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Culte pour beaucoup. Risible pour certains. Trente ans après, le premier volet des aventures de la poupée tueuse divise encore et toujours. Il faut dire qu’entre comédie d’horreur et film d’épouvante, JEU D’ENFANT a effectivement le cul coincé entre deux chaises…
Ce n’est un secret pour personne. JEU D’ENFANT est un pur film d’horreur d’exploitation high concept qui ne repose que sur son postulat de départ. En l’occurrence, une poupée tueuse. Sorti en 1988, il ferme la marche du grand n’importe quoi horrifique de la décennie 80, où tout un bestiaire assurément du meilleur goût s’en prenait à la jeune génération. Des Ghoulies à l’adaptation cinématographique hasardeuse des Crados – visiblement trop humides, les Gremlins de Joe Dante ont fait des petits. Ainsi donc, dans la série B, tout était prétexte à d’innombrables monstres irritants et irritables, mortellement dangereux et relativement increvables. Et Chucky s’inscrit directement dans cet héritage.
Ni un mauvais film d’horreur
Néanmoins, et c’est sa force, JEU D’ENFANT se base sur un postulat relativement original pour son époque. Dans la jungle des Gremlins discount, Chucky se distingue par son corps de jouet pour enfant. Aussi, par une volonté parodique pour le moins intéressante. La marque Good guy – « bon gars » en VF – est effectivement inspirée des poupées Corky, mais aussi de l’engouement pour les Cabbage patch kids. Commercialisées sous le nom de « Patoufs » en France, ces poupées de chiffon ont provoqué la première rupture de stock d’avant-Noël aux États-Unis. JEU D’ENFANT présente dès lors une critique amusante de cet engrenage de surconsommation. En effet, dès les premières minutes, le petit Andy porte un pyjama Good guy, regarde le dessin animé Good guy et mange des céréales Good guy au petit-déjeuner.
Que l’objet de son fétiche se retourne contre lui n’est, certes, pas très subtil, mais reste cependant fort distrayant. Or, là où l’on aurait pu voir naître un formidable défouloir, ne se dessine qu’un sourire amusé, tant l’épouvante prend le pas sur la dimension comique du film. Et c’est justement là que le bât blesse. Sur le plan horrifique, JEU D’ENFANT recèle de réels moments d’angoisse. Notamment lorsque l’improbable créature larde de coups de couteau la voiture d’un pauvre agent de police… La scène n’est d’ailleurs pas sans rappeler certaines incartades de Jason Vorhees ou de Michael Myers. Le long-métrage déborde effectivement de références au cinéma d’horreur. De Hitchcock à Carpenter, elles sont même pointues au point qu’on en oublie cette dimension parodique qui émane de JEU D’ENFANT.
Ni une bonne comédie
Car, ne l’oublions pas, ce film raconte tout de même l’histoire d’un tueur en série psychopathe, prisonnier dans le corps d’une poupée de 70 cm, à la suite d’un rituel vaudou perpétré dans un magasin de jouets. Tout, dans ce synopsis, porte à rire. Et dans ses quelques fulgurances, JEU D’ENFANTS s’avère effectivement drôle. Le comique fuse dans cette scène mémorable où Chucky insulte la mère d’Andy à grands coups de « salope » et de « connasse ». Ou à travers ce plan subjectif qui, au cours du crescendo final, nous projette à l’intérieur du corps de ladite poupée – renforçant ainsi tout le grotesque de la chose. Or, si ces instants fugaces ne manquent certainement pas d’humour, ils n’en demeurent pas moins des instants fugaces. En cela réside tout le problème de ce premier Chucky. Le film de Tom Holland ne parvient jamais à trouver un juste équilibre entre comédie et épouvante.
Culte
Peut-être est-ce dû – comme l’entend une rumeur tenace – à une première mouture du scénario bien plus sombre, où l’enfant persécuté était démasqué comme le véritable auteur des meurtres, alors que Chucky n’était qu’une création de son esprit. Il n’empêche que JEU D’ENFANT ne manque pas d’éléments réussis. La musique de Joe Renzetti se veut toujours aussi glaçante, même trente ans plus tard. Et, on ne peut le nier : en à peine une heure trente, le long-métrage parvient à asseoir un antagoniste parmi les plus iconiques du cinéma d’horreur. Chucky paraît en effet fort charismatique – cela tient en grande partie au doublage de Brad Dourif. Par ailleurs, l’état de dégradation progressif de la poupée tend à la rendre d’autant plus terrifiante. L’objet se voit fondu, brûlé, démembré… d’une manière sensiblement spectaculaire, aux confins de la vallée dérangeante.
La stature d’objet culte s’avère ainsi justifiée. Tom Holland, faiseur compétent du genre horrifique, n’aura pas complètement démérité. Nonobstant, on comprend également l’échec du second film, ficelé autour d’un argument de départ capillotracté, beaucoup trop premier degré pour fonctionner efficacement. Quant au virage résolument parodique pris par ses suites de 1991 à 2004, il se révèle radical, au point d’en perdre de vue l’ambiance angoissante de ce premier volet. Toutefois, on peut reconnaître à JEU D’ENFANT le mérite d’avoir su tirer parti d’une décennie de boogeymen improbables. Il parvient, en effet, à compiler le meilleur de ce sous-genre de la série B et offre un épilogue honorable aux années 80.
Lily Nelson
• Réalisation : Tom Holland
• Scénario : Don Mancini, John Lafia, Tom Holland
• Acteurs principaux : Catherine Hicks, Chris Sarandon, Alex Vincent, Brad Dourif
• Date de sortie : 5 avril 1989
• Durée : 1h27min