[dropcap size=small]A[/dropcap]près la projection du polar noir The Chaser, le Festival du Film Coréen à Paris a accueilli l’acteur principal du film, la star populaire Kim Yun-seok, pour une courte Master Class d’une heure. Un moment agréable avec l’acteur qui nous a parlé de sa jeunesse, de sa passion pour le théâtre et de ses premiers rôles dans des dramas. Le tout avec beaucoup d’humour et d’autodérision.
Quel était votre rapport au cinéma durant votre enfance ?
Avec mes parents je regardais beaucoup de films mais uniquement à la télévision durant les séances du week-end. Nous vivions à l’extrémité sud de la Corée où était diffusé principalement des films hollywoodiens comme Autant en emporte le vent. J’ai aussi pu découvrir de grands acteurs tels que Burt Lancaster et Audrey Hepburn.
C’est ce qui vous a inspiré pour le métier d’acteur ?
En fait non. Au début je ne songeais pas du tout au métier d’acteur, mais plus à la réalisation. En classe de 3e avec des amis nous avions voulu faire un film sur la Révolte étudiante du 19 avril 1960. Nous avions même réalisé un story bord.
Vous ne vous êtes pas dirigé vers des études de cinéma après ça ?
Au lycée j’étais un cancre. En arrivant à l’université les choses n’ont pas vraiment changé. J’ai même fini parmi les cinq plus mauvais étudiants. J’ai d’abord pris une spécialisation en langue germanique car le français me paraissait trop compliqué. Je me suis arrêté à Güten Tag. J’ai fini par trouver ma voie lorsque j’ai rejoins le club de théâtre.
Comment était le théâtre en Corée à cette époque ?
J’ai rejoins la compagnie de théâtre Yeonwoo. Durant vingt ans j’ai pu exprimer ma passion. A mes début, dans les années 1980, le mouvement des « petites salles de théâtre » est apparu. Jusque là il y avait une distance importante entre le public et les comédiens à cause des salles trop grandes. Les acteurs devaient parler fort pour se faire entendre. La création des petites salles nous a amené à un jeu plus naturel.
Cela a dû influencer le jeu des acteurs mais également les pièces dans leur ensemble.
Tout à fait. Comme notre jeu devenait très naturel, il était normal d’évoquer des sujets qui pouvaient parler à tous. C’était des sujets sur la vie de tous les jours. Il n’était pas question de héros imaginaires. Pour ma part je jouais toujours des personnages intelligents comme des médecins ou des poètes. Mon ami Song Kong-ho, l’acteur principal de Memories of Murders, se chargeait quant à lui d’interpréter les méchants. C’est amusant quand on voit qu’aujourd’hui c’est moi qui suis abonné à ces rôles.
Vingt ans dans le théâtre. Vous n’avez jamais douté ?
Pendant une période de quatre-cinq ans j’ai songé à quitter la troupe. Je cogitais beaucoup sur ce qu’est une pièce, sur son côté éphémère. Egalement il y avait des problèmes économiques. Et mes parents qui m’avaient envoyé à l’université commençaient à s’inquiéter. Moi je culpabilisais. J’avais l’impression d’être un fils indigne. C’est Song Kang-ho qui m’a convaincu de continuer. A mon avis, c’était uniquement parce que j’étais son seul ami et qu’il ne voulait pas rester seul.
”Je n’ai jamais pu prévoir le succès d’un film. Lorsque cela arrive c’est pour moi comme-ci je marquais un but au moment décisif d’un match”
Après le théâtre vous avez entamé une reconversion dans la télévision.
C’est à partir de 2004 que j’ai commencé à tourner dans des dramas (série télévisée de plusieurs épisodes qui se suivent). Celui qui m’a révélé s’appelait Love me when you can, en 2006. Les scénaristes, qui avaient beaucoup de pouvoir à l’époque, me détestaient car j’avais un jeu particulier. Ils trouvaient que je n’articulais pas assez et que j’étais trop mou. C’était une période très difficile. Pour les répétitions du premier épisode je me suis fais discret. Je m’asseyais toujours loin du scénariste. Chaque jour je me rapprochais un peu. Finalement c’est seulement pour le dernier épisode que je me suis retrouvé face à lui et qu’il m’a regardé émerveillé.
Avec ce drama vous obtenez une reconnaissance à la télévision, le cinéma a suivi assez vite.
Mon premier grand succès au grand écran arrive en 2007 avec Tazza de Choi Dong-hoon. Pour ce film j’ai été un peu comme Al Pacino avec Le Parrain. C’est-à-dire que seul le réalisateur voulait de moi. Je devais incarner un personnage très méchant. Les investisseurs ne croyaient pas en moi. Finalement ce fut un succès. C’est d’ailleurs là que j’ai appris à protéger ma vie privée. Juste avant la sortie du film j’avais créé un blog internet pour mettre des photos de mes enfants. Après le succès du film j’ai vu que tout le monde s’emparait de mes photos. J’ai compris que je ne pouvais plus vivre comme avant.
Vos films ont été des gros succès commerciaux. Est-ce que cela a une influence dans vos choix de film ?
En fait je n’ai jamais pu prévoir le succès d’un film, notamment avec Punch et The Chaser. Ces deux films avaient des budgets très réduits. Le succès qu’ils ont eu a surpris tout le monde. En tout cas j’étais ravi. Du coup lorsque cela arrive c’est pour moi comme-ci je marquais un but au moment décisif d’un match.
Vous êtes aujourd’hui une star populaire en Corée après des années de travail. Que pensez-vous des jeunes acteurs qui n’ont pas eu à faire les mêmes classes que vous ?
En effet face à moi il y a souvent des jeunes acteurs qui à la base viennent de la musique, de la mode ou des dramas. Avant il y avait une catégorisation et des préjugés par rapport à ça. On séparait star et comédien. Les deux ne pouvaient pas se mélanger. Aujourd’hui avec la montée de ces jeunes on se rend compte que le mélange est possible. J’y suis personnellement très favorable car cela permet de s’ouvrir à un nouveau monde.