Photo du film DOSSIER 137
Crédits : Fanny De Gouville

DOSSIER 137, portrait d’un système policier malade – Critique

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4.5

En compétition à Cannes. Après La Nuit du 12, Dominik Moll revient sur la Croisette avec un nouveau polar glaçant. Dans DOSSIER 137, il est question de violences policières et d’un système qui, au fond, protège l’agresseur plutôt que la victime.

2018. Une vague jaune déferle sur la France. Les manifestants, gilets sur le dos, descendent dans la rue pour faire valoir leurs droits. D’abord viennent les chants, les slogans… puis un tout autre raz-de-marée emporte la foule : la violence.

Les coups portés, les tirs de LBD sur les civils… Dans DOSSIER 137, présenté en compétition à Cannes, Dominik Moll s’attaque à un sujet brûlant : les violences policières. Plus précisément à l’après : un jeune homme a été grièvement blessé pendant une manifestation, non loin des Champs-Élysées. Son visage tuméfié gardera des séquelles à vie. Son cerveau aussi. C’est à Stéphanie (Léa Drucker), commissaire à l’IGPN, que revient l’enquête.

Dénoncer tout un système

Dominik Moll n’a pas peur d’appuyer là où ça fait mal. Dans La Nuit du 12, il évoquait un terrible féminicide. Cette fois, il s’en prend à un système entier. Censé incarner la justice, mais qui peine à la faire respecter dans ses propres rangs.

Et sur cet échiquier, Stéphanie a le mauvais rôle. « J’enquête sur la police », explique-t-elle. Elle doit mettre le nez dans les affaires troubles de ses collègues, quitte à se mettre toute une profession à dos. Aux yeux de ses confrères, elle est celle qui vient semer la zizanie dans leur propre camp.

Mais la fracture ne s’arrête pas là. En narrant la vie privée de son héroïne, Dominik Moll interroge aussi la perception actuelle de la police. Dans DOSSIER 137, il est question de cette confiance qui s’érode. D’une population qui craint – voire méprise – ses protecteurs. « Tu sais que tout le monde vous déteste ? », lui lance même son fils au moment du coucher.

Intense… et drôle

C’est dans ce climat hostile que Stéphanie tente de mener son enquête. Face à des collègues qui refusent de collaborer et à des témoins au regard méfiant. L’enquêtrice avance à tâtons, et l’on suit son cheminement avec nervosité.

Une enquête intense, qui nous frappe de plein fouet. Sa puissance tient aussi à un montage nerveux, mêlant images d’archives, interrogatoires, échanges de mails et scènes de vie. Une légèreté savamment dosée, mais plus que bienvenue. C’est sans doute là que DOSSIER 137 excelle : dans sa capacité à traiter un sujet grave sans jamais étouffer son spectateur.

Fabuleuse Léa Drucker

Léa Drucker est, comme toujours, remarquable. Si elle incarne une héroïne grave et méticuleuse, Dominik Moll lui offre aussi l’occasion de respirer dans des scènes du quotidien. La voir recueillir un chat errant, le laver dans l’évier de la cuisine ou dégommer toutes les quilles lors d’une soirée bowling insuffle une bouffée d’air dans cette atmosphère pesante. Et renforce l’attachement à la figure de l’enquêtrice, trop souvent sacrifiée dans les polars au profit de l’enquête.

En replaçant son héroïne au cœur du récit, Dominik Moll dépasse la simple affaire de violences : il ausculte les failles d’un système à bout de souffle, où la quête de vérité se heurte à un mur de silence et de loyautés conflictuelles.

Lisa FAROU

Auteur·rice

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