pour viser un public jeune, cœur de cible privilégié pour le géant du streaming. Cette première tentative signée Julien Royal est suffisamment encourageante et l’univers passablement foisonnant pour laisser entrevoir une suite, que l’on attend de pied ferme.

Hadrien

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Titre original : En Passant Pécho
Réalisation : Julien Royal
Scénario : Julien Royal, Nassim Lyes
Acteurs principaux : Hedi Bouchenafa, Nassim Lyes, Fred Testo, Benjamin Tranié, Bun-Hay Mean, Vincent Desagnat, Hakim Jémili, Charlotte Gabris, Julien Courbey, Sadek, Julie Ferrier, Brahim Bouhlel, Jonathan Lambert
Date de sortie : 10 février 2021
Durée : 1h39min
3
réussi

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