AVE CÉSAR !
© Universal Pictures France

AVE CÉSAR !, la récréation des frères Coen – Critique

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La filmographie des frères Coen est d’une exceptionnelle qualité, il n’y a pas de doute. Pourtant on compte un certain nombre de films plus légers, souvent des comédies anecdotiques où leur style se ressent sans enthousiasmer.

Ce qui donne des films comme Burn After Reading, Ladykiller, Intolérable Cruauté ou Arizona Junior. Une réelle interrogation persiste : pourquoi les frères Coen ne font pas des grandes comédies ? La question se pose car leurs meilleurs films sont souvent parsemés de petites touches humoristiques délicieuses. On est obligé de se demander, avec la sortie d’AVE CÉSAR !, si ce film sera une petite récréation sympathique ou à ranger à côté de leurs grandes œuvres telles que No Country For Old Men, Inside Llewyn Davies, Fargo ou The Big Lebowski. Sur le papier, on est interpellé d’emblée par le casting 5 étoiles. Jugez-en par vous-même mais vous trouverez difficilement cette année une galerie de stars aussi impressionnante : George Clooney, Josh Brolin, Ralph Fiennes, Scarlett Johansson, Tilda Swinton, Channing Tatum, Jonah Hill et Frances McDormand. Le sujet est, par ailleurs, bien imposant puisque les deux frangins s’attaquent à l’industrie cinématographique américaine dans les années 50.

Tuons le suspense directement : AVE CÉSAR ! rejoint la catégorie des films mineurs. Le scénario nous fait suivre un fixer, Eddie Mannix, durant une journée mais très vite le long-métrage prend l’aspect d’un film à saynètes qui veut donner une vue d’ensemble de l’industrie du cinéma sans arriver à trouver un liant solide pour nous tenir en haleine. Le gros soucis étant que le film ne décolle jamais et reste du début à la fin sur la même longueur d’onde. Si bien que le kidnapping d’une star nous fait sourire lorsqu’on découvre le véritable enjeu mais au-delà de la scène de réunion, cet arc scénaristique perd tout son intérêt. On décèle le plaisir que prenne Ethan et Joel Coen à jouer avec les codes du cinéma de l’époque, tout en s’offrant des reconstitutions de taille. Et pour nous aussi c’est souvent un plaisir d’assister d’un coup à une scène de western tourné en dérision ou à une scène de comédie musicale. Le réel problème reste le long-métrage dans sa globalité. AVE CÉSAR ! est en fait un film où l’on picore. On savoure une scène, on rigole puis on décroche un temps et on se fait rattraper par une autre scène un peu plus tard.

Photo du film AVE CÉSAR !
© Universal Pictures France

A la sortie du Pont des Espions, on avait noté le talent des Coen à l’écriture et on avait souligné la façon dont ils avaient investi le cinéma de Steven Spielberg en apportant leur touche reconnaissable. Évidement, AVE CÉSAR ! est parsemé de réplique irrésistibles, de détails d’écriture qui font la différence. L’humour est tel qu’on en a l’habitude, très décalé, absurde. A l’image de Tilda Swinton qui se voit attribuer un double-rôle de sœurs jumelles ennemies. L’apparition de la deuxième sœur arrive avec un aplomb qui ne peut pas ne pas vous faire sourire. Et puisqu’on est chez les frères Coen, on retrouve des personnages idiots. A commencer par George Clooney qui, pour changer, incarne encore un abruti ! Mais là où la touchante naïveté de l’idiotie se déploie le plus, c’est avec le personnage d’Hobie Doyle (Alden Ehrenreich). Ce pauvre acteur de western se retrouve catapulter sans son aval dans un film qui ne lui correspond pas et pour lequel il n’a pas les capacités requises pour tenir son rôle. Si c’est l’occasion de se marrer dans un premier temps en le voyant ne pas arriver à jouer, il trouve ensuite dans le film un rôle important, comme une réhabilitation. En permettant de résoudre le soucis avec Baird Whitlock (George Clooney), il devient un cowboy dans la vie réelle mais personne ne sait qu’il joue un rôle important. Lui qui est sans cesse en recherche de reconnaissance restera dans l’anonymat pour son fait d’arme le plus glorieux.

Le problème reste le long-métrage dans sa globalité. AVE CÉSAR ! est en fait un film où l’on picore.

On s’émerveillait devant le luxueux casting et pourtant les Coen nous désarçonnent en prenant des stars pour leur faire jouer des rôles mineurs. Jonah Hill a le droit à une seule scène, Frances McDormand de même, Scarlett Johansson n’apparaît que deux fois dans le film, Channing Tatum n’a guère plus de temps à l’écran, tout comme Ralph Fiennes. Convoquer de tels noms rappelle les pratiques de studios, qui sont critiquées par le film. Les majors voulaient absolument des stars, sans se soucier de la pertinence ou de la cohérence avec le projet (le film montre précisément et avec dérision les arcanes du milieu). En même temps, avoir une telle ligne de noms ajoute du luxe au film, en adéquation avec l’époque traitée, où seule l’apparence compte pour attirer le public dans les salles. L’affiche est très parlante à ce sujet, on peut y voir Jonah Hill présent alors qu’il n’a qu’un très petit rôle furtif.

Il va de soi qu’on apprécie la patte des frères Coen et indéniablement ce projet s’intègre dans leur filmographie. Mais il va également de soi qu’on en attendait bien plus de leur part. AVE CÉSAR ! est une petite friandise, immédiatement agréable mais aussi très anecdotique. L’avantage avec un film mineur des deux frères – et ça s’est vérifié par le passé, c’est que le film qui va suivre risque d’être une œuvre majeure. Donc acceptons la récréation déjantée que se sont offerts Joel et Ethan Coen en attendant qu’ils reviennent à des affaires plus sérieuses.

Maxime Bedini

Note des lecteurs12 Notes
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