I SAW THE TV GLOW est un film d’horreur dramatique américain. Il conte l’amitié particulière qui unie deux lycéens à travers la série télé du samedi soir, The Pink Opaque. Mais plus qu’une simple série pour adolescents, cette dernière les poussera surtout à se questionner sur leurs propres désirs, voir sur la réalité elle-même.
Écrit et réalisé par la réalisatrice Jane Schoenbrun, qui s’était déjà essayée à l’horreur sous le prisme de l’adolescence avec le film horrifique et dramatique We’re All Going to the World’s Fair, I SAW THE TV GLOW a reçu le support du célèbre couple Emma Stone et Dave McCary à travers leur maison de production Fruit Tree Company. Il s’agit d’un film assez confidentiel, d’abord projeté en avant-première au festival Sundance en janvier 2024, il n’est sorti que dans très peu de salles de cinéma aux États-Unis et au Canada, et n’est sorti en France que sous la forme de VOD le 30 septembre 2024. Le film est porté par les jeunes acteurs Justice Smith, connu pour les films Jurassic World : Fallen Kingdom ou encore Détective Pikachu, et Brigette Lundy-Paine, vu dans la série pour adolescents Atypical ou le récent film d’horreur Amelia’s Children.
I SAW THE TV GLOW, c’est d’abord le lien unique qui unie deux lycéens outsiders à travers une série télé sauce années 90-2000, une série pour ados de l’époque dont la diffusion rythme le quotidien des lycéens : que ce soit en s’échangeant les guides officiels de la série, en se retrouvant pour regarder l’épisode tous les samedis, ou en engagent des discussions interminables sur le sujet, la majorité de leurs interactions tournera autour de leur passion commune. C’est une nostalgie particulière qui saisira ceux qui ont connu ces attentes entre deux épisodes, la fameuse trilogie du samedi sur M6 (ou Monster of the Week pour les américains), ces goodies, posters et magazines, peut-être ces vieux forums de fans que certains auront peut-être explorés. Ces fandoms, ou groupe de fans, qui accompagnent, voir aident le mal-être des ados, dont l’impact est souvent plus grand que ce qu’en pensent les adultes. Dans I SAW THE TV GLOW, The Pink Opaque est une échappatoire salvatrice face aux violences physiques, aux divorces, à la quête d’identité, aux problèmes de santé des proches, une échappatoire qui aide aussi à forger des amitiés.
Mais qu’est-ce que The Pink Opaque ? C’est une histoire suivant les aventures de deux jeunes filles, Tara et Isabel, qui bien qu’elles soient isolées l’une de l’autre sur le plan géographique, ont la possibilité de communiquer entre elles grâce à leurs pouvoirs psychiques, et ce dans l’unique but de se battre contre les sbires du grand méchant, Mister Melancholy. C’est un peu Charmed et Buffy contre les Vampires, ces séries télé pour jeunes adultes qui mettaient de jeunes femmes en avant, dont les tracas personnels se mélangeaient avec leur combat contre les forces du mal. Ces séries télés ‘pour filles’ que les garçons regardaient tout en ayant un peu honte de le faire. Son esthétique y est d’ailleurs très proche, bien que faite pour être plus dérangeante.
I SAW THE TV GLOW n’est pas un film d’horreur à sensation, il n’est pas gore (ou très peu), et disons-le franchement… Si vous appréciez les jump scares, passez votre chemin. Car I SAW THE TV GLOW est un film d’horreur très intime. On se laisse avoir par l’atmosphère si particulièrement nostalgique de nos adolescences, on comprend très vite qu’aucune identité étrange ne devra être combattue, mais qu’il s’agit plutôt d’un décor planté là pour donner corps aux tumultes internes d’une jeunesse en quête d’une place dans le monde. C’est un film à plusieurs lectures, et l’horreur et le fantastique ne sont au final qu’un prétexte pour servir un sous texte plus subtil – comme l’horreur l’a souvent fait. Ici, ils accompagnent la difficile découverte de l’identité, et touche plus particulièrement au sujet de la transidentité. Il l’enrobe, le sublime d’une façon cruelle et dérangeante. C’est aussi un film qui peut parfois mettre mal à l’aise, car disons-le, l’atmosphère y est clairement pesante, étrange, le genre d’atmosphère à la It Follows, bien que plus abstraite et expérimentale. Une atmosphère qui ne touchera pas tout le monde de la même façon.
Bien que la nostalgie des séries du samedi parleront aux plus âgés, l’horreur de I SAW THE TV GLOW est cependant très actuelle, proche des codes de l’horreur que l’on peut trouver sur internet. Les scènes étranges s’enrobent d’une esthétique presque liminal space, ces images de lieux que l’on reconnaît sans pourtant jamais y être allé qui pullulent sur internet. C’est un film qui force à mener sa propre enquête, qui pourrait avoir sa place dans un ARG (Alternate Reality Games), offrant un sentiment inquiétant si cher aux vidéos horrifiques du web. Le tout servit par des chansons indés atmosphériques qui ajoutent un côté moderne, et étrangement apaisant, une atmosphère musicale qui transformerait presque le film en une version horrifique et expérimentale d’un opus de la série de jeux vidéo Life is Strange. Cette esthétique n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard, le précédent film de la réalisatrice étant, de son propre aveu, inspiré des creepypastas (ou histoires horrifiques) que l’on trouve sur internet.
Au final, le film laisse un goût moins effrayant qu’amer, et bien que son étrangeté peut provoquer un malaise ou une incompréhension palpable chez le spectateur, c’est au final une grande tristesse qui reste. Bien sûr, il résonnera davantage chez certaines personnes par rapport à d’autres, et les amateurs d’horreur pure pourraient trouver l’esthétique et l’histoire trop hipsters, lents ou confus à leur goût. Mais I SAW THE TV GLOW est un film particulier dans le paysage de l’horreur, et il ne laissera pas indifférent ceux qui prendront le temps de s’y plonger réellement, ceux qui se laisseront emporter par une histoire qui ne donnera pas toutes les réponses, et qui vous laissera une grande part de réflexion. Un film qui ne vous prendra pas par la main, et qui pourrait bien habiter votre esprit un petit moment. Ou vous fera soupirer d’ennui. Il n’y aura pas de juste milieu.
Kimberley SANSON
Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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