Photo du film IRON CLAW
Crédits : Metropolitan FilmExport

IRON CLAW, savoir abandonner est une vertu, non une faiblesse – Critique

Simon
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3.5

La famille Von Erich s’est octroyé un gain de popularité que n’a pas obtenu l’œuvre qui leur a permis cela. Boudé injustement aux Oscars, IRON CLAW de Sean Durkin semble l’être aussi par le grand public qui l’a oublié au profit d’autres longs-métrages davantage populaire, notamment sur les réseaux sociaux. Plus de six mois après sa sortie, IRON CLAW n’a laissé qu’une éraflure alors qu’il aurait dû nous marquer plus profondément par ses griffes.

Raging Lion

Le « iron claw », cette prise qui donne son titre au film, est la signature de Fritz Von Erich lorsqu’il était dans le ring. Cette prise, il l’inflige non seulement à ses adversaires, mais aussi à ses fils. Comme en témoigne la séquence introductive en noir et blanc, Fritz est un Jake LaMotta se détruisant lui-même et ceux qui sont autour de lui. Au loin, le père, ce lion aux griffes d’acier, observe ses lionceaux combattre dans une cage dans l’objectif de poursuivre des chimères paternelles qui ne les concernent pas. Cette emprise visuelle est constante dans le métrage car pour le regard d’un père, nous sommes tous prêts à tout. En agissant comme des animaux allant contre leur propre rêve, cette fratrie ne peut connaître qu’un destin tragique. Globalement, la famille est prise en étau par des symboles paternels marquant la tragédie à venir. La succession de plans lorsque nous entrons pour la première fois dans la maison montre une photo familiale au centre d’une croix et d’armes à feu, un modèle que nous revoyions à plus grande échelle dans le métrage et ce pour le pire.

Éduquer à coup de ceinture

Face à cette pression paternelle dévoratrice, ces frères vont se soutenir malgré le destin qui les attend. Étrangement, subsiste une certaine plénitude durant les premiers instants avec ce grand terrain idyllique et ces sorties au lac ou en soirée. Cette paix nous pouvons même la contempler sur le ring malgré les cordes qui les enferment. Ces moments fusionnels très touchants seront cependant bref car leur père va insérer au sein de cette fratrie une compétition toxique. Eux qui étaient tous différents vont s’unir en ne devenant qu’une seule et même entité à l’image d’un plan en surimpression où nous contemplons trois des quatre frères exténué, un effet qui confirme cette impression. Fritz veut un champion, peu importe qui. Cette méthode répugnante va paradoxalement fonctionner, ses fils gagnant le titre du Texas et ceux par équipe. Dans ce dernier cas, nous les voyions célébrer fièrement, sauf que Fritz va monopoliser à la fois le ring et la caméra, effaçant le succès de ses fils pour une nouvelle fois les mettre en compétition. Par la suite, d’autres titres seront remportés, à la différence que cela sera traité différemment. Les frères vont soit gagner hors champ, soit à la télévision mais dans un plan d’ensemble. Leur succès est ainsi invisibilisé et ce même pour des choses moins importantes. L’annonce de Fritz concernant le départ en tournée de David est faite par une plongée surcadrant les personnages qui souligne le manque de joie face à une telle nouvelle. Ce manque de reconnaissance est à mettre en parallèle avec la perte successive des membres de la famille. En effet, les décès des frères ne sont jamais directement montrés à l’instar des victoires des ceintures. Le sort s’acharne sur eux comme marqués par une malédiction. Le film tente d’en échapper et ce par l’impulsion d’un frère en particulier : Kevin.

Le gardien de ses frères

Deuxième fils, derrière ses frères dans le ring, Kevin est l’éternel second. Son développement personnel passe par celui sportif. Effectivement, alors qu’il était au centre du ring, il s’en éloigne pour être au bord. Il sera tellement écarté des cordes qu’il deviendra propriétaire comme son père, chose qu’il ne souhaitait pas devenir. C’est pourtant le fils qui va être le plus proche de ce qu’a été son paternel. Avant sa chute, il va suivre l’exemple de Fritz en devenant fort. Son entraînement dans le ring n’est pas celui d’un lionceau, mais d’un lion en cage prêt à manger sa prochaine proie : Ric Flair. La grande différence entre ce combat et les autres est que Kevin prend son destin en main. La caméra se focalise essentiellement sur lui et nous y croyions. Néanmoins, il ne fait que mimer son père et c’est justement en appliquant sa prise qu’il va perdre. Pourtant, en perdant il a gagné. Le catch est scénarisé et le film ne le cache absolument pas. Néanmoins, sur le ring, c’est filmé comme si ça ne l’était pas à l’instar du combat entre Kevin et Harley. La spécificité de l’affrontement face à Ric Flair est que ce final n’était pas prévu. Ainsi, en allant contre le scénario, le deuxième frère va contre son père. La séquence qui suit dans les vestiaires est très parlante sur la rupture qui se fait entre lui, sa famille et le titre dont rêve Fritz. Au premier plan se trouve la ceinture de Ric Flair et Kevin tandis que derrière nous retrouvons Fritz et Kerry. Kevin se verra proposé de sortir par le champion et les membres de sa famille, mais il refusera, disant adieu à ce monde. Cela se confirme en tant que propriétaire car il va vendre l’affaire familiale, observant le ring de loin tel son père sauf que les cordes seront molles comme si cette cage était enfin ouverte. Kevin était le seul à courir au début, à « fuir cette malédiction » comme il le disait en voix off. Par cette action, il a réussi son coup. La récompense ultime, qui vaut n’importe quelle ceinture, est la nouvelle famille qu’il a créé. La séquence finale se rapporte au tableau idyllique qu’avait peint sa mère, celui dans lequel Kevin et ses frères auraient dû vivre. Finalement, il n’y en a qu’un seul qui y aura accès.

Des lionnes sans voix

Au milieu de ces félins, les femmes sont des lionnes, toutefois leur cri ne se fait pas entendre. IRON CLAW est un condensé de testostérone avec ces hommes combattant en slip dans un ring dans l’unique but de savoir qui est le plus fort. Au-delà de la nature du catch qui était un milieu masculin et misogyne, cette virilité est dû, une nouvelle fois, à Fritz. L’éducation qu’il porte à ses enfants est basée sur le fait d’être fort et de ne jamais pleurer. Ces préceptes sont appliqués à l’entièreté du métrage, toutefois elles ont comme conséquences d’évincer totalement les femmes. Doris est la première que nous voyions à l’écran, toutefois elle est soumise à son mari au point de n’être que très peu présente pour ses enfants. Pam est seulement la deuxième femme que nous rencontrons, en revanche sa présence offrait initialement une lueur d’espoir. Elle est présentée comme une femme forte et indépendante ce qui formait un beau contrepoint avec la famille Von Erich. Ce n’est malheureusement que de courte durée étant donné qu’elle va disparaître peu à peu du film. Les personnages féminins sont étouffés par la testostérone ambiante. IRON CLAW propose une histoire sur la masculinité toxique qui se résout par la volonté d’un seul homme. La fratrie est au centre de la meute, certes, toutefois elle ne peut pas en devenir une meilleure sans les lionnes, et le métrage tend à l’oublier au fil des minutes.

IRON CLAW prend dans sa prise un système patriarcal toxique qui lui permet de s’en défaire. C’est cependant une victoire au goût de défaite étant donné que cette prise peu l’ont vu ou alors l’ont oublié. L’homme n’a pas pour vocation d’être un lion fier et puissant, il peut simplement être un humain avec des failles chose que beaucoup, encore aujourd’hui, négligent.

Flavien CARRÉ

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