Photo du film CHAMBRE 212
Crédits : Jean Louis Fernandez

CHAMBRE 212, comédie conjugale et poly-gammes – Critique

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Moins dramatique que les précédentes œuvres de Christophe Honoré, CHAMBRE 212 succède dignement à Plaire Aimer et Courir Vite. Le réalisateur y analyse la vie à deux avec les yeux du XXIe siècle. Cette comédie sur les rapports amoureux est surtout poly-gammes : c’est fin, c’est drôle et c’est touchant. C’est bien joué, ça divertit et ça réfléchit. 

Avec un faiseur de théâtre et de cinéma aux manettes, pas étonnant de retrouver un peu de théâtre dans le cinéma de CHAMBRE 212, vaudevillesque à souhait (en tout cas, au début). Peut-être verra-t-on un jour les premières minutes du nouveau film de Christophe Honoré sur les planches ? Nous sommes dans une chambre d’étudiant, une prof de Droit se retrouve nue derrière le rideau pendant que son jeune jouet sexuel tente de mettre à la porte sa copine venue à l’improviste… La situation est drôle, surtout quand l’amante sort de sa cachette pour mettre les choses au clair avant de se barrer de la pièce sous les yeux interloqués des deux étudiants. Chiara Mastroianni surprend dès ce moment, reste brillante tout au long de cette comédie plus pure, elle qui avait l’habitude des compositions dramatiques. 

Honoré transforme le rôle traditionnellement réservé aux mecs, celui de prédateur infidèle, pour le donner à sa muse. Cette femme de 50 balais aime se taper des jeunes ou mater des beaux garçons, et laisse les cornes au mari. Une liberté cachée, soudain révélée à cause d’un petit SMS arrivé comme ça, devant les yeux perdus du mari, écrasé de choc. « Mais moi je ne t’ai jamais trompé », dit Benjamin Biolay. 25 ans la bague au doigt sans aller voir ailleurs ? « menteur », répond son épouse. Inconcevable, selon elle, qu’un couple reste fidèle après tant d’années… Entre Biolay et Mastroianni, ce sont, finalement, deux façons de « faire un couple » qui se découvrent ce soir-là. Et doivent se faire face, cette nuit-là.

Photo du film CHAMBRE 212
Crédits : Jean Louis Fernandez

CHAMBRE 212 dissèque la notion de couple en mettant ses deux membres à part. Honoré rappelle qu’avant de ne faire qu’un, il y a d’abord deux personnes, bien distinctes, qui doivent se demander de temps en temps où elles en sont personnellement, individuellement. « Où en est ma vie avec cette personne ? », « Que dois-je faire ? ». Une nuit pour s’expliquer avec soi-même : Biolay reste à la maison, Mastroianni dort dans l’hôtel d’en face. Une chambre avec vue sur sur son appartement, donc sur le mari… Honoré honore avec habilité ce lieu tant désiré du cinéma français, décor du voyeurisme, des amours et des nouveaux chemins de vie. Cette habilité, c’est d’évoquer la culpabilité, les remises en cause, les choix de vie ou la recomposition d’un vieux couple par le biais de situations qu’il a voulu drôles, de réminiscences du passé ou d’apparitions mi-réelles mi-imaginaires incarnées par un Vincent Lacoste toujours aussi bon, et d’une Camille Cottin dangereusement délicate.

Honoré touche un point très fort. C’est quand il entre au cœur du sujet que le vaudeville prend des tournures plus profondes, plus sociales, plus existentialistes. Peut-on rester monogame toute sa vie ? Et questionne, en fait, la vision traditionnelle du couple pour parler de quelque chose de plus actuel, encore tabou mais mieux accepté. De l’ouverture du couple, de ces « mariages à plusieurs », de ces façons plus libres ou décomplexées de concevoir une vie à deux. Bien sûr, Honoré en vient à ses tourments habituels : CHAMBRE 212 s’imprègne de personnages qui se demandent ce qu’ils ont voulu être, ce qu’ils sont devenus. Des réflexions sublimées par les partitions de Scarlatti ou par les mots chantants d’Aznavour et de Ferrat, éparpillés-ci et là. Cette soundtrack apporte du romanesque et tout un lot d’émotions à la française sur cette nuit concrètement déchirante. Il en va donc de toutes les gammes dans cette ravissante proposition de cinéma, belle et sentimentale, faussement simple sur un sujet complexe, inédite et référencée. Il y a ces manières à la Allen, à la Truffaut et à la Bergman… Le tout, à la façon Honoré. 

Yohann

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Titre original : Chambre 212
Réalisation : Christophe Honoré
Scénario : Christophe Honoré
Acteurs principaux : Chiara Mastroianni, Benjamin Biolay, Vincent Lacoste, Camille Cottin
Date de sortie : 9 octobre 2019
Durée : 1h30min

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