Chasse à l’homme dans un magasin d’ameublement désert, WAKE UP parvient à moderniser les codes du slasher, sans pour autant passer par un discours nostalgique et une narration convenue.
Massacre à la clé Allen
Après le post-apo ultra fun Turbo Kid et le film d’horreur à suspens Summer of 84, le collectif canadien RKSS, composé des cinéastes François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell, s’attaque cette fois-ci au slasher avec WAKE UP. Sorte de variation moderne sur les codes du genre, le film met en scène une bande de jeunes activistes, qui choisissent de mener une action militante dans un magasin d’ameublement à la nuit tombée. Or, le gardien, un survivaliste bâti comme une armoire à glace, décide de contrecarrer leurs plans jusqu’à les massacrer un à un dans les rayons. Une mise en abîme jouissive, pour un film finalement assez gore et divertissant à souhaits.
Outre sa construction en slasher, WAKE UP réfère également au sous-genre du survival et à l’œuvre de réalisateurs tels que Tobe Hooper, attachés à l’opposition entre générations ou catégories socio-culturelles. Là où Massacre à la tronçonneuse confrontait, en son temps, rednecks et jeunes hippies, WAKE UP dépeint un clivage plus moderne entre une jeunesse urbaine écologiste et une génération plus réactionnaire, incarnée par les frangins gardiens de nuit. Deux personnages simplets, au bon fond mais à l’équilibre fragile, par ailleurs sous fifres d’une hiérarchie, symbolisée par un simple téléphone posé au milieu de leur bureau. Or, si la pastiche sociale s’avère de bon ton, le film s’en encombre assez peu.
L’esprit vidéo-club
Le concept de WAKE UP repose plutôt sur le fort potentiel de son décor – à savoir le magasin d’ameublement. Sorte de grand IKEA vide, l’espace bénéficie effectivement d’un grand nombre de cachettes, d’un aspect labyrinthique et d’un vivier d’armes et de pièges au fort potentiel mortel. Sur le plan de la chasse à l’homme, le film fait d’ailleurs preuve d’une créativité folle, sans pour autant manquer d’une pointe d’humour bienvenue. En effet, bien loin de prendre le spectateur habitué aux codes du slasher pour un imbécile, WAKE UP s’en amuse et parvient même à surprendre en contournant certains poncifs. Des procédés à la fois ludiques et amusants, qui rendent le spectacle particulièrement fun.
Sympathique série B, ce nouveau RKSS ne se distingue pas pour autant comme un grand film. Restreintes aux plateformes de streaming dans un grand nombre de pays, les œuvres du collectif semblent effectivement taillées pour ces supports. Des divertissements faciles à consommer, à l’esthétique pop, et aux scénarios conçus pour draguer le public adolescent. Il n’empêche que dans le flux de contenus, parfois bas de gamme, produits par Netflix et consorts, RKSS se place souvent en haut du panier. Tout comme certains succès horrifiques de vidéo-clubs au cours des décennies passées. D’où notre surprise de le voir sortir sur grand écran dans nos contrées – bien qu’il le mérite tout à fait.
Can U reach my telephone?
Par ailleurs, si WAKE UP repose sur les codes d’un sous-genre du film d’horreur souvent raccroché à la nostalgie des années 80, il ne fait qu’en reprendre la structure. En effet, la vague de films rétro et/ou méta qui a submergé la production horrifique depuis 2016 semble se tarir peu à peu. Le dernier-né de RKSS participe ainsi à un renouveau, plus centré sur la dimension d’hommage. Il réadapte même ces codes du passé à notre époque moderne, là où les scénaristes se sont longtemps réfugiés dans des intrigues ancrées dans des périodes plus anciennes. Et ce, afin de contourner les difficultés d’écriture induites par les smartphones et les technologies de communication actuelles.
Sur ce point, WAKE UP s’en sort même particulièrement bien, avec une utilisation intelligente des applications de messagerie et une culture des réseaux davantage comprise que dans la plupart des pastiches crachés par les films et séries actuellement. De plus, il ose aller jusqu’au bout de son concept, avec un pessimisme et une cruauté rares à l’écran. N’en déplaise aux boomers du bis, ce slasher faussement anodin, à la fois malin et dans l’air du temps, détient toutes les qualités requises pour devenir culte auprès d’un public d’aficionados plus jeunes et plus enthousiastes.
Lilyy Nelson