L'AVVENTURA
© 1960 - Cino del Duca

[critique] L’AVVENTURA

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REALISATION
7.5
SCENARIO
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PHOTOGRAPHIE
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MUSIQUE
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CASTING
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7.6

A l’occasion d’une exposition à la Cinémathèque française, retour sur la carrière de Michelangelo Antonioni, ses thèmes et ses principales œuvres.

L’AVVENTURA est une affaire de femmes. De deux femmes pour être plus précis. Rome, une voiture, une brune, Anna (Lea Massari), une blonde, Claudia (Monica Vitti). En compagnie d’un groupe de riches oisifs, une classe sociale ridiculement insouciante qui traverse toute l’œuvre d’Antonioni, elles embarquent pour une croisière au large de la Sicile, parmi les îles sauvages et désolées. Sandro (Gabriele Ferzetti), que la brune Anna fréquente depuis plusieurs mois, tente de renouer le contact, pour finir par essuyer la froideur d’une femme qui doute. D’une femme qui pense plusieurs fois, à voix haute, à être seule, à vivre enfin recluse.

Comme dans un conte pour enfants bien connu, la parole d’Anna n’est pas sans conséquence. Aussitôt souhaité, aussitôt exaucé. C’est la disparition pure et simple de la jeune femme qui est au cœur de l’intrigue de ce film, hué par le public à sa sortie, récompensé du Prix du Jury à Cannes contre toute prédiction, réévalué depuis pour ses qualités plastiques. Commence alors une longue descente pour ses amis, pour son homme. Claudia s’accuse de ne pas avoir été plus présente, Sandro ravale sa colère pour de l’inquiétude. Mais son attachement à Anna n’en est que moins crédible. Embourbés dans leur quête de celle qui s’est tout bonnement évaporée au détour d’une sieste, ils se retrouvent finalement l’un l’autre, échangent des étreintes, s’explorent. Les pistes pendant ce temps s’amenuisent. La perspective de retrouver un jour Anna devient de moins en moins réaliste.

Ils auraient dû prêter plus d’attention aux signes. Car la mystérieuse disparition était prédite dès le commencement. Un ciel qui se couvre, une mer qui s’agite, un rocher qui tombe dans l’océan, un vent qui se lève. Mais aucun des plaisanciers ne saura interpréter ces présages à temps. Tout comme aucun d’eux, puisqu’il n’y a aucun suspense à briser, ne saura faire la lumière sur cet évènement. Pire, le souvenir s’efface vite de leur mémoire, Claudia restant la seule à en souffrir encore. Autour du couple, ciment du scénario antonionien, l’humanité poursuit déjà sa marche vaine avec une passagère de moins. La société mondaine s’amuse toujours, est légère. Sandro et Claudia sont constamment dérangés dans leurs recherches, leurs esprits sont ailleurs et distraits. Seuls les villages vides et silencieux qu’ils traversent sur leur route leur rappellent qu’Anna était là, une poignée de jours à peine auparavant.

© 1960 - Cino del Duca
© 1960 – Cino del Duca

Que veut-il dire, ce cinéaste, en imposant au spectateur cette disparition inexplicable ? Derrière les critiques de l’époque qui clouèrent le film au pilori, se dissimule à vrai dire la métaphore d’une peur. Cette peur est celle de l’oubli, de l’indifférence. A force d’être ignorée par ses amis, son amant, même son propre père qui désapprouve ses choix, Anna s’est effondrée sur elle-même. L’écroulement de sa personnalité se double d’un évanouissement physique. S’il s’agit bien d’une affaire de femmes, c’est que Claudia connaît également ce processus à mesure qu’elle ne cherche plus Anna que pour se trouver elle-même. Petite, toute petite face au peu de valeur qu’elle accorde à sa vie, Anna n’avait plus qu’à s’envoler, sans faire de vagues, pour de bon. Comment pourrait-il en être autrement.

« Derrière les critiques se dissimule à vrai dire la métaphore d’une peur. Celle de l’oubli. »

Le film joue donc logiquement sur la vision et l’aveuglement, ce que l’on voit et ce qui s’est dérobé à notre regard. Par sa date de sortie, 1960, L’Avventura a été perçu comme charnière dans le renouveau de l’esthétique du cinéma européen. Ses jeux d’ombres, ses travellings, ses plans instables, son contraste parfaitement maîtrisé, en font un film agréable à regarder, un film où l’esthétique reflète la perte de sens et l’absurdité du fond, ces personnages venant de nulle part et repartant dans la masse. Jusqu’à faire apparaître l’Etna enneigé, curieux, incongru, arrière-plan de la dernière image qu’il nous présente.

On peut passer des heures à se demander si Anna est un symbole et si oui, de quel symbole elle serait la clé. On peut bien sûr exprimer sa frustration devant ce mystère irrésolu. La rupture du film ne se situe pourtant pas là. L’Avventura présente en effet le corps de l’individu comme éphémère, sa présence pas plus longue qu’un instantané sur pellicule, quelques secondes dans l’Histoire de la terre. Alors certes, Anna est plus qu’un personnage. Elle est une apparence, une surface. Elle nous appelle, nous amateurs de cinéma, à prendre garde, une fois les mots « The End » lâchés sur le film, à ne pas disparaître aussi dans des vies ennuyeuses où l’on se tait, comme une certaine Anna, fondue dans l’écume sicilienne.

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avventura
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ANTONIONI – portrait d’un sérieux
Critiques :
– L’AVVENTURA
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PROFESSION: REPORTER

Titre original : L’Avventura
Réalisation : Michelangelo Antonioni
Scénario : Michelangelo Antonioni, Elio Bartolini et Tonino Guerra
Acteurs principaux : Monica Vitti, Gabriele Ferzetti, Lea Massari
Pays d’origine : Italie
Sortie : 15 mais 1960 (Cannes)
Durée : 2h23
Distributeur : Cino Del Duca
Synopsis :Durant une croisière en Sicile, un groupe d’amis fait face à la disparition de l’une d’entre eux. Son amant et son amie de toujours se mettent en quête de la jeune femme, pour finalement découvrir qu’ils sont attirés l’un par l’autre.

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Rédacteur depuis le 09.03.2015

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