Si LAST NIGHT IN SOHO se révèle superbe visuellement, il ne s’agit certainement pas du meilleur film d’Edgar Wright. Et pour cause.
Réalisateur culte pour certains, surestimé pour d’autres, Edgar Wright revient en 2021 avec LAST NIGHT IN SOHO. Un film d’épouvante ambitieux, au scénario moins linéaire que les précédents. L’auteur de la trilogie Cornetto – composée, pour rappel, de Hot Fuzz, Shaun of the dead et Le Dernier pub avant la fin du monde – nous offre cette-fois ci une virée dans le Londres des années 60. À travers le regard d’Éloise, étudiante en mode dans notre présent, qui rêve la nuit du destin passé d’une aspirante chanteuse. Dont l’existence se révèle, à son grand effroi, véridique.
Fulgurances et manquements
D’un point de vue purement technique, LAST NIGHT IN SOHO se veut absolument éblouissant. On lui reconnaît effectivement une mise en œuvre brillante. Et de s’extasier sur cette scène, où une steadicam se place au centre de l’action pour suivre les pas de danse d’un couple. Danse au cours de laquelle Éloise se substitue par instance à Sandy, qu’elle rêve et idéalise chaque nuit. Par ailleurs, Edgar Wright fait un usage remarqué des couleurs, tout en nuances de rouge et de bleu. Il cite aussi, beaucoup. Le Giallo italien, d’Argento à Bava, en passant par L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot.
Nonobstant, à vouloir développer un scénario plus complexe qu’à son habitude, Edgar Wright se perd quelque peu en chemin. Épaulé, dans l’écriture, par l’auteure de comics et scénariste Krysty Wilson-Cairns, il dépeint des personnages creux au tempérament mille fois déjà vu. Particulièrement en la personne de John, prétendant bon chic bon genre de l’héroïne, ô combien agaçant, si bien que leur amourette paraît surfaite. Le twist final, quant à lui, relève davantage de la facilité scénaristique que du réel retournement de situation…
Misogyne, vraiment ?
La protagoniste principale, Éloise, s’avère de surcroit grandement problématique. En effet, elle incarne l’ingénue, naïve, débarquée de sa cambrousse à la grande ville. On voudrait lui prêter l’évolution d’un personnage de femme forte. Or, le film n’y parvient jamais. Car, sans en avoir conscience, il la relègue sans cesse à sa condition de petite chose fragile. Toutefois, de là à vociférer avec la masse que LAST NIGHT IN SOHO souffre d’une misogynie sévère, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas.
En réalité, Edgar Wright porte un propos daté sur le féminin. Qui aurait certainement fait mouche il y a dix ans, mais qui ici, à force de bienveillance mal placée, s’enfonce dans le cliché. Néanmoins, tout n’est pas à jeter dans le message que délivre LAST NIGHT IN SOHO. Si son final se révèle extrêmement maladroit, le film ose tout de même une conclusion peu manichéenne, loin du complet happy end, qu’il convient de lui concéder.
En retard
De plus, LAST NIGHT IN SOHO glisse tardivement sur la vague rétro-nostalgique actuelle. En effet, il s’inscrit davantage dans un mouvement qu’il ne s’en distingue. Ceci dit, la passion d’Eloise pour le swimming London des sixties permet d’ouvrir une réflexion sur ces époques fantasmée. De s’y voir projeté brise le rêve. La confrontation avec la réalité de cette période, notamment pour les femmes, entend une désacralisation, à laquelle l’auteur se confronte lui-même par ses citations. Lui aussi rêve les années 60 et en a fétichisé les images.
En somme, LAST NIGHT IN SOHO se révèle comme un film effectivement beau visuellement, avec néanmoins de nombreux soucis d’écriture qu’il peine à résoudre. De même que son imagerie horrifique, et notamment les fantômes du passé, souffre d’un cruel manque d’originalité. Ni complètement loupé, ni foncièrement réussi, il rate la marche de son époque, celle de 2021, avec une bonne décennie de retard sur son propos sociétal et dans la construction de ses personnages. Un bon Edgar Wright, donc. Mais certainement pas son meilleur.
Lily Nelson
• Réalisation : Edgar Wright
• Scénario : Krysty Wilson-Cairns, Edgar Wright
• Acteurs principaux : Thomasin McKenzie, Anya Taylor-Joy, Matt Smith (XI)
• Date de sortie : 27 novembre 2021
• Durée : 1h57min