C’est avec une ambiance jazzy que Viggo Mortensen et Mahershala Ali prennent la route du sud-américain dans GREEN BOOK. Ségrégation, préjugés et foi en l’humanité : ce road movie enchanté, un brin académique, mais surtout bien pensé, arrive à aborder ces thèmes avec équilibre et sans patho.
Fond noir. Début du film. Des lettres blanches. « d’après une histoire vraie. » Sourire cynique… Comme si cette phrase était gage de qualité au cinéma. À la fin de GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD, on est bien obligé d’y croire.
C’est sur un ton assurément jazzy que le spectateur est plongé dans une histoire extirpée des années 60, du Bronx jusqu’en Alabama. La tchatche et l’air intrépide, le célèbre Aragorn (Viggo Mortensen, devenu populaire grâce au Seigneur Des Anneaux) est bien là, les rides et la bidoche en plus. C’est en fait lui qui l’est, jazzy. Jazzy dans sa manière de parler, jazzy quand il soigne son mal de crâne avec une bouteille de lait. jazzy enfin lorsqu’il met, comme ça, l’air de rien, une poubelle sur une bouche d’incendie. Le roublard roule des mécaniques mais fait bien moins le malin lorsqu’il se retrouve dans le bureau d’un homme de couleur pour trouver du taff.
Un pianiste (Mahershala Ali). Un pianiste noir, riche, intello, très talentueux… Y’a comme un hic pour notre Viggo, sorte de Robert de Niro sans le côté mafieux mais avec quelques réflexes racistes sous le coude. L’entretien d’embauche passe, le voilà chauffeur. Il devra conduire le pianiste pendant huit semaines dans les contrées les moins tolérantes qui soient.
Soleil chaleureux et couleurs vives, la caméra filme le rêve américain à base de poulets frits et la réalité trop vraie d’un pays bourré d’incohérences et de conneries. La voiture bleu turquoise roule sur les images, les humiliations, les coups de sang, mais fait des poussées d’accélération passionnées lorsqu’il est question de respect mutuel et d’humanité. Derrière l’éclatement progressif des clichés et la co-habitation dans de tout petits mètres carré de carrosserie, tout est histoire de compromis chez les deux hommes qui finiront par s’aimer à mesure que les injustices se mettront en travers de leur chemin.
Pas la peine de chercher bien loin, on sait direct où l’on va s’arrêter : le beauf un peu raciste va évidemment changer de perception avant la fin du film. Les deux personnages, que tout oppose, ressortiront grandis de cette relation. C’est un schéma que l’on a vu des tonnes de fois. Peu importe, le réalisateur Peter Farrelly a de quoi être fier de sa première réalisation sans son frère Bobby (Fous d’Irène, Mary A Tout Prix, Dumb And Dumber).
Ce nouveau film, sorte de Miss Daisy Et Son Chauffeur inversé, aurait pu enchaîner tout ce qu’on déteste au cinéma : le patho, la morale, et tout le gratin. Peter Farrelly évite ce piège et chapeaute un road movie enchanté et coloré, surtout bien pensé, certes un brin académique mais à l’écriture de funambule. Chaque morceau de son récit pointe, avec équilibre et malice, les préjugés dans une Amérique divisée, la longue marche vers un changement des mentalités. Le parrallèle avec aujourd’hui n’est jamais bien loin. Tout se fait avec beaucoup de drôlerie.
Rien de potache rassurez-vous, le papa du frappadingue Dumb et Dumber a su se retenir. Chaque rire ne vient pas là juste pour faire rire mais pour faire progresser l’histoire. Et c’est bien ça qui donne à certaines scènes toute leur force, à l’ensemble de l’oeuvre toute sa cohérence. Le Golden Globe de la meilleure comédie est amplement mérité.
Si Viggo Mortensen fait le show, son compagnon de route Mahershala Ali (Oscar du meilleur second rôle pour Moonlight) apporte un jeu plus sobre, tout en nuances et en pesanteur. Il porte sans commune mesure le rôle le plus intéressant du film, moins cliché que son alter-ego blanc.
Yohann
[button color= »white » size= »normal » alignment= »center » rel= »nofollow » openin= »samewindow » url= »#comments »]Votre avis ?[/button]
Réalisation : Peter Farrelly
Scénario : Nick Vallelonga, Brian Hayes Currie, Peter Farrelly
Acteurs principaux : Viggo Mortensen, Mahershala Ali
Date de sortie :23 janvier 2019
Durée : 2h10min