Sortie en tout début d’année, Tout sauf toi a été l’unique comédie romantique à retenir de 2024. Mais cette période de vache maigre prend fin avec L’AMOUR AU PRÉSENT de John Crowley, le film que tous les amoureux d’amour attendent…
Une passion contrôlée au millimètre près
L’AMOUR AU PRÉSENT est sans nul doute déjà la comédie romantique de 2025 au vu de l’attente qu’il y a autour du métrage. Avec Florence Pugh et Andrew Garfield, deux acteurs beaux, riches et talentueux ayant la cote auprès du public, il n’en peut pas être autrement. Pourtant, c’est lorsque tout paraît si beau que quelque chose cloche. Malgré tout l’attachement que nous pouvons avoir pour ces comédiens, nous nous retrouvons face à un film distant où il est compliqué de se passionner pour ce couple. Si c’est le cas, c’est parce que L’AMOUR AU PRÉSENT est, à l’instar de ses personnages, trop méthodique et ordonné. Bien qu’il ne soit pas linéaire, le choix des séquences est toujours fait méticuleusement pour coller à ce qui se déroule dans le présent et, ainsi, toucher notre sensibilité sans véritablement y parvenir. Le plus surprenant ici est que, que ce soit par son récit ou par ce qu’il montre, c’est un film qui souhaite sortir du cadre de la comédie romantique classique, mais qui plonge totalement en agissant de la sorte. C’est symptomatique d’un métrage qui n’est fait que de contradiction et qui s’emmêle les pinceaux lorsqu’il est question de créer de l’émotion.
L’amour à contre-temps
En s’embrouillant dans son montage, L’AMOUR AU PRÉSENT fait ainsi naturellement de même lorsqu’il s’agit du temps. Avec le cancer d’Almut (Florence Pugh), il est question de profiter de l’instant présent sans se soucier de l’avenir. Pour des personnages aussi ordonnés, cela aurait été logique que ce soit leur objectif étant donné qu’ils sont du genre à tout prévoir en avance. Malheureusement, ce n’est pas le cas. La maladie affiche un minuteur au-dessus de l’écran alors qu’il aurait dû ne jamais exister. Cela se répercute dans le métrage par une réalisation aseptisé, saupoudré de moments d’émotions en gros plans sur des yeux larmoyants du plus mauvais effet. Le passage de l’un est un l’autre manque de naturel, car il est fait mécaniquement dans un modèle qui se répète constamment. L’AMOUR AU PRÉSENT ne fonctionne que lorsque ni lui, ni les personnages ne contrôlent quoi que ce soit. Lorsque les deux se rencontrent ou lors de l’accouchement, cela devient plus vrai, ce qui nous offre de beaux moments de vie, chose que nous aurions souhaité avoir tout du long.
Un déséquilibre conjugal
L’esprit contradictoire du métrage naît de son sujet : le couple face à la maladie. Almut et Tobias (Andrew Garfield) sont deux personnes très différentes. L’une est progressiste et possède une famille nombreuse, tandis que l’autre est conservateur et est un fils unique n’ayant plus que son père. La rencontre entre les parents des deux amoureux marque la distance entre les deux, le champ contrechamp créant un mur. Il est alors question pour eux de vaincre ces différences et d’abattre cette paroi pour vivre le grand amour, sauf que c’est un combat injuste. En rentrant dans le rang, Almut va le payer cher. Le cancer est une sorte de punition pour elle, un supplice qu’elle doit endurer pour avoir sa propre famille. Tobias, quant à lui, risque évidemment de perdre sa femme, toutefois ce n’est rien face à ce que sa compagne subit. C’est d’autant plus agaçant qu’il est le profil type du compagnon modèle complètement irréaliste. Si c’est l’image qu’il nous renvoie, c’est parce que nous ne le voyions que très rarement en dehors du cercle familial. Il devient donc un personnage uniquement présent pour sortir des phrases bateaux tout en poursuivant un développement classique dans lequel il va embarquer sa femme.
Almut va tout de même tenter de rester fidèle à elle-même en tentant le Bocuse d’Or, mais ça peut être vu comme un geste égoïste. Nous comprenons pourquoi elle participe, mais le métrage n’appuie pas assez sur ses convictions, en particulier vis-à-vis d’un personnage outil comme son compagnon à qui nous ne pouvons que donner raison au vu de sa perfection. Traiter le cancer de façon plus réaliste aurait probablement aidé. Almut est en phase 3, mais elle a l’air de bien se porter au point de posséder encore des cheveux. Il aurait été inutile d’aller dans le pathos, toutefois montrer la difficulté d’avoir la maladie aurait aidé à souligner la force du personnage. Ainsi, d’un récit éclaté se voulant original, nous nous retrouvons avec quelque chose de très classique, et même injuste.
Almut, ou le rouage central de l’œuvre
Le déséquilibre dans le traitement des personnages s’explique par le fait que L’AMOUR AU PRÉSENT est un film sur Almut. Le métrage s’ouvre notamment sur sa routine matinale entre le jogging et la cuisine, montrant ainsi que ces activités passent après Tobias. C’est là où le film regagne en intérêt, car bien qu’elle « se range » en construisant une famille, Almut continue de poursuivre ses objectifs. La différence par rapport à avant est que le Bocuse d’Or ne devient plus un objectif personnel, mais familial, car elle le fait pour sa fille. Cela aurait pu être davantage développé au lieu d’être expédié en une séquence, toutefois ça colle à son ambition principale de transmettre. C’est un but logique étant donné qu’il n’y a pas de mystère autour de son décès, le film éloignant de plus en plus la femme de sa famille.
Ainsi, que ce soit avec son commis de cuisine ou avec sa fille, elle veut léguer quelque chose. Cela va de pair avec le surpassement du deuil de son père, elle qui n’a pas pris l’héritage qu’il lui avait laissé. Almut condense alors tout cela à la toute fin où elle accepte dans de beaux plans – faisant le lien avec d’autres vu précédemment – à accepter la mort de son père, la sienne et celle de sa condition de mère. Avec tout ça, Tobias ne peut pas exister. Il peut prendre l’héritage de son père en devenant lui aussi veuf, toutefois, c’est un élément qui n’est pas assez évoqué pour être signifiant. Ils parviennent en revanche à être utiles au développement d’Almut, car ils font partie de sa vie. Lorsqu’ils se prennent dans les bras, ils arrivent même à ne former qu’un, toutefois, il aurait été davantage appréciable d’avoir cet équilibre tout au long du métrage pour véritablement être impliqué émotionnellement.
L’AMOUR AU PRÉSENT avait tout pour nous accueillir dans ses bras, sauf qu’il a créé une barrière émotionnelle entre nous. En ne sachant jamais ce qu’il souhaite faire, le métrage se veut distant bien qu’Almut et son tragique destin nous tendait la main. L’AMOUR AU PRÉSENT sera la comédie romantique de l’année 2025, mais elle aurait pu être beaucoup plus que cela.
Flavien CARRÉ